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7 novembre 2019 4 07 /11 /novembre /2019 06:53

 

Hier, tandis que le président américain Donald Trump annonçait le retrait de la signature des Etats Unis de l’accord sur le climat adopté à Paris en décembre 2015, l’Elysée déclarait dans un communiqué : « Nous le regrettons et cela rend encore plus nécessaire le partenariat franco-chinois sur le climat et la biodiversité». Il est vrai que le président de la République entamait le même jour un voyage officiel en Chine. Avec la volonté, entre autre, de trouver des débouchés pour la viande bovine française. Car les cours sont en baisse sur le marché intérieur, tandis que la France importe de plus en plus de viande de vaches laitières de réforme pour sa consommation intérieure, notamment dans la restauration collective. Elle importe aussi beaucoup de soja d’Amérique du sud pour nourrir son bétail. Mais elle exporte surtout des jeunes bovins maigres pour l’engraissement chez nos voisins italiens et espagnols. Ce n’est pas ainsi que l’on participe au freinage du réchauffement climatique.

Selon les chiffres récemment fournis par le ministère de l’Agriculture, les effectifs de bovins sont en recul sensible en France. Sur douze mois, le cheptel bovin français décroit de 267.000 têtes. Au premier semestre 2019 par rapport à la même période en 2018 le cheptel bovin recule de 1,6% par rapport à la même période en 2018. Mais le nombre d’animaux de 1 à 2 ans d’âge décroit de 7,6% pour les mâles et de 4,8% pour les génisses. Enfin, entre mai 2016 et mai 2019 le nombre de vaches faisant naître un veau par an est en recul de 1 million de têtes. C’est le cas dans les troupeaux de vaches laitières comme dans les troupeaux de vaches dites « allaitantes » qui sont suivies au pré par leur veau de l’année.

Selon une étude de l’Institut de l’élevage, 35% des élevages laitiers et 16% des élevages de bovins allaitants sont aujourd’hui en situation critique sur le plan économique. C’est dans le Grand-Ouest, le plus grand bassin laitier du pays que la situation des producteurs de lait de vache est la plus difficile avec 49% des élevages en situation critique. Dans ce même grand bassin, 42% les élevages de bovins à viande, communément appelé « allaitants», sont aussi en grande difficulté. Le trop bas prix du lait et de la viande sont la cause principale de ces difficultés économiques.

On peut raisonnablement penser que l’augmentation de la productivité de chaque vache laitière débouche progressivement sur une réduction du nombre de bêtes à production de lait constante en volume. Mais il en va différemment pour les vaches allaitantes. A la faveur des départs en retraite des éleveurs, certaines exploitations sont accaparées par des céréaliers et passent ainsi des productions animales aux productions végétales quand la qualité des sols s’y prête. On peut aussi penser que la double pression d’un faible revenu annuel et d’un manque de fourrage imputable aux sécheresses estivales a conduit des éleveurs de bovins allaitants à « décapitaliser » pour moins acheter de la nourriture du bétail, surtout quand on travaille à perte en nourrissant ce bétail.

Un constat lucide en Bourgogne-Franche-Comté

Se pose alors une question que la Fédération nationale bovine (FNB) de la FNSEA - dont le président Bruno Dufayet participe au voyage présidentiel en Chine- n’ose guère aborder depuis des années. N’a-t-on pas, à la faveur de la prime à la vache allaitante, trop augmenté le nombre global de mères charolaises , limousines , blondes d’Aquitaine , Rouge des prés , salers, Aubrac et quelques autres pour toucher davantage de primes sans se soucier suffisamment des débouchés en viande bovine ? Surtout quand beaucoup de fermes ne produisent plus assez d’herbe et d’autres végétaux pour nourrir le troupeau ? Surtout que, facteur aggravant, le libre échange dans l’Union européenne et les importations en provenance des pays tiers ont tendance à tirer vers le bas le prix de la viande bovine de qualité ? Car cette viande est concurrencée par celle des vaches laitières de réforme vendues moins chères et valorisées en viande hachée dont la consommation atteint désormais 57% des viandes bovines consommées en France !

Récemment, la Chambre régionale d’Agriculture de la région Bourgogne-Franche-Comté, a consacré une étude a la recherche d’une plus grande autonomie fourragère aux élevages laitiers et allaitants dans le but de « développer l’autonomie alimentaire » des troupeaux « pour augmenter la résilience des exploitations face aux aléas climatiques plus fréquents » ; ce dont rend compte « Le Jura agricole et rural » du 25 octobre 2019. Les travaux sont partis d’une étude du réseau « Galacsy», un observatoire régional, qui démontre que « depuis 2015, en lait de plaine, la marge brute de l’atelier lait subit une hausse des charges. Les cours des aliments et l’achat de fourrages ou coproduits suite à la sécheresse de 2018 ont fait grimper le niveau du poste alimentation, entraînant une baisse significative de la marge de l’atelier lait ». On imagine facilement que la sécheresse de 2019, succédant à celle de 2018 n’aura rien arrangé, tant dans l’élevage allaitant que dans l’élevage laitier.

Concernant ce dernier, le journal jurassien donne le témoignage de Christian Colmagne qui, en association avec son frère, produit du lait pour les fromages « comté » et « morbier » en Appellation d’origine protégée (AOP) à Champagne-sur-Loue dans le Jura. Outre les cultures céréalières, la ferme dispose de 25 hectares de prairies permanentes, de 15 hectares de prairies temporaires et cultive chaque année 3 hectares de betteraves fourragères. «Depuis 5 à 6 ans, nous privilégions les surfaces fourragères au détriment des cultures car nous voulons sécuriser l’atelier le plus rentable : La production de 175.000 litres de lait en AOP morbier et comté», dit-il.

Des cultures sur la ferme plutôt que du soja importé

Outre le séchage du foin en grange, l’exploitation s’efforce aussi d’être autonome en protéines végétales via des associations d’herbes qui vont de la luzerne au dactyle en passant par le trèfle violet, le trèfle blanc et la fétuque . De même, un mélange d’orge d’hiver, de pois et de vesce permet de récolter et de transformer à la ferme un aliment dont l’usage évite les achats de tourteaux de soja en hiver.

Au nom de la Chambre régionale d’agriculture, Sophie Dubreuil argumente dans le même sens quand elle écrit dans le même hebdomadaire : « Dans un contexte climatique de plus en plus perturbé, la sécurisation de l’alimentation du troupeau devient un enjeu majeur, quelle que soit la production. La réduction d’achats d’aliments peut passer par l’activation de différents leviers : la baisse du chargement, le stockage de fourrages, la diversification des cultures, le pâturage tournant(…) la mise en place de cultures fourragères adaptées comme le méteil ou le sorgho peut être une alternative à la culture du maïs gourmande en eau».

Commission et ministres en panne de réflexion

Pour aider les éleveurs à s’engager dans cette nouvelle orientation, - que l’actuelle phase de décapitalisation induite par le manque de fourrage va encore accentuer- il faudrait peut-être modifier certaines aides européennes à budget constant : favoriser à travers les aides annuelles les cultures fourragères qui donnent une alimentation équilibrée produite sur l’exploitation plutôt que de faire croître en nombre les têtes de bétail dans le troupeau, par exemple. Il reste à voir si la France et son ministre de l’Agriculture peuvent proposer quelque chose de cohérent dans ce domaine. A voir aussi comment réagiraient alors le Commissaire européen en charge de l’agriculture ainsi que les ministres des autres pays membres de l’Union.

Pour l’instant chacun cherche à tirer le meilleur parti des aides, sans produire la moindre réflexion prospective en ce début de siècle marqué par les changements climatiques. Dans le cadre du voyage présidentiel en Chine, il se disait hier que l’on allait faire goûter la viande de la vache auvergnate de race « Salers » aux gastronomes chinois dans le but de mettre en place une filière d’exportation. Sans jamais se poser les questions suivantes. Peut-on en même temps importer plus de soja des pays d’Amérique du sud pour nourrir nos bovins et aussi plus de viande bovine pour concurrencer celles que nous produisons ? Doit-on à partir de là parier sur les débouchés chinois pour vendre la viande que nous produisons en France à partir d’une alimentation du bétail en bonne partie importée ? Si on veut en même temps, être plus autonome en protéines animales et réduire le bilan carbone des viandes que nous produisons, ne vaut-il pas mieux s’intéresser à ce qui commence à se faire en région Bourgogne-Franche-Comté ?

 

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