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5 juin 2019 3 05 /06 /juin /2019 06:00
La France de Macron sous-traite t-elle la condamnation à mort des djihadistes français en Irak? - Henri Leclerc - L’horreur d’un crime ne justifie pas tout (L'Humanité, Alexandre Fache, 4 juin 2019)
Henri Leclerc « L’horreur d’un crime ne justifie pas tout »
Mardi, 4 Juin, 2019

Dans une tribune publiée hier, 45 avocats protestent contre l’inaction coupable de l’État, après la condamnation à mort de djihadistes français en Irak. Entretien avec Me Leclerc.
 

 

La peine de mort pour tous, par pendaison. Voilà le verdict infligé par la justice irakienne aux onze Français jugés depuis une semaine, après leur transfert de Syrie, pour « appartenance au groupe “État islamique” » (EI). « Je ne peux pas vous donner le chiffre précis mais on (en) aura d’autres », avait assuré dimanche Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, alors que 450 Français liés à l’EI environ seraient encore retenus en Syrie. Si le gouvernement dit intervenir « au plus haut niveau » pour éviter que ces hommes soient pendus, il défend aussi l’indépendance de la justice irakienne, assurant que les prévenus avaient bénéficié de « procès équitables ». Pas l’avis de Human Rights Watch, qui dénonce des procédures avec « de graves lacunes », autorisant le recours à de la « torture ». Hier, 45 avocats français ont publié sur franceinfo.fr une tribune fustigeant l’inaction de l’État dans ce dossier. Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, Me Henri Leclerc s’explique.

Laisser condamner à mort des Français en Irak serait un « immense déshonneur », écrivez-vous. Pourquoi ?

HENRI LECLERC L’honneur de la France, c’est d’être le pays des droits de l’homme. Un pays qui, comme toutes les nations du monde, protège ses ressortissants. L’interdiction de la peine de mort est par ailleurs un principe fondamental de notre droit, au cœur de la Constitution, avec l’article 66-1, comme de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans une telle situation, la France ne peut pas se contenter de protestations de principe, encore moins d’une absence de protestations. Dire « on préférerait qu’il n’y ait pas d’exécution» ne suffit pas.

Une grande partie de l’opinion considère qu’il est normal que ces Français partis faire le djihad en Syrie ou en Irak soient jugés là-bas. Pourquoi refusez-vous cette logique ?

HENRI LECLERC L’opinion n’est pas la seule boussole en matière de principes fondamentaux. En 1981, quand le Parlement a abrogé la peine de mort à l’initiative de Robert Badinter, 63 % des Français étaient hostiles à cette réforme. Personne ne conteste aujourd’hui que, ce jour-là, la France a fait un pas en avant considérable. Par ailleurs, quelle que soit l’horreur d’un crime, son auteur n’est pas destitué de la nationalité française automatiquement. Donc ces personnes restent françaises. Certes, leurs crimes sont parmi les plus lourds qui existent. Mais l’horreur d’un crime ne justifie pas l’abandon d’un principe fondamental : notre opposition à la peine de mort. La France est déjà intervenue, avec vigueur, pour des Français condamnés à mort pour trafic de stupéfiants en Indonésie, ou au Mexique. Quand de tels principes sont en jeu, elle ne peut pas donner l’impression de regarder ailleurs.

Le gouvernement assure que les procès ont été « équitables ». Cela ne vous convainc pas ?

HENRI LECLERC Pas tout à fait. Des confrères avocats, comme des journalistes ou des associations, assurent que la justice irakienne est expéditive, que les procès ne se déroulent pas toujours dans des conditions qui respectent les droits de l’homme. on parle même de tortures…

Vous évoquez dans la tribune la « résignation coupable » et même le « cynisme d’État » du gouvernement dans cette affaire. Quelle est sa responsabilité ?

HENRI LECLERC Sa responsabilité serait d’intervenir. Lorsqu’un pays comme la France veut quelque chose sur le plan diplomatique, elle a des arguments à faire valoir. Si la réponse qui lui est donnée est le mépris, elle doit montrer sa détermination.

Cette attitude serait le paroxysme d’un affaiblissement plus général de notre droit. Quelles en ont été les précédentes manifestations ?

HENRI LECLERC On l’a vu en matière d’antiterrorisme, mais pas seulement. Notre pays a voté une succession de lois sécuritaires, qui ont développé l’action de la police, en rognant parfois de manière inquiétante sur les libertés. Tout récemment, on peut citer l’interdiction préventive de manifester, finalement censurée par le Conseil constitutionnel, ou la création du délit « collectif de participation à un groupe violent ». Cela fait des années que nous tirons la sonnette d’alarme sur cet affaiblissement de notre droit.

Entretien réalisé par Alexandre Fache
« J’ÉTAIS SUPER BÊTE »
Ce lundi, deux nouveaux Français ont été  condamnés à la mort par pendaison, portant à onze le nombre de peines capitales prononcées depuis le 26 mai.
Défendus par des avocats commis d’office, qui ne les ont pas rencontrés et n’ont consulté leur dossier que quelques minutes avant l’audience, ces prévenus ont tenté
eux-mêmes de s’expliquer maladroitement. Mourad Delhomme, 41 ans, a ainsi raconté avec moult détails être entré en Syrie pour sauver la femme d’un ami. Bilel Kabaoui, 32 ans, a, lui, plaidé l’erreur de jeunesse : « Il y a cinq ans, j’étais super bête, j’étais convaincu que je pourrais ressortir de Syrie quand je le voudrais. » Tous ont trente jours pour faire appel. 
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