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11 juillet 2018 3 11 /07 /juillet /2018 07:42

Emmanuel Macron a annoncé, le 20 juin, la fin d’un projet d’extraction de sable en baie de Lannion, un dossier politiquement sensible et vieux de huit ans.

La dune est située entre deux zones protégées Natura 2 000 – un réseau de sites naturels de l’Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale – et abrite des lançons, petits poissons indispensables à la chaîne alimentaire et utilisés comme appâts par les pêcheurs côtiers. Après huit années de lutte, Emmanuel Macron, lors d’un déplacement dans les Côtes-d’Armor, s’est résolu à annoncer que les extractions de sable coquillier ne reprendront pas en baie de Lannion : « Des négociations sont en cours pour la sortie de ce dossier. » « C’est le résultat d’un travail intense des élus, des parlementaires et des associations », se félicite Alain Bidal, président « épuisé mais soulagé » du collectif le Peuple des dunes en Trégor, qui réunit les opposants au projet. Même son de cloche pour Yannick Le Cam, secrétaire départemental du Parti communiste français (PCF) des Côtes-d’Armor : « C’est une bonne chose, depuis le temps qu’on manifeste. Emmanuel Macron a montré qu’il était capable d’entendre. Tout en choisissant bien son dossier. » Car ce revirement est aussi stratégique. À l’approche des municipales, les enjeux électoraux en Bretagne, terres macronistes, sont immenses. Richard Ferrand y est élu député du Finistère depuis 2012, Jean-Yves Le Drian est quant à lui un ogre politique breton, d’abord socialiste avant de s’acoquiner avec les marcheurs. Avec cette décision, presque tout le monde y gagne : les locaux sauvent leur dune et Emmanuel Macron se débarrasse d’un dossier bien ensablé qui aurait pu lui coûter cher politiquement.

Seule perdante, la Compagnie armoricaine de navigation (CAN), filiale du groupe Roullier, spécialisé de la production et la transformation chimique. Tout commence en 2010, lorsqu’elle officialise ses envies d’exploiter une dune sous-marine dans la baie de Lannion, à quelques kilomètres des Côtes-d’Armor et de celles du Finistère. Le but ? Approvisionner les agriculteurs bretons en sable coquillier, sable qu’ils utilisent ensuite pour réduire l’acidité de leurs terres.

LES OPPOSANTS POINTENT LES DANGERS ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES

Mais la population locale ne l’entend pas de cette oreille. Dès le début, les plus attentifs remarquent des manquements et des inconsistances dans l’enquête publique menée par la CAN, obligatoire pour des projets de ce type. Les opposants pointent notamment les dangers économiques et écologiques que cette extraction pourrait engendrer dans le Trégor et ses alentours, minimisés, selon eux, dans l’enquête. Deux ans plus tard, face à la menace, le collectif du Peuple des dunes en Trégor, véritable cheville ouvrière de la lutte, mais « apolitique et concentré uniquement sur l’arrêt de ce dossier », selon son président Alain Bidal, voit le jour. Ce dernier sera de toutes les réunions de concertation, notamment celle, décisive, d’avril 2015. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie récupérant la patate chaude, reconnaît lui-même que ce projet d’extraction de sable en baie de Lannion est mal ficelé. Grand prince, il impose donc des restrictions à la CAN. Mais c’est bien lui qui, en septembre, accorde quand même à la filiale le titre minier. Ségolène Royal, ministre de l’Environnement de l’époque, se range alors du côté des élus et autres opposants locaux en jugeant cette décision « écologiquement peu responsable » même si elle n’a techniquement pas de pouvoir sur ce feuilleton.

4 000 À 5 000 PERSONNES MANIFESTENT À LANNION LE 11 SEPTEMBRE 2016

L’arrêté d’ouverture des travaux, signé en décembre 2015 par le préfet du Finistère, habilite la CAN à commencer l’extraction dès le 1er septembre 2016. L’autorisation préfectorale devra cependant être renouvelée annuellement. Mais les opposants ne lâchent rien. Quelques jours avant le début des travaux, le collectif du Peuple des dunes en Trégor dépose, avec plusieurs communes, un recours en référé visant à annuler l’arrêté préfectoral, sans succès. La demande est rejetée le 5 septembre. Sitôt connu le rejet, la CAN décide de commencer l’extraction deux nuits d’affilée, comme pour montrer qu’elle a définitivement remporté la partie. La réponse des opposants ne se fait pas attendre : 4 000 à 5 000 personnes manifestent à Lannion le 11 septembre, remontées contre cette « exploitation à la sauvette », selon les mots d’Emmanuel Macron, qui n’a visiblement pas apprécié non plus. Le futur président de la République comprend qu’il pourrait perdre des plumes en s’entêtant dans un dossier de plus en plus médiatisé.

« Ils ont bien senti que les gens étaient déterminés », analyse, après coup, Yannick Le Cam. Alain Bidal s’en félicite : « Si on se mobilise et qu’il y a un travail sérieux, avec de vraies démonstrations, ça marche. Il faut que les gens en prennent conscience », jubile-t-il, désireux de tourner la page après huit ans de combat. Contactée par l’Humanité, la CAN n’a toujours pas réagi à l’annonce d’Emmanuel Macron du 20 juin dernier. Elle doit encore négocier avec l’État soit le montant d’une compensation financière, soit l’attribution d’une autre dune sous-marine éloignée de 40 kilomètres des côtes, où les conséquences seraient bien moindres. Pour Alain Bidal, peu importe le résultat de ces négociations : « Que ce soit l’une ou l’autre, ce qui compte, c’est que ce dossier soit mort. C’est une victoire. »

 

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