Alors que la rencontre des sept chefs d’État se concluait, Oxfam France alertait, hier, quant aux reculs enregistrés à Biarritz. Rien de concluant pour la lutte contre les inégalités. Entretien.
Engagée dans la lutte contre les inégalités, Oxfam France a fait le choix d’avoir un pied au G7 pour y porter son plaidoyer, un pied dans le contre-G7 pour y joindre sa voix. Hier, à l’heure où le sommet était en passe de se conclure, l’ONG de développement manifestait son désarroi concernant ce qu’il en sortira.
À l’ouverture du G7, Oxfam affichait son scepticisme quant à ce que l’on pouvait en attendre. Qu’en est-il à l’heure de la clôture ?
ROBIN GUITTARD Nous sommes définitivement déçus. Vu l’agenda ambitieux que le président Macron s’était fixé, nous pouvions espérer quelques actes en matière de lutte contre les inégalités. Mais rien ne sortira de Biarritz sur cette question. Pire : tout indique que le logiciel à travers lequel nos chefs d’État voient le monde ne change pas. Vendredi, par exemple, des multinationales ont promis de se mobiliser contre les inégalités. Or, laisser les grandes entreprises s’autoréguler, c’est laisser faire le système qui a généré les crises dans lesquelles nous nous trouvons. Ce que nous demandons, ce n’est pas la charité, ni des contributions volontaires de la part des multinationales. C’est que soient mises en place des règles contraignantes pour que les plus riches paient leur part.
Des règles de justice fiscale, par exemple ?
ROBIN GUITTARD Oui. Voilà des mois que nous défendons le principe de nouvelles règles internationales de taxation minimale des entreprises, pour que celles-ci paient leurs impôts là où elles réalisent leurs bénéfices. C’est une mesure essentielle de lutte contre les paradis fiscaux et les inégalités qu’ils génèrent. L’évasion fiscale coûte près de 180 milliards de dollars aux pays en voie de développement. Pourtant, ce sujet n’a pas vraiment été à l’agenda du G7. L’approche des problèmes y a été morcelée et débouche sur des déclarations sans cohérence. C’est d’autant plus dommageable que, ces dernières années, le G7 avait su prendre quelques initiatives contre la pauvreté. Celui de Biarritz, celui du président Macron, marque, lui, l’abandon des questions de développement international.
Le soutien aux pays d’Afrique était cependant au cœur de ce G7…
ROBIN GUITTARD Les annonces faites, dimanche, lors d’un point commun entre la chancelière Merkel, le président Macron et le président Kaboré, du Burkina Faso, qui préside le G5 Sahel, témoignent précisément de ce renoncement. Toutes ces bonnes intentions affichées se concluent par un partenariat qui n’implique au final que la France et l’Allemagne et porte uniquement sur les questions militaires.
Or, l’enjeu du développement est particulièrement emblématique au Sahel. Les inégalités sont à la base de toutes les crises que la région traverse. Elles y génèrent un sentiment d’injustice sociale extrêmement fort, lequel provoque à son tour des tensions extrêmes. Nous attendions du G7 qu’il soutienne les politiques sociales des pays du Sahel, aujourd’hui pressurées par l’augmentation incessante de leurs budgets militaires. Les sept puissances auraient pu créer un fonds dédié au développement de l’éducation, de la santé, de la protection sociale… À l’inverse, ils ont choisi d’alimenter le cercle vicieux de la militarisation.
Le G7 avait aussi promis d’être féministe. Qu’en reste-t-il ?
ROBIN GUITTARD Il semble que le mieux que l’on obtiendra à ce sujet sera la présentation d’une liste de bonnes pratiques des pays du G7 sur les questions de genre, et une invitation faite aux pays africains d’adopter une de ces mesures dans les prochains mois ou prochaines années. Peu de chance que le droit des femmes s’en trouve bouleversé à partir de demain…
Y a-t-il encore quelque chose à attendre de ce type de sommet ?
ROBIN GUITTARD Nous assumons pleinement notre choix de continuer à porter des recommandations au niveau du G7. Mais nous tenons aussi à faire entendre notre voix à travers les contre-G7, comme il vient de s’en tenir un. Ce sont eux, les laboratoires permettant d’inventer de nouvelles options pour une société plus humaine. C’est là que les idées se créent.
Entretien réalisé par Marie-Noëlle Bertrand
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