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24 août 2019 6 24 /08 /août /2019 07:09

 

Pour porter leurs revendications, les soldats du feu du Val-d’Oise ne peuvent arborer qu’un brassard. Trop pour leur hiérarchie, qui fait pression et les a sanctionnés.

Il y a quelques semaines, Cédric Marquet a reçu dans sa boîte aux lettres un courrier de sanction pour avoir porté un brassard de gréviste. Comme ce sapeur-pompier professionnel, 21 de ses collègues du Val-d’Oise sont convoqués en vue d’un blâme et deux autres, représentants syndicaux, risquent une exclusion d’un jour avec sursis.

Depuis l’annonce le 26 juin d’un préavis de grève de sept syndicats (FA/SPP-PATS, CGT, Avenir Secours, FO, CFTC, CFDT, Unsa) jusqu’au 31 août, la mobilisation est nationale. Partout, les soldats du feu demandent plus de moyens pour exercer leur métier correctement. « En 2010, dans le Val-d’Oise, nous étions 1 100 professionnels pour 96 000 interventions par an. En 2019, nous sommes 887 pour 105 000 interventions ! » déplore Peter Gurruchaga, pompier professionnel et secrétaire général CGT du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) du Val-d’Oise.

Des fonctionnaires tenus d’assurer un service minimal

Dans ce département, la grève a débuté dès décembre 2018, avec des revendi­cations locales, jusqu’au 24 mai. Puis elle a recommencé fin juin, reprenant cette fois les revendications nationales des syndicats. À chaque fois, les pompiers val-d’oisiens grévistes arborent un ­brassard « en grève », seul moyen mis à leur disposition.

En effet, tenus d’assurer un service minimal, ces fonctionnaires sont également dépendants des modalités de grève fixées par chaque Sdis, via une note de service. Dans d’autres départements, l’affichage et la peinture sur certains camions sont tolérés et les brassards parfois directement fournis par leur hiérarchie. « Pendant six mois, il n’y a eu aucun souci avec les pompiers qui portaient un brassard. Quand les interventions sont difficiles, soit les agents les retirent, soit les personnes n’y prêtent pas attention. Mais le retour de la population a toujours été bon », détaille Peter Gurruchaga.

Pourquoi ce soudain revirement ? « Nous n’avions jamais eu de remontée d’un problème avec le port du brassard avant le mois de juillet. Il y avait quatre à cinq fois moins de grévistes, explique le colonel Stéphane Contal, directeur adjoint du Sdis 95. Parmi les revendications nationales exprimées, certaines concernent le recrutement au sein des services et l’augmentation du budget. Dans le Val-d’Oise, un effort a été fait, il s’est traduit par le recrutement de 48 sapeurs-pompiers et de 250 volontaires. »

Pour Pierrick Gallois, sapeur-pompier du Val-d’Oise également visé par une sanction, « il y a une incompréhension avec la direction. Peut-être qu’au niveau des Sdis, nous ne sommes pas les plus à plaindre. Mais, tout n’est pas rose non plus. Et nos revendications sont nationales, nous sommes solidaires des autres pompiers de France ». Cette solidarité s’exerce également au sein du Sdis 95. « Le jour où j’ai signé ma lettre de demande de sanction, nous étions quatre à porter le brassard. Quinze minutes après, nous étions 12. Pour mes collègues, ces sanctions sont illogiques », raconte Pierrick Gallois. « Le nombre fait la force. Au départ, les pompiers avaient peur. Mais la tombée des sanctions a produit l’effet inverse », précise Cédric Marquet. Quelques officiers ont également décidé de fermer les yeux et de ne plus faire remonter le nom des pompiers portant ce signe de mobilisation en intervention.

Privés de cet unique moyen de contestation, certains fonctionnaires se sentent bridés dans leur liberté d’expression. « Ils nous prennent tout. Et là ils veulent même nous effacer », se désole un sapeur-pompier auprès de Peter Gurruchaga. Début juillet, le Sdis 95 a donné pour consigne aux chefs de centre de faire retirer aux pompiers « tous les signes et outils d’appel à la grève au sein des structures ». Dans un courriel du 19 juillet, il est demandé aux cadres de la chaîne de commandement de faire remonter au chef de centre de secours les éventuels refus d’agents. Pour les réfractaires, la mention « refus d’obéissance » est alors annotée dans le dossier personnel des grévistes pendant trois ans. Une inscription qui « peut engendrer des problématiques en termes d’évolution de carrière, mais aussi concernant les mutations dans un autre service départemental », explique Peter Gurruchaga.

Un dixième de salaire retiré par journée de débrayage

Le 8 août, Luc Strehaiano, président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (Casdis), annonce dans un communiqué « autoriser les personnels grévistes à ­arborer le temps de leur grève un signe distinctif, de type brassard ». Une autorisation qui s’avère restrictive puisque, dans le Val-d’Oise, une note de service signale qu’un dixième du salaire du sapeur-pompier sera retiré par journée de grève, sur une base de 24 heures de garde. Un système de retenue confiscatoire qui les pousse à réduire drastiquement le temps de port du brassard.

« Avec cette règle, nous pouvons beaucoup moins interpeller la population. Or, le principe du brassard est d’amener un dialogue avec les citoyens », rétorque Pierrick Gallois. Et d’ajouter : « Je pense que la règle va être transgressée et que les pompiers vont continuer de le porter en service. »

À l’heure actuelle, les sanctions sont suspendues. « En réalité, elles seront annulées du moment que les pompiers se conforment à ce qui a été fixé. Pour ceux qui ne satisferont pas de cela, nous reprendrons les procédures disciplinaires », explique le directeur adjoint du Sdis 95. La CGT Sdis continue de demander l’annulation immédiate des sanctions.

Mélanie Costa et Benjamin Monnet

 

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