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11 novembre 2019 1 11 /11 /novembre /2019 06:56
La laïcité n'est pas ce que vous croyez - de Pierre Dharéville, actuel député PCF des Bouches-du-Rhône

Cet essai stimulant publié en 2013 aux éditions de l'Atelier (16€), écrit par notre camarade Pierre Dharréville, député PCF des Bouches du Rhône depuis 2017, membre de la direction nationale du PCF, prenait le contrepied d'une complète banalisation d'un discours de xénophobie prenant le voile de la critique et de l'obsession de l'islamisation de la société en déconstruisant les conceptions erronées et instrumentalisées de la laïcité. Il y avait déjà Sarkozy et son identité nationale, Jean-François Copé et ses pains au chocolat, Marine Le Pen et le FN, le racisme décomplexé en acte, mais c'était avant que Zemmour et ses épigones envahissent à ce point les médias et chaînes d'info en continu comme les semeurs de haine du Rassemblement National ou chez les Républicains ou la LREM.

Dans cet essai préfacé par le grand historien des religions et de la Mésopotamie antique Jean Baubérot, Pierre Dharréville, auteur également d'un autre essai que nous avons beaucoup aimé, Un printemps pour la République (éditions de l'atelier, 2016), livre tout aussi important pour fonder une conception progressiste de la République et comprendre la stratégie réactionnaire à l’œuvre actuellement pour diviser le peuple et le détourner de la question sociale en mettant au centre la question de l'identité (raciale, religieuse), dénonce la "laïcité d'apparence" qui vise à exclure et essentialiser, et, se situant dans la double filiation de Jean Jaurès et d'Antonio Gramsci, vise à construire la philosophie politique d'une conception émancipatrice, progressiste et révolutionnaire de la laïcité, à l'encontre de tous les rétrécissements xénophobes, contre la confiscation et le rétrécissement du combat laïque par ceux qui l'ont au fond toujours combattu: la droite et l'extrême-droite, la bourgeoisie réactionnaire. 

Compte tenu du climat actuel et de l'instrumentalisation de la notion de laïcité pour tenter de mettre au ban de la société et de la République une partie de la population, par racisme foncier, stratégie électoraliste ou volonté cynique de diversion, nous avons jugé utiles de rappeler quelques idées importantes développées par Pierre Dharréville avec une belle plume alerte, dans cet essai qui date d'il y a 6 ans mais qui est toujours d'une brûlante actualité malheureusement. 

"La laïcité n'est pas un anathème frappant d'obscénité toute conviction religieuse... Elle ne considère pas les religions comme des ennemies tant qu'elles ne manifestent pas l'intention de s'accaparer le pouvoir. Elle ne leur demande pas de cacher ce sein qu'elle ne saurait voir et de disparaître purement et simplement de l'espace public. Elle ne demande pas aux citoyens de se dépouiller de leurs convictions, fussent-elles religieuses, avant de passer le pas de leur porte ou celui des temples où ils se recueillent éventuellement. Elle ne prêche pas l'uniformité des consciences. Si elle participe de la lutte contre l'obscurantisme, si chère à l'esprit des Lumières, c'est d'abord par sa prétention à faire dialoguer différentes visions du monde, lesquelles s'obligent mutuellement à faire place aux autres, pour œuvrer au bien commun. (...). Les quatre piliers inséparables de la laïcité sont la souveraineté populaire, la liberté d'opinion, l'égalité des droits, la fraternité universaliste". 

 

Introduction à La laïcité n'est pas ce que vous croyez - Pour vivre heureux, vivant ensemble

Pierre Dharréville

" La laïcité ne passe pas de mode au grand café de la République. Chaque nouvelle marée apporte son lot de polémiques fracassantes: port du voile, prières dites "de rue", viande halal, pratique du ramadan, construction de mosquées, islam dit "radical"... Et l'extrême droite ne manque pas une occasion de tourner la manivelle de son orgue de barbarie, qui bégaye toujours le même chant de haine, réveillant le frisson de la peur et le fantasme des envahisseurs. On en voudrait, messieurs-mesdames, à la France éternelle, dont l'étoile ne finit pas de pâlir, et plus seulement au pain des Français. Le problème numéro un du quotidien? Que des croyants pratiquent une religion qui n'est pas "bien de chez nous", et, pis encore, se trouverait directement reliée au nouvel ennemi de l'Occident chrétien menacé: le "camp musulman"...

La manipulation est simple: en attaquant les "Arabes" non pas sur leur origine mais sur leur religion, on se revendique de la laïcité et l'on peut se bricoler une respectabilité républicaine. Mais il s'agit d'une laïcité bien franchouillarde qui n'est pour le coup, qu'une laïcité d'apparence... Ce qu'ils défendent, c'est une identité nationale rancie, proche du Travail, famille, patrie

C'est ce détournement de laïcité massif, avec les dangers qu'il charrie comme un fleuve ses alluvions, qui a fini par me décider à produire ce travail et à pousser ce coup de gueule: la laïcité n'est pas ce que vous croyez! La laïcité est au cœur d'un grand malentendu. (...)

Combien de fois la laïcité a-t-elle servi de cheval de Troie? Et combien de fois lui a t-on fait cracher de la fumée par les naseaux? Emballements médiatiques, empilement de lois aux formulations bizarres, amalgames en pagaille, incantations verbeuses... Le sujet est une matière hautement inflammable susceptible à tout moment de déchaîner les passions hors de tout entendement.

(...) On a truffé ce concept d'évidences avariées: la laïcité n'est pas cette sorte de rejet primaire de la religion. Au contraire, la République établit que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses". Il n'est pas plus respectable de s'en prendre à des hommes ou des femmes en raison de leur religion qu'en raison de l'origine de leurs ancêtres ou de leur couleur de peau. Aucun rapprochement n'est donc possible entre la stigmatisation, la discrimination ou la division et ce principe fondamental. Quel est ce modèle français que prétendent défendre ceux qui ont pris la laïcité en otage? Est-ce bien l'idéal républicain, qui est quant à lui, pour le coup, bien évanescent, dans la réalité comme dans leurs discours? 

Je ne peux m'empêcher de penser que la laïcité est allègrement utilisée comme un leurre. Mais, en réalité, on ne peut se contenter de voir dans cette agitation récurrente une simple volonté de détourner les regards de nos concitoyens loin des responsables de la crise sociale et économique. Tout ce cirque ne peut avoir pour seule ambition de remplir l'actualité politique en organisant le grand vide, celui qui alimente en flux continus les chaînes d'information et le bruit de fond du net. Il sert des intérêts.

A travers ces OPA inamicales sur la laïcité, c'est la fameuse et fumeuse théorie du "choc des civilisations", dont le cœur serait une guerre de religions, qui se cherche des déclinaisons locales. Or, tous les conflits auxquels la religion a été mêlée n'ont jamais été d'abord que des guerres politiques et des luttes de pouvoir dans lesquelles l'argument religieux a été une justification, un paravent ou un levier. Les conflits sont politiques, et leurs règlements sont politiques. 

Dans une société où l'on cherche à individualiser toujours plus les rapports sociaux, tout est fait pour que chacun se sente assiégé, mis en danger jusque dans son être profond, jusque dans son identité. Assiégé et assigné. A quoi se raccrocher dans ce monde qui bouscule les repères sans laisser à chacune et chacun le temps de comprendre ce qui est en train de se passer? C'est le temps des amalgames, qui bouillissent dans les marmites des apprentis sorciers. Le racisme change de visage, il se cherche des justifications et de nouveaux fondements théoriques. Il tend à se dépasser lui-même pour mieux se retrouver. Il est le verso de cet hégémonisme culturel vide de sens humain, que promeuvent les forces du capitalisme. Eux aussi veulent mettre la laïcité à leur main, comme un agent désherbant. Pour substituer l'affrontement identitaire à l'affrontement de classe. 

Il faut refuser les assignations identitaires, car nous sommes façonnés d'influences multiples, produits d'histoires personnelles et sujets en mouvement. Il faut refuser l'uniformisation culturelle, recherchée par les marchands et les gobeurs de cervelles. Il faut refuser le communautarisme, illusion de sécurité et refus de vivre ensemble en affrontant l'avenir. Il faut refuser l'intégrisme qui y prend racine et n'existe que pour conforter les puissants en aliénant les esprits et, s'il le peut, des sociétés entières. Car intégrisme et populisme sont faits du même bois et se nourrissent mutuellement". 

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