Sous le titre générique « la face cachée des produits que nous consommons », INDECO-CGT a réuni quelques 200 personnes le 3 octobre à Montreuil pour une journée d’échanges consacrée à la réduction du bilan carbone des produits que nous consommons. Les débats ont montré que la manière de produire doit changer durant ce siècle pour freiner le réchauffement. Nos manières de consommer méritent aussi d’être interrogées, vu l’urgence qu’il y a à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le climatologue Jean Jouzel, membre du GIEC était le premier expert intervenant dans ce colloque. Alors qu’un réchauffement moyen de 1°C s’est produit en 150 ans, il a montré que nous sommes désormais dans une phase d’accélération avec une intensification des phénomènes climatiques extrêmes. « Si on ne fait rien nous allons vers + 5°C ou plus d’ici la fin du siècle en cours », a-t-il prévenu d’emblée. Puis il a donné quelques chiffres. Sur les 42 milliards de tonnes CO2 émises chaque année dans le monde, 37 milliards proviennent des énergies fossiles dont la consommation devrait continuer d’augmenter au moins jusqu’en 2030 alors qu’il faudrait les réduire de 40% à cette date pour viser la neutralité carbone en 2050 et contenir le réchauffement à +2°C d’ici la fin du siècle en cours comme revendiqué par les signataires de la Cop21 à Paris en 2015.
Mathieu Colleter, docteur en écologie marine, a rappelé que dans le monde 90% des stocks de poissons sont surexploités ou pleinement exploités. Mais nous allons avoir au fil des prochaines décennies des océans plus chauds et plus acides. De ces évolutions résultera selon lui « une diminution de la production primaire » fournie par les océans. Mathieu Colleter a également montré que la dégradation en cours des terres agricoles nous montre que « le modèle productiviste qui prédomine toujours sous l’influence du libre échange mondialisé doit être remis en cause sans attendre».
De son côté, la navigatrice Isabelle Autissier, présidente de WWF France, a montré comment les poissons et les oiseaux marins absorbent de plus en plus de matières plastiques. Ces dernières, baignées en milieu marin, s’imprègnent des odeurs de poissons et de crustacés et sont, de ce fait, avalées comme des proies. Le débat avec la salle a également montré que la pêche au chalut, pratiquée à grande échelle et à grande profondeur, est dévastatrice pour la faune marine. On sait que les casiers, la ligne et les filets sont des méthodes de pêche plus respectueuses du milieu marin que le chalutage. Mais, comme ce dernier permet d’augmenter les prises, il demeure trop massivement utilisé.
Manger du poisson frais, français et sauvage
Faut-il alors réduire sa consommation de poisson pour réduire la pression sur le milieu marin ? Isabelle Autissier a rappelé que la consommation moyenne de poissons et de crustacés d’un Français était de 34 kilos par an contre une moyenne mondiale de 11 kilos. Mathieu Colleter a préconisé trois critères d’achat qui seraient du frais, du français et du sauvage, à l’exclusion des poissons d’élevage eux-mêmes nourris de farines de poissons ce qui conduit à prélever énormément de poissons fourrages comme la sardine et le hareng en de nombreuses zones de pêche.
Lors de la seconde séance, Philippe Antoine, ancien président de l’INDECOSA-CGT et désormais membre du Conseil national des déchets, a plaidé pour l’économie circulaire en lieu et place de l’économie linéaire et mondialisée dans laquelle l’extraction annuelle des matières premières a doublé depuis 1980. Il préconisé la « réparabilité » plutôt que de l’obsolescence programmée et s’est demandé si on devait être propriétaire de tout ce qu’on utilise, à commencer par la traditionnelle perceuse du bricoleur.
Valérie Gonçalvès de « SOS Futur » a rappelé que 13% de la population mondiale n’a toujours pas accès à l’électricité et que cette population habite surtout en Afrique où seulement 7% du potentiel de l’hydraulique, une énergie bas carbone, est utilisé aujourd’hui sur ce continent. Véronique Martin, membre du bureau confédéral de la CGT, a montré que le transport routier absorbe aujourd’hui 88% des parts de marché en France au point qu’il manque 30.000 chauffeurs dans notre pays du fait des conditions de travail dégradées. Parallèlement, la part de rail ne cesse de diminuer alors qu’il émet 10 fois moins de gaz à effet de serre que la route par tonne de marchandise transportée. Elle a suggéré le recyclage de nos déchets chez nous au lieu de délocaliser ces activités qui relèvent de l’économie circulaire.
Promouvoir l’agro-écologie et les circuits courts
Jocelyne Hacquemand, secrétaire fédérale de FNAT-CGT, a rappelé que la planète compte 1 milliard d’affamés dont une majorité de paysans pauvres, voire privés de terre par les firmes de l’agrobusiness et les gouvernements à leur service. Dans le débat qui a suivi avec la salle, des intervenants ont argumenté en faveur d’une agriculture relevant de l’agro-écologie et des circuits courts. Cela aurait le triple avantage de réduire les importations , de réduire aussi la distance entre le fourche et la fourchette , de faire stocker plus de carbone par les sols répondant ainsi de façon pertinente à l’objectif de neutralité carbone que revendique le gouvernement pour 2050. Mais ce dernier fait chaque jour le contraire de ce qu’il conviendrait de faire dès à présent pour respecter cet objectif.