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19 juillet 2018 4 19 /07 /juillet /2018 05:24

 

La plateforme rouvrait le 26 juin à la fin des épreuves du bac. À cette date, ils étaient plus de 170 000 sans proposition de place : Eolia, Louis, Salomé et Thomas témoignent d’une attente insupportable.

Tous les jours, c’est le même rituel. Ouvrir l’ordinateur. Se connecter sur Parcoursup. Regarder la progression de sa place, ou pas. Salomé Vella est dépitée. D’emblée refusée dans les écoles d’art qu’elle convoitait, ainsi que dans les prépas, elle doit tout miser aujourd’hui sur une filière arts plastiques à l’université parisienne très convoitée de la Sorbonne. « Mais je suis 600e en attente et il n’y a que 350 places », explique l’élève du lycée de Domont, dans le Val-d’Oise. Pourtant, depuis longtemps, elle se voyait travailler plus tard dans le design, la mode. Encouragée par ses professeurs, elle avait mis tous ses espoirs dans Parcoursup. Quand on lui pose la question : et ce bac, comment ça s’est passé ? Elle fait la moue. « Je me suis dit qu’il valait peut-être mieux ne pas l’avoir. Redoubler pour avoir une seconde chance », soupire-t-elle. Mais la plateforme n’aime pas trop les redoublants. « Parcoursup, c’est bien plus stressant que le bac. Avec la peur au ventre de se retrouver sans rien l’année prochaine. » Elle le sait : avec une réponse positive, elle se serait bien plus accrochée pour réussir son examen. « On est beaucoup à être déçus, dit-elle. À ne pas avoir la filière que l’on souhaitait. » Pour elle, les vacances rimeront avec une attente insupportable. Son père parle de lui payer une école privée. « Mais comment va-t-il faire pour débourser 8 000 euros par an ? »

 

SALOMÉ VELLA, ÉLÈVE EN TERMINALE ES, DOMONT (95)

"JE ME SUIS DIT QU'IL VALAIT PEUT ÊTRE MIEUX NE PAS AVOIR MON BAC. REDOUBLER POUR AVOIR UNE SECONDE CHANCE."

La deuxième phase d’admission Parcoursup a démarré le 26 juin et 20 % des candidats n’avaient toujours pas de place garantie à la rentrée prochaine. Il reste encore plus de 130 000 candidats en attente d’une place en enseignement supérieur. Et 40 000 se sont désinscrits du système. Parmi eux, 30 000 n’avaient que des refus sur tous leurs vœux. Au total donc, 170 000 lycéens n’ont pas eu satisfaction. Bien plus en réalité, car beaucoup ont préféré accepter un vœu qui ne correspondait pas à leur choix, dans une filière qui n’est pas sous tension, comme leur avaient souvent conseillé leurs professeurs.

RÊVE BRISÉ

 

THOMAS THEBAULT, ÉLÈVE EN TERMINALE S, LILLE (59)

"CERTAINS SONT PRIS DANS CE QU'ILS VOULAIENT. ILS ONT DES MAILLEURES NOTES QUE MOI, CELA CRÉE UNE AMBIANCE TRÈS PARTICULIÈRE. IL FAUT ÊTRE EXCELLENT MAINTENANT POUR SUIVRE LES ÉTUDES DE SON CHOIX ?"

Jeudi 28 juin. Dans les rues de Paris, la colère gronde. Les cheminots, retraités, étudiants ont répondu à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO. Thomas Thebault manifeste sous la banderole de l’Union nationale des lycéens. Élève en terminale S dans un lycée de Lille, il avait choisi histoire par sécurité. En 85e position d’attente sur 3 000, il a de fortes chances d’intégrer cette filière. « Mais ce ne sont pas les études que je souhaite mener », dit-il. Il acceptera par défaut, car il se voyait bien dans un BTS audiovisuel, ou une prépa. Rêve brisé. S’il arpente cet après-midi les pavés parisiens, c’est parce « les cheminots aussi sont contre la sélection à l’université, ils sont avec nous ! Comme nous, ils défendent le service public ». Il avoue avoir très mal vécu un système qui « met les uns les autres en compétition ». Il explique : « Certains sont pris dans ce qu’ils voulaient. Ils ont des meilleures notes que moi, ça crée une ambiance très particulière. Il faut être excellent maintenant pour suivre les études de son choix ? » La phase complémentaire ? Il ne s’est pas encore penché dessus. De toute façon, il sait qu’il ne pourra pas accepter une université dans une autre académie que la sienne. « Mes parents n’ont pas les moyens de me payer un logement, des frais de transport. Ils sont très stressés, eux aussi, et Parcoursup revient tous les jours dans nos conversations. »

GÉNÉRATION SACRIFIÉE

 

EOLIA, ÉLÈVE EN TERMINALE S, GAGNY (93)

"DES ÉLÈVES MOINS BONS ONT ÉTÉ PRIS... C'EST UN TIRAGE AU SORT ORGANISÉ CE TRUC"

Christelle Gokpon comprend très bien. Sa fille, Eolia, en terminale S option SVT dans un lycée de Gagny (Seine-Saint-­Denis), est toujours en attente. « Au stress du bac se rajoute celui de l’incertitude de la poursuite de ses études », déplore la maman. Elle parle d’une anxiété permanente, le nez collé sur l’ordinateur via Parcoursup matin et soir. « Une amie de ma fille m’a même avoué : “en libérant des places, j’ai l’impression d’avoir sauvé des vies” ! » S’il le faut, c’est sûr, elle y ira au culot. À la rentrée, elle frappera aux portes des universités pour défendre le dossier de sa fille. Avec 13 de moyenne, Eolia pensait avoir au moins une réponse positive dans ses choix, en biologie. Mais non. « Des élèves moins bons ont été pris… » souffle-t-elle. Dès le 26 juin, Eolia cliquait sur ce que proposait la phase complémentaire. Eh oui, on brade aussi chez Parcoursup ! Mais il faut faire vite : huit jours pour se décider et répondre. Elle découvre « deux ou trois propositions à Lille, mais tout le reste, c’est en Guyane ou à La Réunion » ! Elle décroche un sourire face à l’absurdité. « C’est un tirage au sort organisé ce truc ! » Si rien ne bouge, elle pense partir une année en Espagne. Aller à l’étranger, histoire de ne pas perdre son temps. Comment va-t-elle payer ? Ou sera-t-elle logée ? Elle n’en sait rien, avoue-t-elle, un peu perdue. Les projets d’été, les vacances semblent tellement loin… Bien loin de ce qui les préoccupe aujourd’hui. Christelle Gokpon, elle, a la désagréable sensation d’une génération sacrifiée au profit des seules élites.

 

LOUIS BOYARD, ELEVE EN TERMINALE ES DANS UN LYCEE DU VAL DE MARNE

VIVRE DU BON CÔTÉ DU PÉRIPH

Louis Boyard, avant d’être président de l’Union nationale des lycéens, est avant tout lycéen. En terminale ES dans un lycée du Val-de-Marne, il se passionne pour l’histoire et les sciences politiques. Avec 17 de moyenne dans ces deux matières, il espérait pouvoir intégrer Sciences-Po, ou une fac d’histoire. « Le 22 juin, jour de l’ouverture de la plateforme, j’ai découvert que je n’aurai pas mon projet de vie. » Même s’il pensait s’y être préparé, le choc est brutal. Partout, en attente avec un positionnement qui ne lui laissait guère d’espoir. Il a choisi des facs parisiennes « car c’est un fait admis que les diplômes y ont une plus grande valeur », mais il ne vit pas du bon côté du périph. Alors, « il faut passer à autre chose », assure-t-il, puisqu’il se sait condamné à ne pas suivre une formation qu’il aura choisie. « Je vais étudier, car aujourd’hui c’est une nécessité. Là où je peux. Mais de toute façon, je sais que ça ne me plaira pas. » Les études qu’il convoitait définissaient la suite de sa vie. Alors, à cet instant précis, il veut juste ne plus réfléchir. S’échapper de tout ça. « C’est notre avenir qui est condamné », tempête-t-il.

 

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