Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un œil vif sur l'Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien...
Nous avons souvent écrit ici que le franquisme ne fut pas une « simple dictature » « comme les autres », mais un système de terreur, concentrationnaire. « L’holocauste espagnol » fut même théorisé, programmé, afin de terroriser l’adversaire. Pour lui, « l’anti-Espagne », le nombre élevé d’irrécupérables » (d’anticléricaux) tenait à la présence dans leur corps, d’un « gène rouge » qu’il fallait identifier, localiser, éradiquer. Folie fasciste !
Pour le chef des services psychiatriques militaires, le fasciste Vallejo Nájera, comme tous ses acolytes, La République, le communisme, les anarchistes, etc. incarnaient le mal absolu. La revanche des prolétaires sur la monarchie d’Alphonse XIII, et la dictature militaire de Primo de Rivera. Il fallait donc, au nom de Dieu, de l’Eglise, de la patrie, « nettoyer », et même trier la population des progressistes et des révolutionnaires, « purifier » ces millions de sauvages espagnols « qui s’étaient égarés », un programme appliqué à la lettre, systématiquement, méthodiquement. Et à grande échelle. Tout fut systématiquement, froidement appliqué, planifié, méthodiquement mis en place. Un système de 300 « camps » de concentration » fut aménagé à la hâte pour y entasser des centaines de milliers de « rouges », de « desafectos » (des indifférents) relevaient de l’enfer : manque de nourriture, d’hygiène, de respect des prisonniers, viols, tortures... Le journaliste-historien Carlos Hernández de Miguel, dans son ouvrage : « Les camps de concentration de Franco », (éditions B, Groupe éditorial Penguin Random House, Barcelone, 2019) en a dressé une liste quasi exhaustive. Il indique qu’au camp d’Albatera (Alicante), pour le seul mois d’avril 1939, on compte 138 décès par mort et maladies.
827 exécutions au total dans les premiers jours de fonctionnement des « camps de concentration » ouverts à Santander, dont un au stade du « Sardinero ». Des arènes comme celles de Teruel, de Badajoz , devinrentse en véritables abattoirs pour républicains. Le stade de foot où jouait le Real Madrid (Chamartín), devinrent des centres de détention où des milliers de prisonniers mourraient de tuberculose, de typhus, de faim, de froid... Des citoyens ordinaires affamés, en proie aux parasites, s’effondraient en quelques jours d’internement.
Le camp « Los Almendros » faisait partie des plus redoutables. En effet, les camps étaient classés en fonction du rôle qu’ils jouaient, et des difficultés de survie. Les Espagnols, affectés par le « gène rouge », jugés irrécupérables, étaient soit liquidés, soit maltraités jusqu’à ce que mort s’en suive. Cette découverte de l’Espagne des camps, qui n’a rien à envier à l’Allemagne de Himmler, a été pendant longtemps sous-estimée. Les historiens commencent à peine, depuis quelques années, à étudier les archives de ces horribles lieux. Ils semblent s’accorder pour chiffrer entre 700 000 et un million de personnes, le nombre de détenus qui passèrent dans ces « camps de la mort ». 15% de ces derniers furent ouverts dans des couvents, des monastères, ou des édifices de valeur historique. Chaque jour, dans le cadre de la campagne de « rééducation », les détenus, considérés comme des sous êtres humains, devaient assister à la messe, chanter l’hymne franquiste, et faire le salut franquiste... Sans parler du travail esclave. Aucun des camps officiels ne fut destiné à recevoir des femmes.
Les groupes de phalangistes s’y approvisionnaient en « chair humaine » : ils amenaient des groupes de prisonniers dans la nature, et les tuaient dans le dos (c’est ce que l’on appelait les « paseos »).
Mis à part les fours crématoires, Franco et les fascistes espagnols utilisèrent toute la panoplie de l’horreur nazie.