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8 septembre 2019 7 08 /09 /septembre /2019 07:40
Jean Jaurès arrive à la Chambre des députés, en 1910. Maurice-Louis Branger/Roger Viollet

Jean Jaurès arrive à la Chambre des députés, en 1910. Maurice-Louis Branger/Roger Viollet

Portrait. Jean Jaurès, naissance d’une tradition politique
Vendredi, 6 Septembre, 2019

Issu de la petite bourgeoisie paysanne du Tarn, le dirigeant socialiste est né à Castres il y a 160 ans. Agrégé de philosophie, il sera élu député et fondera l’Humanité. Sa trajectoire a marqué de son empreinte la gauche française.

 

Né le 2 septembre 1859 à Castres, au domicile de ses grands-parents maternels, Jaurès est prénommé Auguste Marie ­Joseph Jean. Le prénom usuel est le dernier, Marie et Joseph sont des signes de la foi catholique des parents et Auguste rend hommage à un aïeul.

Un frère, Louis, devait suivre, en 1860, et, en 1862, une sœur, Adèle, qui ne vécut pas longtemps. Le père, Jules Jaurès, fait valoir une petite ferme de 6 hectares, la Fédial, après s’être essayé à divers métiers, alors que la parentèle présente divers niveaux de réussite sociale ou supposée telle : deux cousins germains du père amiraux, des entrepreneurs et commerçants, un oncle percepteur, beaucoup d’officiers ou de sous-officiers… c’est la sociabilité changeante d’une famille du tiers état de la petite ville de province telle que décrite par Balzac.

La Révolution de 1789 oriente le mouvement ouvrier français

Les deux frères sont poussés par une mère attentive, affectueuse et exigeante. Après l’École navale, Louis connaît une longue et brillante carrière de marin, jusqu’à devenir à son tour amiral. Professeur de philosophie, normalien et agrégé, Jean est vite en mesure de prétendre à une brillante carrière au sein de l’université ou dans la politique. Il suit une voie originale en se vouant au socialisme à un point tel qu’aujourd’hui encore l’ensemble de la gauche française ne peut se comprendre en dehors de son empreinte.

Certes, Jaurès n’est pas le premier socialiste de l’histoire nationale. Il ne serait pas judicieux non plus de le mettre trop en majesté, surplombant ses amis et camarades comme ses adversaires ou contradicteurs, même si la tentation se comprend. Ce n’est pas par fausse modestie que Jaurès définit la bêtise comme fondée sur ­l’exagération de soi-même. Lui-même ne cesse jamais de réfléchir, de s’interroger et de chercher. Il a le sens du mouvement, de la nécessité des luttes, des oppositions, bref de l’histoire. On peut toujours discuter après coup de ses choix et les confronter à ceux de Jules Guesde, d’Édouard Vaillant ou d’autres. Il reste qu’il a largement contribué à façonner la gauche française dans ses principes, ses orientations et ses thématiques privilégiées et jusque dans son langage et ses réflexes. Cela ne résout pas tout. Communistes, socialistes, radicaux, syndicalistes, militants de tous bords ne l’ont pas toujours interprété de la même façon et se sont souvent affrontés. Mais le plus souvent leurs combats ont eu lieu sur un terrain commun, identifiable et accepté comme tel.

« Le socialisme français est un socialisme républicain », martelait un grand historien, qui fut aussi rédacteur à l’Humanité et fondateur de la Société d’études jaurésiennes, Ernest Labrousse, en écrivant une préface à l’ Histoire socialiste de la Révolution française (Éditions sociales, 1968). La Révolution de 1789 précède et oriente l’organisation du mouvement ouvrier. Quelles que soient ses volontés de construire un monde radicalement différent, celui-ci naît, vit et se développe en se fondant sur ce socle républicain et laïque, legs principal de la « Grande Révolution », mais aussi des révolutions du XIXe siècle, jusqu’à la Commune de 1871. Le combat politique s’organise en complémentarité, mais aussi en indépendance avec le syndicalisme et le mouvement coopératif auxquels nous ajouterions aujourd’hui l’ensemble divers du monde associatif et des organisations non gouvernementales. L’unité socialiste se construit sur cette base.

Lutte des classes, oui, mais aussi aspiration à une justice universelle

C’est l’essentiel de l’empreinte jaurésienne, différente de la tradition sociale-démocrate, qui, sous ses différents avatars, « réformiste » ou « bolchevique », peinera toujours à s’imposer dans son intégralité dans notre pays. Très tôt, le socialisme en France s’élargit : lutte des classes, oui, mais aussi aspiration à une justice universelle, d’où l’engagement pour Dreyfus, officier bourgeois pourtant, d’où à terme la remise en cause de l’ordre colonial, pourtant longtemps vécu comme substantiel à la République. Nous ne pouvons pas développer ici, mais nous pouvons renvoyer aux Œuvres de Jaurès en cours d’édition chez Fayard (le 14e tome, sur 1917, paraît cet automne).

En tout cas, le socialisme jaurésien fonde une tradition politique, avec ses échecs et ses erreurs comme ses succès, qui va du Bloc des gauches au Front populaire, puis au programme commun et à la gauche plurielle. Les formes évoluent et elles continueront à le faire, comme le vocabulaire employé ou les modalités, mais le substrat de ces rassemblements revient toujours à rejoindre la célèbre et si jaurésienne proclamation de notre Constitution, adoptée après la Libération : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Pour réaliser ce qui reste bien sûr largement encore un objectif, la méthode jaurésienne est celle de « l’évolution révolutionnaire », qui associe l’action parlementaire et électorale aux luttes sociales pour « aller vers l’idéal » en comprenant le réel, non en se résignant à lui bien évidemment.

Gilles Candar Historien, président de la société d’études jaurésiennes

Un inédit capital de Jaurès

Jaurès a donné un cours de philosophie sur le socialisme à la faculté de Toulouse en 1890-1891. Récemment retrouvée dans les archives Renaudel confiées à la Fondation Jean-Jaurès, sa leçon inaugurale définit le socialisme comme une doctrine justifiant l’intervention de la société dans le cœur de la vie humaine, les « relations de travail », au nom de la vie et de la liberté individuelle et au nom de l’humanité. On peut retrouver ce texte inédit, Qu’est-ce que le socialisme ?, qui vient de paraître chez Fayard (95 pages, 6 euros), préfacé par Frédéric Worms et présenté par Gilles Candar.

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