Surenchère électoraliste oblige, les deux chefs d’État interdisent le territoire israélien à deux élues du Congrès, critiques de la colonisation.
Depuis leur élection lors du scrutin dit de mi-mandat en novembre 2018 à la Chambre des représentants, Ilhan Omar et Rashida Tlaib sont une cible récurrente du locataire de la Maison-Blanche, qui a multiplié les allusions les plus lourdes sur le danger que représenterait l’accès aux responsabilités de ces deux jeunes femmes musulmanes – une première au Congrès. L’une, fille de réfugiés somaliens, vit dans le Minnesota. L’autre, fille de Palestiniens, réside dans le Michigan et est née aux États-Unis. Déterminé à jouer à fond la carte des éclats les plus populistes et racistes, Trump n’avait pas hésité à leur demander de « retourner » dans les pays dont leurs familles étaient originaires. Sans peur de se contredire quand il se prononce, désormais, pour qu’elles soient au moins bannies du territoire israélien.
Effets contre-productifs
Le principal prétexte saisi par les potentats états-unien et israélien est l’appartenance des deux élues au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui vise la politique coloniale israélienne. Une implication jugée sans doute d’autant plus impardonnable qu’elles avaient prévu de rencontrer des… militants pacifistes israéliens et palestiniens.
Le fait des deux princes destiné d’évidence à mobiliser le noyau dur nationaliste et ultraréactionnaire de leur électorat respectif pourrait toutefois avoir des effets contre-productifs. Aux États-Unis, même chez les républicains, on s’inquiète d’un « abaissement » de la fonction présidentielle. Et les démocrates font bloc avec les deux élues, la sénatrice Elizabeth Warren, candidate à la présidence, qualifiant de « honteuse » l’initiative des deux compères.
La décision d’Israël d’interdire, jeudi 15 août, l’accès à son territoire à Ilhan Omar et Rashida Tlaib, deux représentantes démocrates qui avaient organisé ce déplacement de longue date, illustre, à sa manière, la faiblesse relative des deux dirigeants proches de leurs extrêmes droites respectives, à la tête des États-Unis et d’Israël. La sanction, une première dans l’histoire des relations entre les deux pays, possède en effet une double dimension électoraliste. Elle intervient quelques semaines avant des législatives qui s’annoncent difficiles pour un premier ministre israélien impliqué dans de redoutables affaires politico-financières. Quand son complice Donald Trump a entamé une campagne pleine d’incertitudes pour sa réélection en 2020. Le locataire de la Maison-Blanche apparaît comme le vrai initiateur de ce double bannissement, après qu’il a pesé en sa faveur auprès de son « ami » en déclarant que cela « serait le signe d’une grande faiblesse d’Israël s’il autorisait » les deux élues à entrer sur son territoire.
Bruno Odent
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