Alors que, mercredi, les ministres des Finances du G7 se réunissent à Chantilly, Attac propose la taxation unitaire, un outil pour faire contribuer à leur mesure les multinationales.
«Nous sommes là, devant Bercy, pour montrer que si nous, avec une petite dizaine d’experts, avons réussi à calculer la taxation unitaire de huit multinationales, l’administration fiscale, qui a beaucoup plus de moyens, peut aussi le faire », a lancé, ce lundi, Dominique Plihon, économiste et coordinateur du rapport sur la question publié par Attac le même jour. L’association propose en effet de changer la manière de calculer l’impôt des grands groupes. Il s’agit, en préalable, d’imposer le « reporting » public, pays par pays, des multinationales, comme cela a été fait pour les banques.
Une demande portée plus largement par la plateforme de lutte contre les paradis fiscaux et judiciaires, dont Attac fait partie ainsi qu’une vingtaine d’organisations comme la CGT, Oxfam, CCFD-Terre solidaire… Le but : obliger les multinationales à faire la transparence sur leurs filiales, leurs effectifs, leurs chiffres d’affaires et bénéfices réalisés dans chaque pays. Attac propose surtout de considérer fiscalement ces groupes comme une entité unique – d’où le nom de « taxe unitaire » – et d’imposer les bénéfices réalisés à cette échelle. Cela permettrait de court-circuiter l’essentiel des méthodes d’évasion fiscale employées par les multinationales, qui usent de filiales dans divers paradis fiscaux pour y faire transiter leurs bénéfices.
Amazon et Bayer-Monsanto auraient été taxés 70 % de plus
Pour calculer le montant d’imposition dont ces groupes devraient s’acquitter en France, Attac a choisi simplement d’utiliser le ratio de la masse salariale française et du chiffre d’affaires réalisé sur le territoire, rapportés aux résultats mondiaux publiés chaque année. « Une méthode amendable, c’est une première étape », explique Dominique Plihon.
En pratique, avec ce mode de calcul simple, les huit multinationales étudiées auraient payé, en 2017, dernière année où l’on dispose des données de comptabilité complètes des entreprises, entre 7 et 30 fois plus d’impôt sur les sociétés (IS) que ce qu’elles ont réellement versé. Le pire étant Total, qui n’a quasiment pas contribué sur ses bénéfices cette année-là. Son siège est en France, mais le groupe réalise notamment son activité en Afrique et disperse ses profits partout dans le monde. Le groupe a payé environ 31 millions d’euros d’IS en France et aurait dû, avec la méthode d’Attac, en débourser 914,6 millions… « Selon nos estimations, les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – NDLR) et BNP Paribas auraient dû payer 2 milliards d’impôt sur l’exercice 2017, avec l’application de la taxation unitaire et du reporting pays par pays (…), soit une différence de 1,4 milliard d’euros », pointe le rapport. Amazon et Bayer-Monsanto auraient, eux, été taxés 70 % de plus.
Michael Tellmann, représentant d’Attac Allemagne, a fait également le déplacement devant Bercy. Il croit en l’importance d’enclencher cette mesure que d’autres pays suivront. « L’Inde est déjà d’accord pour appliquer cette taxation unitaire, assure-t-il. C’est encore plus important pour les pays en voie de développement, qui font face au néocolonialisme néolibéral et dont les administrations fiscales sont moins efficaces. » Et la France a montré qu’elle pouvait agir avec la « taxe Gafa » votée en juillet, mais qui est clairement insuffisante, comme l’a déjà démontré Attac.
Le moment est bien choisi, les ministres des Finances du G7 se réunissent ces mercredi et jeudi à Chantilly (Oise). Bruno Le Maire a placé cette rencontre préparatoire du sommet des chefs d’État du G7, prévu à Biarritz fin août, sous le thème « Rendre le capitalisme plus juste », avec l’objectif d’adapter la fiscalité internationale aux enjeux du XXIe siècle. « C’est vraiment hypocrite, car leur but est de perpétuer leur système, coupable des inégalités, de la destruction des espèces et du climat », déplore Sébastien Bailleul, délégué général du Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), et coorganisateur du contre-sommet du G7 qui se tiendra à Hendaye et Irun, pendant le sommet officiel.