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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 05:31

 

Les lanceurs d'alerte en 1939

À Majorque, l’écrivain monarchiste et catholique est le témoin révolté des massacres franquistes et annonce le dessein fasciste et nazi.

«Ne réveillez pas les gosses, à quoi bon ? Vous me menez en prison n’est-ce pas, señor ? – Perfectamente, répond le tueur, qui parfois n’a pas 20 ans. Puis c’est l’escalade du camion, où l’on retrouve deux ou trois camarades. (…) “Descendez !” Ils descendent, s’alignent, baisent une médaille ou seulement l’ongle du pouce. Pan ! Pan ! Pan – les cadavres sont rangés au bord du talus, où le fossoyeur les trouvera le lendemain, la tête éclatée, la nuque reposant sur un hideux coussin de sang coagulé »… Georges Bernanos habite à Majorque. Les Grands Cimetières sous la lune vont paraître en 1937. Il a déjà écrit Sous le soleil de Satan, en 1926, le Journal d’un curé de campagne, publié en 1936 et qui sera couronné par le grand prix du roman de l’Académie française, mais aussi, en 1931, la Grande Peur des bien-pensants. Commençant par un réquisitoire contre la répression de la Commune, c’est un brûlot dirigé contre la bourgeoisie et l’argent.

Ce pourrait être un premier paradoxe de l’écrivain. Bernanos est monarchiste, catholique et de droite. Il a été proche de Drumont, l’auteur de la France juive, de Charles Maurras, avec qui il rompt en 1932, de l’Action française. Il a été membre des activistes camelots du roi. À Majorque, alors que la guerre civile a éclaté en 1936, son propre fils s’est même engagé dans la Phalange, fondée par Primo de Rivera et qui fera du sinistre « Viva la muerte » son cri de ralliement, avant de déserter après quelques semaines. Est-ce de lui qu’il parle ?

Sa tête est mise à prix par Franco

« Je connais, je connais très intimement un jeune Français qui, au début de la croisade épiscopale espagnole, ayant dû prendre part à une expédition punitive, revint hors de lui, déchira sa chemise bleue de phalangiste, répétant d’une voix entrecoupée de sanglots contenus, de son ancienne voix, de sa voix retrouvée de petit garçon : “Les salauds ! Ils ont tué deux pauvres types, deux vieux paysans”… »

Bernanos est témoin. Et révolté. Contre les assassinats de masse perpétrés jour après jour par les franquistes, contre la complicité de l’Église espagnole, qui bénit les tueurs, contre le curé, « géniteur spirituel d’une paroisse d’assassins et de sacrilèges ». Il stigmatise « le fanatisme religieux qui survit à la foi, la furie religieuse consubstantielle à la part la plus obscure, la plus vénéneuse de l’âme humaine ». Une furie portée par les plus hautes autorités ecclésiastiques de l’Espagne, qu’il dénonce avec force. Il devra quitter Majorque, sa tête est mise à prix par Franco. La rupture devient totale avec l’Action française. Son catholicisme est moral, exigeant. « Excellences, vos seigneuries ont parfaitement défini les conditions de l’ordre chrétien. Et même, à vous lire, on comprend très bien que les pauvres gens deviennent communistes. »

Mais, dès cette période, il voit plus loin encore que ce qui se passe avec ce qu’il appelle le charnier de la tragédie espagnole. Il voit à la fois ceux qui « mettraient le feu aux hommes pour un coup de bourse ». Il comprend que, au nom d’un certain « réalisme », on va décimer, après avoir exterminé les misérables, « les incurables, les infirmes, les tarés, ou présumés tels – dans l’intérêt de la race ».

Et ce qui vient avec les croisés fascistes, avec Mussolini, avec une bourgeoisie pour qui la religion est le masque de l’égoïsme et de l’injustice, c’est Hitler. « Tandis que nous voyons surgir du sol ces monstres encore vacillants sur leurs jambes, au frémissement de l’immense forêt de baïonnettes qui est en train de recouvrir la terre, les imbéciles furieux délibèrent d’apprivoiser l’éléphant fasciste pour qu’à l’issue du dressage, ayant mis à la raison le monstre hitlérien, ils aillent ensemble soumettre le troisième éléphant, le solitaire enragé qui galope et barrit de Moscou à Vladivostok. »

Dans cette période, la gauche, les communistes parlent de ceux qui pensent que « mieux vaut Hitler que le Front populaire ». Georges Bernanos, venu d’un autre monde d’idées, écrit : « Ils sentent le sol qui tremble et rassemblent leurs dernières forces pour protester contre la semaine de quarante heures, cause de tout le mal. » « Si M. Hitler et M. Mussolini ne sont pas bien-pensants comme nous, ne le dites pas ! Le Front populaire serait trop content. » Et, dit-il : « Il n’y aura plus vraiment en Europe qu’un seul peuple et un seul maître. »

Maurice Ulrich

 

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Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix - dans PAGES D'HISTOIRE

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