En dépit des mobilisations politiques et citoyennes, le Conseil des ministres a validé, hier, le projet d’adoption du Ceta, qui sera soumis aux députés le 17 juillet. Une décision en contradiction totale avec les promesses de Macron.
Voilà un passage en force qui contredit sévèrement le prétendu virage écologiste de la majorité. En dépit des fortes oppositions à ce traité commercial avec le Canada, l’exécutif compte bien faire ratifier le Ceta le plus rapidement possible. « Le Conseil des ministres a délibéré et approuvé le projet de loi », a indiqué, hier, le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne à la sortie du Conseil des ministres, jugeant « très positif » le bilan de cet accord, déjà entré en vigueur à 95 % depuis septembre 2017, avant même d’avoir été ratifié par les Parlements. « Nos exportations vers le Canada ont progressé de 6,6 % entre 2017 et 2018 », s’est-il félicité. Pourtant, les rapports réalisés sur les conséquences du Ceta, jugé « climaticide » par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), racontent une tout autre histoire. « Cet accord risque surtout d’être préjudiciable aux mesures prises par les États dans l’intérêt général, comme en matière de santé ou d’environnement, ces mesures étant susceptibles d’être accusées d’entraver le commerce », avertissait la CNCDH en 2016. Plus dures encore à assumer pour le gouvernement : les conclusions de la commission indépendante mandatée par le premier ministre lui-même. Cette mission d’experts a rendu des conclusions sans appel. Selon leurs travaux, le Ceta entraînera une forte hausse des émissions de gaz à effet de serre, causée par l’augmentation du transport international et la promotion des investissements dans les énergies fossiles. Elle relève également le risque d’une influence accrue des lobbys et d’utilisation des tribunaux d’arbitrage, une aberration démocratique qui permet à une multinationale de porter plainte contre un État lorsqu’elle considère qu’une de ses politiques va à l’encontre de ses intérêts. En dépit de ces premiers bilans accablants et malgré le changement de pied de la majorité sur le Mercosur, Emmanuel Macron compte bien passer en force. Pourtant, il y a moins d’un mois, à l’occasion de son allocution lors du centenaire de l’Organisation internationale du travail, le président déclarait : « Je ne veux plus d’accords commerciaux internationaux qui alimentent le dumping social et environnemental, et, en tant que dirigeant européen, je le refuserai partout où je n’aurai pas les garanties sur ce point. » C’est dire si sa propre majorité peine à assurer le service après-vente, préférant mettre en avant leur inquiétude au sujet du Mercosur. « J’ai le sentiment que l’on se dirige vers suffisamment de garanties, affirmait, hier, le député LaREM Aurélien Taché. Tout ce qui peut permettre une coopération et nourrir une forme d’interdépendance entre les nations va dans le bon sens. »
« Le Ceta va créer un précédent pour de nombreux autres accords bilatéraux »
Ce n’est pas l’avis des 72 organisations, d’Attac à la CGT, en passant par les professionnels des filières d’élevage, les associations de solidarité, de consommateurs ou de défense de l’environnement, qui, dans une lettre publique, demandent aux parlementaires de ne pas ratifier l’accord commercial. « Les risques sont largement documentés et doivent être pris d’autant plus au sérieux que le Ceta va créer un précédent pour de nombreux autres accords bilatéraux », alertent les signataires, qui s’inquiètent également au sujet des tribunaux d’arbitrage. D’autant que, comme « tout retour en arrière pourrait s’avérer extrêmement difficile, soulignent-ils, puisque des clauses – dites crépusculaires – prévoient que ces tribunaux pourraient exister encore vingt ans après une éventuelle dénonciation de l’accord (article 30.9.1 du Ceta) ». Selon leurs calculs, 41 811 entreprises américaines se verraient donc doter de nouvelles possibilités d’attaquer des lois et réglementations dans les États membres de l’UE. Ce choix apparaît d’autant plus incompréhensible pour les 72 organisations que « les États-Unis et le Canada, qui avaient été les premiers pays industrialisés à se doter entre eux d’un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États, dans le cadre de l’Alena, ont justement décidé de l’abandonner ». Hier, Nicolas Hulot est également monté au créneau. « Le Canada est l’un des pires élèves du G20. Signer le Ceta, c’était le conforter, alors que ne pas le signer, c’était l’encourager à faire autrement », dénonce l’ancien ministre de la Transition écologique du premier gouvernement d’Édouard Philippe. De son côté, le député Matthieu Orphelin, ex-« marcheur », compte demander un « ajournement » du vote à fin 2019. À gauche, les parlementaires ne décolèrent pas. « Emmanuel Macron, s’il était conséquent en matière climatique comme il prétend l’être, et il ne l’est pas, devrait tout faire pour que ces accords soient refusés », estime le député FI Adrien Quatennens. Lors d’une conférence de presse, mardi, le député communiste Pierre Dharréville, dénonçant le caractère antidémocratique du traité, négocié dans la plus totale opacité sans aucune consultation des Parlements, a rappelé que son groupe avait fait adopter en 2017 une résolution qui préconisait notamment l’organisation d’un référendum. Une proposition reprise par les parlementaires socialistes, qui veulent soumettre, la semaine prochaine, une motion référendaire pour que cet accord soit soumis au suffrage des Français. Le projet de ratification, censé être voté le 17 juillet, arrive dès mardi prochain en commission.