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20 août 2019 2 20 /08 /août /2019 05:28

 

Le streaming représente désormais la majeure partie du trafic Internet. Elle est devenue l’usage d’Internet le plus énergivore, insoutenable même pour le climat. Pourtant, les plateformes poussent vers toujours plus de consommation.

Il est difficile de réaliser à quel point la consommation des vidéos en ligne est devenue un enjeu environnemental. C’est ce que démontre un rapport ­publié en juillet par The Shift Project, un club de réflexion sur l’économie décarbonnée, et intitulé « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne ». « La vidéo représente désormais 80 % du trafic ­Internet, explique ainsi Maxime Efoui-Hess, ingénieur et principal auteur de l’étude. Dix heures de vidéo en haute ­définition, cela représente plus de données que l’intégralité des textes de Wikipédia en anglais. »

Lorsqu’on veut voir une vidéo, sur Netflix par exemple, la demande est envoyée au service, qui la réoriente vers un centre de données (data center). Ces infrastructures sont parfois situées en Europe, mais, pour certains contenus, la vidéo peut traverser l’Atlantique via des câbles sous-marins. Ces centres de données, composés principalement d’espaces de stockage et de ­serveurs, sont allumés en permanence : il faut accéder aux demandes des utilisateurs à toute heure du jour et de la nuit. « Refroidir ces data centers est encore plus consommateur en énergie que les alimenter, pointe Maxime Efoui-Hess. Quelques ­initiatives améliorent un peu les choses. En ­Nouvelle-Aquitaine, l’un d’eux est refroidi avec l’eau d’une rivière. Celle-ci ressort chaude et alimente une ­exploitation de pisciculture. »

La ­dématérialisation pousse à l’augmentation de la facture

Du centre de données, la vidéo part ensuite dans les infrastructures de réseau pour arriver sur le terminal de l’utilisateur. « Il y a les antennes 3G, 4G et bientôt 5G, les câbles de fibre optique, d’ADSL, les ­routeurs, énumère l’ingénieur. Le réseau mobile va par exemple beaucoup plus consommer que le Wifi, parce qu’il faut ­envoyer les données bien plus loin, dans de plus grosses ondes. » Les infrastructures de réseau représentent pour l’instant environ 15 % de la facture énergétique totale du numérique. Mais la vidéo, le streaming et l’explosion du Cloud (ou nuage, qui désigne le stockage à distance de données dans des serveurs) et de la ­dématérialisation en ­général poussent à l’augmentation de cette facture.

Google vient ainsi d’annoncer le lancement de Stadia, un service permettant de faire du jeu vidéo en streaming. L’utilisateur jouera sur son téléviseur, mais la console ou ­l’ordinateur qui fait tourner le jeu pourra se trouver sur un autre continent. « Cela fait peur, les tuyaux sont déjà saturés, il faudra en construire de nouveaux pour ces nouveaux usages toujours plus énergivores », s’inquiète Maxime Efoui-Hess. L’ingénieur a bâti ses estimations d’émissions de gaz à effet de serre des usages du numérique sur les moyens actuels de produire l’électricité. C’est ainsi qu’il a calculé qu’en moyenne, la vidéo en ligne émet déjà autant de CO2 qu’un pays comme l’Espagne, et les seuls services de vidéo à la demande de type Netflix, autant que le Chili.

Notre consommation met à mal la résilience du réseau

« Nous en arrivons à un réel choix de société : non seulement notre consultation de vidéos n’est pas soutenable, mais en plus, la contrainte physique fera qu’on ne pourra de toute façon pas continuer ainsi », tranche Maxime Efoui-Hess. La vidéo aujourd’hui, mais aussi l’ensemble du streaming et ­l’Internet des objets, demain, vont mettre à mal la résilience du secteur. « Le numérique peut se révéler un atout pour le climat, c’est un outil qui permet aussi de faire de la chirurgie à distance, de la télémédecine, avance l’auteur du rapport. Ce sont les mêmes ­ressources que pour les chaussettes connectées ou les vidéos pornographiques ou de chatons. Que privilégier ? Il faut mettre cela en débat. »

Il est déjà possible de limiter la sur­consommation sans trop sacrifier les usages. Comme le poids d’une vidéo dépend grandement de sa résolution, celle-ci peut être limitée. « Sur smartphone, inutile de visionner en haute définition, déclare Maxime Efoui-Hess. Autre astuce : ne pas écouter de la musique sur YouTube, ou alors mettre la résolution au minimum, sauf lorsqu’on tient à regarder le clip. » Et surtout, il convient d’utiliser au minimum les données mobiles. Il est aisé sur son téléphone de les désactiver par défaut et de ne les allumer que quand on en a vraiment besoin, sans que cela remette en cause le confort d’utilisation, au contraire même, puisque la batterie gagnera en autonomie.

Plus structurellement, le rapport appelle à la régulation des designs, jugés addictifs (les vidéos dont la lecture se déclenche automatiquement), afin de bâtir des usages en accord avec les contraintes énergétiques. Premiers visés, les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en particulier. Puis Netflix ou YouTube, où les vidéos s’enchaînent sans interruption. À tel point que cela demande plus d’effort à l’utilisateur d’arrêter la lecture que de la subir. « Tous les designs mis en place sur ces plateformes le sont pour maximiser le nombre de contenus visionnés, qui est devenu une mesure de performance, détaille Maxime Efoui-Hess. Comme le cerveau humain est attiré par le mouvement, il s’agit par là de capter son attention. » La sobriété numérique, que défend le rapport, entraîne l’urgence de réfléchir aux usages, qui ne sont pas qu’une question de liberté individuelle. Le spectateur ne choisit pas forcément de regarder toutes ces vidéos, on les lui impose.

Pierric Marissal

 

Réparer son téléphone plutôt que le recycler. En moyenne, un Français change de téléphone tous les vingt mois. Des alternatives existent dans l’Hexagone pour sortir de cette surconsommation, comme Commown, coopérative strasbourgeoise qui s’attaque depuis 2018 au chantier de la résilience numérique. Elle propose à la location le fameux Fairphone, réparable, modulable et éthique. Chaque pièce abîmée est remplaçable. « La réparabilité est bien plus efficace que le recyclage pour les smartphones. Il faut maximiser la durée de vie de nos équipements, car chaque téléphone neuf, c’est un nouveau trou creusé dans une mine », assure Maxime Efoui-Hess, de The Shift Project.

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