La fédération du Finistère du PCF organise un banquet pour la sauvegarde de l'Humanité le samedi 11 mai au Relecq-Kerhuon (salle de l'Astrolabe) entre 11h et 17h.
De 11h à 13h: interventions sur l'actualité, l'importance, l'histoire de l'Humanité.
Expositions de Unes, d'Archives sur l'Humanité.
13h: repas (couscous, 14€)
14h-17h: Partie festive et musicale avec notamment la présence de CLAUDE COUAMME, PATRICIA PAULUS...
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Les 1 001 naissances de l’Humanité
Jeudi, 18 Avril, 2019
Le journal fête ses 115 ans d’une histoire jalonnée de difficultés financières. La solidarité a permis de déjouer les multiples embûches politiques et économiques.
Dès le premier jour, Jaurès avait prévenu : « Faire vivre un grand journal sans qu’il soit à la merci d’autres groupes d’affaires est un problème difficile mais non pas insoluble. » Depuis 115 ans le journal, qui naît une première fois le 18 avril 1904, ne cesse de démontrer la pertinence des avertissements fondateurs.
À peine plus d’un an après sa première édition, l’Humanité connaît, à l’été 1905, ses premières difficultés. Tombé à 12 000 exemplaires vendus, l’existence du journal est déjà en question. La banque Rothschild fait même une proposition d’achat, rejetée par Jaurès. La direction est cependant contrainte à un projet de suppression de 15 postes et une réduction de moitié de l’enveloppe dédiée au paiement du personnel. Les salariés doivent consentir une réduction de salaire importante. Le congrès du Globe, qui a unifié les socialistes, s’est tenu en avril et sert de toile de fond à l’histoire éditoriale naissante. Objet de vifs débats, l’Humanité est alors dans le giron du Parti socialiste unifié sans en être l’organe central.
La seconde naissance en 1906
Situation politique instable, la situation économique est très difficile. Jules Renard, l’une des plumes du journal, écrit le 17 janvier 1906 dans son journal : « L’Humanité. C’est la fin : on lui a coupé l’électricité. Trois hommes font le journal. À la nuit tombante, ils attendent qu’on apporte les bougies. » Le 3 octobre 1906, soit à peine trente mois après le fameux « Notre but », Jaurès rédige un « Notre crise » qui lui fait douloureusement écho. « Maintenant, nos forces sont à bout, et si nous ne recevons pas une aide immédiate, nous succomberons au fardeau », écrit-il. « La brutalité de l’annonce suscite une importante émotion. On se mobilise en faveur du journal. Un nouveau regard est porté sur le quotidien », raconte l’historien Alexandre Courban. La mobilisation permet une seconde naissance : le 22 décembre 1906, la Société nouvelle du journal l’Humanité, qui édite encore le journal aujourd’hui, voit le jour. En janvier 1907, la première souscription individuelle est lancée pour ouvrir l’Humanité à « toutes les tendances, à toutes les idées, à toutes les forces du socialisme et du prolétariat organisé ». Les souscriptions des ouvriers, syndicats et coopératives sauvent le journal du naufrage. L’évolution du contenu éditorial avec davantage d’informations et d’actualité sociale lui permet d’élargir son public. De 40 000 exemplaires en janvier 1907, il passe à 88 000 exemplaires en décembre. Sous le contrôle éditorial de son directeur, le journal repart avec désormais le Parti socialiste comme actionnaire principal auquel il devient organiquement lié en 1911.
Républicaine socialiste à ses débuts puis socialiste, l’Humanité devient « journal communiste » après le congrès de Tours en 1920. « Il est une chose qui est restée immuable : c’est l’indépendance absolue du journal à l’égard des puissances d’argent », note Étienne Fajon, qui sera plus tard directeur du journal (1). Au long de cette décennie, le journal dénonce la guerre du Rif, l’occupation de la Ruhr, et se fait l’écho en France de la révolution d’Octobre. De saisies en procès, d’amendes en emprisonnements de ses dirigeants (Paul Vaillant-Couturier, son rédacteur en chef, est emprisonné pour avoir critiqué Mussolini), l’Humanité est assaillie de toutes parts.
En 1929, le gouvernement Tardieu fait occuper la Banque ouvrière et paysanne par la police, la met en liquidation et fait exiger par administrateurs judiciaires le paiement des dettes du journal. Rien ne semble pouvoir alors sauver l’Humanité. Son directeur, Marcel Cachin, lance l’appel à la constitution des comités de défense de l’Humanité (CDH). 1,5 million de francs sont collectés en quatre mois. Le journal est sauvé une nouvelle fois par ses lecteurs et ses soutiens.
La première Fête de l’Humanité en 1930
Les CDH se retrouveront l’année suivante lors de la première Fête de l’Humanité. Créée en pleine crise, elle deviendra un élément fondamental de rayonnement pour le journal en réunissant plusieurs centaines de milliers de participants au début septembre de chaque année au long de ses 83 éditions.
En 1939, la méthode pour faire taire l’Humanité est encore plus brutale : elle est interdite le 26 août en même tant que le Parti communiste. Qu’à cela ne tienne. L’Huma clandestine parait dès le 26 octobre 1939 et publiera 317 numéros tout au long de la guerre. « Huma ! Une pauvre Huma, un papelard, mal ronéotypé, mais l’Huma », comme le fait dire Aragon à Guillaume Vallier dans les Communistes. Ceux-ci font vivre leur journal au péril de leur vie tout comme les équipes du journal, dont une grande partie est assassinée par l’occupant ou la police de Vichy, dont Gabriel Péri et Lucien Sampaix. L’Huma renaît à nouveau au grand jour le 21 août 1944 sous forme d’une feuille recto verso qui coûte 2 francs. Au lendemain de la guerre, la loi Bichet permet une certaine égalité dans la diffusion de la presse et sanctionne les trusts d’avant-guerre, dont la plupart ont collaboré. Le pluralisme de la presse devient principe constitutionnel et l’Humanité comme les journaux de la Libération se voient garantir une place dans le débat public. Les grands éditeurs auront cependant tôt fait d’affaiblir la loi par un intense lobbying auprès des parlementaires (2).
Le 3 octobre 1948, la famille s’agrandit : la naissance de l’Humanité Dimanche permettra de donner la pleine mesure des CDH. En 1963 on en comptera 40 000 à travers le pays et un demi-million d’exemplaires vendus de l’hebdomadaire. Malgré de tels résultats, l’économie de la presse reste très compliquée et une souscriptio n est lancée cette même année pour boucler les comptes du journal. « La fabrication du journal (papier et impression) représente 60 % de ses dépenses. Il s’agit de frais incompressibles. Ni l’esprit d’initiative et la rigueur d’une administration scrupuleuse, ni le dévouement désintéressé de nos employés ne peuvent les compenser. L’Humanité a donc besoin d’aide », écrit Étienne Fajon en 1964. Pour garantir le pluralisme, son successeur, Roland Leroy, obtiendra de l’Etat, l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.
Le défi des révolutions technologiques
En 1989, la chute du mur de Berlin sera un nouveau défi de taille pour le quotidien né quatre-vingt-cinq ans plus tôt et qui déjà doit affronter une crise de la presse qui s’aggrave. C’est par un plan social que le journal entame une décennie qui le verra cesser d’être l’organe central du PCF en 1994. Cinq ans plus tard, l’Humanité Dimanche est supprimée, un nouveau projet dont l’ambition affichée était d’élargir le lectorat de l’Humanité échoue et entraîne une nouvelle crise, avec à nouveau des conséquences sociales en 2001. La période qui s’ouvre alors est marquée notamment par de grands mouvements sociaux, le centenaire de 1904 et par la bataille contre le TCE (traité établissant une constitution pour l’Europe) de 2005, dans laquelle le titre se distingue. Le magazine, disparu, renaît en 2006 grâce à quelque 8 000 cofondateurs et touche plus de 70 000 lecteurs quelques mois après un lancement réussi. Un succès éditorial et financier qui n’empêchera pas l’Humanité de crouler sous les dettes qui l’obligent à vendre son siège, construit par Oscar Niemeyer en 1989. Grâce à la vente et à une souscription exceptionnelle, le journal est une nouvelle fois sauvé.
En 2019, placé en redressement judiciaire, le défi du journal de Jaurès est de réussir à trouver sa place dans une révolution technologique qui bouleverse les habitudes de lectures et nécessite des fonds importants. 90 % des médias sont possédés par 9 milliardaires qui peuvent éponger les pertes d’un modèle économique pour l’instant difficile à trouver. Comme, depuis 115 ans, l’Humanité peut survivre grâce aux efforts conjoints de ses équipes et du soutien indéfectible de ses lecteurs.
(1) En feuilletant l’Humanité 1904-1964. (2) L’Âge d’or de la corruption parlementaire 1930-1980, de Jean-Yves Mollier. Perrin, 2018.
Cédric Clérin
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