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21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 06:33

 

Alors que la Commission nationale du débat public (CNDP) s’inquiète d’une trop forte main-mise de l’exécutif sur le « grand débat » promis par Emmanuel Macron, le gouvernement a déjà prévenu qu’il n’était pas question de revenir sur les « transformations » engagées depuis le début du quinquennat.

C’est la deuxième grande promesse d’Emmanuel Macron. Celle qui est censée compléter d’ici le printemps 2019 les mesures décidées dans l’urgence et l’improvisation pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Lundi 10 décembre, le président de la République avait annoncé vouloir rapidement tenir un « débat sans précédent », destiné, selon ses mots, à « bâtir le socle de notre nouveau contrat pour la Nation ». Dans la foulée, le gouvernement et la majorité se sont emparés de l’idée, la dégainant à la moindre occasion pour montrer la volonté du pouvoir d’être enfin à l’écoute des Français.

D’abord concentré sur la seule question de la transition énergétique, ce « grand débat » a ensuite été élargi aux trois autres axes que sont la fiscalité, l’organisation de l’État, et la démocratie et la citoyenneté – l’immigration ayant un temps été envisagée comme une thématique à part entière, avant d’être fondue dans ce dernier ensemble. Initialement prévu du 15 décembre au 1er mars, il démarrera finalement mi-janvier, au terme d’une « première étape » qui doit, selon l’Élysée, « permettre de nourrir la dynamique portée au niveau des maires, qui ont déjà commencé à faire remonter le résultat de leurs échanges avec leurs administrés ». Sans que l’on sache vraiment où ces remontées ont atterri.

La présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno. © Facebook/Chantal Jouanno

Selon Benjamin Griveaux, la seconde phase du « grand débat » devra déboucher, « fin mars, mi-avril », sur « des décisions très concrètes, en fonction des consensus identifiés ». Mais l’exécutif a d’ores et déjà fixé les lignes rouges de l’exercice. Elles ont été énoncées par le porte-parole du gouvernement à l’issue du conseil des ministres du mercredi 19 décembre. Et elles en disent long sur la façon dont les futures remontées du terrain seront réellement prises en compte. « Il y a un principe simple qui est que ces 18 mois ne seront pas détricotés en totalité par les trois mois de débat », a ainsi prévenu le secrétaire d’État. Avant de poursuivre : « Je rappelle que nous avons un président de la République et une majorité parlementaire nette qui ont été élus sur un projet. »

Interrogé sur le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), réclamé par bon nombre de gilets jaunes, Benjamin Griveaux a rappelé qu’il y aurait une évaluation de son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui serait faite par « des experts indépendants et des parlementaires ». « Quand bien même un consensus se ferait [sur le rétablissement de l’ISF – ndlr], la mesure a moins d’un an d’existence, a-t-il ajouté. Si on passe son temps à détricoter en moins d’un an ce qui a été fait l’année précédente, ça ne s’appelle pas gouverner, ça s’appelle zigzaguer, ça s’appelle ne pas tenir les grands axes structurants d’une politique publique, ça n’est pas un service rendu au débat démocratique. »

Cette sortie du porte-parole du gouvernement va à l’encontre de ce que la Commission nationale du débat public (CNDP), présidée par Chantal Jouanno et saisie le 14 décembre par le premier ministre pour mener « une mission de conseil et d’expertise » en vue du « grand débat », préconisait dans un courrier adressé à Matignon le lendemain. Rappelant qu’il était « primordial de ne jamais laisser entendre que le gouvernement pilote directement ou indirectement » les débats, cette autorité indépendante écrivait également : « Nous déconseillons fortement de préciser publiquement avant le débat les “lignes rouges”, c’est-à-dire les propositions que le gouvernement refusera quoi qu’il advienne de prendre en compte, et plus encore les sujets dont il ne veut débattre. »

« La défiance à l’égard de la sincérité du gouvernement dans ses démarches participatives, constatée lors de nos auditions préalables, est forte, soulignait la CNDP. Trop de consultations, concertations, dont les participants ont le sentiment qu’elles n’ont servi à rien et que les décisions du gouvernement n’en ont pas tenu compte. » Ainsi l’institution a-t-elle encore déconseillé, « très fortement » cette fois-ci, « d’utiliser les mots de pédagogie, d’explication, ou tout autre terme qui laisse à penser que les décideurs n’écoutent pas et se placent toujours dans une position de supériorité ».

Une recommandation qui n’est pas sans rappeler les propos tenus par le président du groupe La République en marche (LREM) à l’Assemblée nationale, Gilles Le Gendre, qui a récemment esquissé un mea culpa tout personnel, qui colle désormais à la majorité : « Il y a une deuxième erreur qui a été faite et dont nous portons tous la responsabilité, moi y compris. C’est le fait d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d’achat », a-t-il indiqué lundi sur Public Sénat, avant de se raviser en répétant peu ou prou la même chose.

Au Palais-Bourbon, un groupe d’une quinzaine de députés de la majorité s’est constitué autour d’Éric Bothorel et de Marie Guévenoux, pour participer au « grand débat », sans pour autant s’être coordonné avec la CNDP. « On a anticipé ce que pourrait être notre rôle dans ce débat, explique Éric Bothorel. Depuis 18 mois, on a promulgué des choses qui ont loupé leur cible. Le sujet, c’est aussi la différence entre ce qui a été fait et ce qui a été perçu… » Dans la majorité, nombreux sont ceux à vouloir se saisir de l’occasion pour renouer avec ce que les marcheurs de la première heure continuent à qualifier d’« ADN », malgré la crainte, émise par l’institution présidée par Chantal Jouanno, que ces débats ne se transforment en « meetings politiques ».

Au gouvernement en revanche, l’enthousiasme se fait bien plus discret. « Certains sont clairement moins motivés que d’autres », glisse un ministre, avant de prévenir : « Ce “grand débat”, si c’est juste une thérapie collective façon alcooliques anonymes, ça ne servira à rien. » C’est aussi ce que répètent, en d’autres termes, certains proches du président de la République, qui voient dans l’exercice la dernière carte à jouer pour renouer le lien avec les Français. En cas d’échec, estiment-ils, il n’y aura plus de rebond possible. L’exécutif souhaite donc associer tous ceux qu’il a délaissés depuis un an et demi, à commencer par les corps intermédiaires, les responsables associatifs et les élus locaux, pour que chacun y trouve in fine son compte.

 « Nous voulons être une courroie de transmission », se réjouit la maire divers-droite de Beauvais (Oise), Caroline Cayeux, présidente des Villes de France. L’élue, qui comme tout un chacun ne voit pas encore très clair dans les modalités exactes d’organisation du « grand débat », se veut toutefois confiante sur la tenue de ce dernier car, selon elle, « le gouvernement n’a aucun intérêt à le verrouiller ». Mais en insistant en amont, comme l’a fait Benjamin Griveaux, sur le fait que les « transformations » engagées allaient se poursuivre, difficile de ne pas y voir une façon de préempter les discussions à venir. « Si on voulait cornaquer le débat ou le corseter, ça se ferait en préfecture, avec le préfet en maître de cérémonie », s’est tout de même défendu le porte-parole du gouvernement, mardi matin, sur France Info.

Le lendemain, à l’issue du conseil des ministres, le secrétaire d’État a d’ailleurs assuré que « la commission nationale du débat public aura évidemment toute sa place » dans le dispositif, avant d’ajouter : « Ce sera aussi sous l’autorité d’une coordination régionale, et ça, c’est aux préfets de coordonner, mais à nouveau ce sont aussi les maires qui vont organiser. » En vérité, on trouvera à la manœuvre de ce « jardin à l’anglaise », pour reprendre les mots d’Édouard Philippe, un peu tout le monde – et donc un peu personne –, mais surtout Emmanuel Macron qui s’est emparé du sujet et souhaite, comme à son habitude, tout piloter. « Je rencontrerai moi-même les maires de France, région par région », avait-il annoncé, dès le 10 décembre. Mardi soir, c’est d’ailleurs à l’Élysée que se tenait une grande réunion de préparation, en présence du premier ministre, de plusieurs membres du gouvernement… mais sans Chantal Jouanno.

 

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