En 2016, pour sa première candidature, Marielle Franco est élue conseillère à la Chambre municipale de la ville de Rio de Janeiro pour la coalition Mudar é possível (« changer est possible »), formée par le PSOL et le Parti communiste brésilen. En obtenant plus de 46 000 voix, elle est le cinquième candidat qui recueille le plus de suffrages sur l'ensemble de la ville. Elle a souhaité faire de son mandat un lieu de débat sur le genre, la favela, les discriminations raciales.  Elle a présenté 116 propositions et 16 projets de loi, dont un sur la garantie d'accès à l'avortement dans les cas prévus par la loi et un sur l'ouverture des crèches la nuit. Elle était présidente de la Commission de Défense de la Femme.

Elle dénonce, dans une critique publique, la violence de la police militaire de Rio de Janeiro dans les favelas.

 
Terriennes - TV5 MONDE - Frantz Vaillant
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Femmes 2018 : Marielle Franco, assassinée et toujours présente (4/10)

Au Brésil, la jeune élue noire et homosexuelle a été exécutée de quatre balles dans la tête le 14 mars 2018. Marielle Franco dénonçait sans relâche les violences policières, et les collusions entre politique et mafia. Son combat est plus que jamais d'actualité à l'heure où Jair Bolsonaro, homophobe et sexiste, arrive au pouvoir.

"Ils croyaient nous enterrer mais nous étions des graines" répétait-elle.
Dix mois après son assassinat, personne  n'a oublié la mémoire et le combat de Marielle Franco qui aimait à se présenter ainsi : "Femme, Noire, née et habitant dans la favela (bidonville), défenseure des droits humains".
La jeune élue, homosexuelle, était membre de l’Assemblée législative de la ville de Rio de Janeiro. Et son courage, telle une graine, a effectivement poussé dans le coeur d'autres femmes noires qui se sont inspirées de son héritage politique.

Sa vie durant, Franco aura défendu le principe "d'occuper la politique et de ne pas les laisser faire des lois pour nous".
C'est que dans ce pays, les inégalités raciales sont criantes.
Et les chiffres parlent d'eux-mêmes. Parmi les 10 % des Brésiliens les plus riches, 70 % sont blancs, tandis que 74 % des Noirs font partie des 10 % les plus pauvres. En novembre 2017, un sondage de l'Institut Locomotiva montrait par exemple que les hommes noirs diplômés universitaires gagnaient en moyenne 29 % de moins que les Blancs à qualification égale, 27 % de moins pour les femmes.

Tuée par des groupes criminels

Pour son ultime rendez-vous, le  14 mars 2018, devant un public venu écouter  un débat sur les luttes des jeunes noirs, Marielle Franco s'adressa à eux :  "Nos corps noirs et notre mobilité sont menacés, nous allons donc essayer de veiller à ce que nos événements ne se terminent pas après 21 heures, de manière à ce que la plupart des habitants des autres quartiers puissent rentrer ".

 
Le 9 janvier 2018, la conseillère municipale Marielle Franco donne une interview sur la place Cinelandia à Rio de Janeiro, au Brésil.

Mais c'est elle qui ne rentrera jamais chez elle.

En quittant cette réunion, elle regagne sa voiture avec son chauffeur et son attachée de presse. Quelques kilomètres plus loin, les occupants d'une autre voiture ouvrent le feu sur le véhicule de la conseillère. Elle reçoit quatre balles dans la tête et décède sur le coup. Son chauffeur est également abattu.
L'attachée de presse est indemne.

Au cours de son exercice, la conseillère aura présenté près de 20 projets de loi. Un seul fut approuvé : une loi visant à créer davantage de maisons de naissance pour améliorer les soins dispensés aux mères et aux nouveau-nés.
Parmi les autres propositions, citons une campagne permanente contre la violence et le harcèlement sexuels, une étude avec des données précises sur la violence sexiste à Rio, la prise en compte d'une journée de lutte contre l'homophobie, un autre jour pour honorer la visibilité lesbienne.

Le manuel de survie pour les femmes

Le 7 mars 2018, une semaine avant son assassinat, Marielle Franco publiait sur Twitter "des phrases du manuel de survie pour femmes au milieu de beaucoup d'hommes" :

("Tu m'interromps","C'est la même idée que j'ai exposée"," Ta blague machiste n'est pas drôle.","Ne me touche pas " et "Merci de m'avoir appris ce que je sais déjà ")
À l'occasion de la célébration de la Journée internationale des droits des femmes au Brésil, elle tweetait : "En 2017, il y avait une lesbienne tuée par semaine. 83% des crimes sont commis par des hommes."

Et les années à venir risquent d'aggraver les choses.

"C'est fini, toute cette merde !"

Rien de plus exaspérant pour la droite radicale que ce souvenir entretenu de Marielle Franco.
Pour eux, hors de question que l'édile assassinée se change en martyr.

Le nouveau président élu du Brésil, Jair Bolsonaro, vient d'annoncer qu'il signera bientôt un décret garantissant aux citoyens sans antécédents criminels la possibilité de posséder des armes à feu.

Début octobre, une plaque en hommage à Marielle Franco a été décrochée et brisée lors d’un meeting de campagne de Rodrigo Amorim. Celui qui était alors candidat à la députation de l’Etat de Rio de Janeiro (et qui a finalement était élu) a brandi les morceaux de plaque en menaçant : "Préparez-vous, gauchistes: en ce qui nous concerne, vos jours sont comptés. C’est fini, toute cette merde. Maintenant, c’est Bolsonaro. "
Et la foule a applaudi.

Une enquête qui piétine

Et pendant ce temps, l'enquête piétine.
Dernièrement, le général Richard Nunes, secrétaire à la Sécurité publique pour l'État de Rio, a déclaré dans un quotidien : "Marielle Franco se battait dans une zone de Rio contrôlée par des miliciens, où des intérêts économiques de toutes sortes sont en jeu", a-t-il expliqué "Ce qui a conduit à l'assassinat de la conseillère municipale et de son chauffeur, c'est la perception qu'elle mettrait en danger les intérêts de ces groupes criminels dans ces zones de l'ouest de Rio"

La violence au Brésil
En 2017, le pays a établi un record du nombre de meurtres, avec un peu plus de 63 000 personnes tuées, soit plus de sept par heure. Un rapport publié en août 2018 révélait une augmentation de 6% des meurtres de femmes en 2017, par rapport à l’année précédente. Au total, 4 539 femmes ont été tuées, dont 1 133 ont été victimes de "féminicide", c'est à dire tuées parce que femmes.

"Barre-toi d'ici sale féministe"

Il y a plusieurs semaines, c'est Anielle, la soeur de Marielle Franco, qui a été victime d'une agression en pleine rue.

Elle raconte l'événement sur sa page Facebook : " Aujourd’hui, avec ma fille de deux ans dans les bras, alors que je marchais dans la rue à côté d’un centre commercial, sans autocollant ni badge, sans tee-shirt revendicatif ni drapeau (c’était juste moi et Mariah, elle avec ses habits pour aller à la crèche, moi avec mes vêtements de travail), on m’a crié au visage – je répète : crié au visage - et par conséquent sur le sien (elle était évidemment terrifiée) - des cris comme quoi j’étais de « la gauche de merde », « barre-toi d’ici sale féministe », « Bolsonaro… piranha », par des hommes qui portaient le tee-shirt de campagne de ce candidat."

Partout, les associations LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans) dénoncent une recrudescence des agressions depuis le triomphe de Bolsonaro. Le président d’extrême droite reste un nostalgique de la dictature militaire qui a ensanglanté le Brésil entre 1964 et 1985. Et il n'en fait pas mystère : "L'erreur de la dictature a été de torturer sans tuer" soutenait-il en 2016, lors d'une interview à une radio.

"Marielle est encore un symbole d'espoir"

Malgré les dangers et la terreur qui s'amplifient, Monica Benicio, la veuve de Marienne Franco, continue de parcourir le monde  pour perpétuer la mémoire de celle qu'elle aimait.

On l'invite régulièrement dans des événements de promotion des droits humains: "Marielle est un symbole d'espoir", affirme-t-elle dans un entretien à l'AFP.
La douleur est une sorte de combustible. Et ça me motive de voir des gens du monde entier me dire que notre combat les inspire, Marielle est encore un symbole d'espoir. En tant qu'épouse, je ressens une douleur très particulière. Mais en tant que Brésilienne, ça me fait aussi mal de voir qu'un tel attentat à la démocratie puisse rester tant de temps sans réponse".

Depuis la fin août 2018, elle bénéficie d'une protection policière.

Ce qui n'est pas vraiment fait pour la rassurer.

Brésil : Les roses de résistance naissent dans l’asphalte: le dernier discours de Marielle Franco, militante féministe, lesbienne, communiste, assassinée à Rio de Janeiro le 14 mars 2018

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