Ouest-France, 29 mai 2014: A Carhaix, le martyre de 9 jeunes résistants
8 juin 1944. Le message « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? » message codé annonçant le soulèvement général, est arrivé en centre-Bretagne. Dans les campagnes et les maquis, c'est l'euphorie. Ce jour-là, sur les coups de midi, dix jeunes résistants FFI débarquent dans la ferme de Youenn Mével au village de Lamprat, en Plounévézel. Youenn Mével, qui exerce également les fonctions de maire de la commune, est absent à ce moment-là. Le petit groupe, qui se retrouve sans chef, celui-ci ayant été blessé la veille lors d'un bombardement anglais visant la ligne ferroviaire à Port-de-Carhaix, sait qu'il trouvera chez les Mével le couvert. Les jeunes gens s'installent à table et déjeunent. La conversation est animée et joyeuse.
Soudain, une patrouille allemande en voiture surgit. Elle vient réquisitionner des charrettes pour transporter du matériel jusqu'à Rennes. Chez les résistants, c'est la panique. Ils tentent de se cacher. En vain. Seul Jean Le Manac'h, 20 ans, réussit à s'agripper aux parois de la grande cheminée. Il sera le seul rescapé du drame qui est en train de se nouer. Ses neuf camarades se retrouvent sous la menace de mitraillettes. Ils sont faits prisonniers et fouillés. Sur Eugène Léon, 24 ans, les Allemands trouvent un chargeur de pistolet. Le jeune homme tente alors de s'enfuir mais il est abattu d'une rafale dans le dos.
Les soldats fouillent méthodiquement la maison. Avant d'y mettre le feu à l'aide de paille et de foin. Le bâtiment, duquel réussit à s'échapper, sans être vu, Jean Le Manac'h, est entièrement détruit sous les yeux de l'épouse et des filles du fermier. « Voyez comme c'est beau ! », leur dit cyniquement un officier, selon l'un des témoignages recueillis par les élèves et les professeurs d'une classe de quatrième du collège Beg-Avel de Carhaix dans un livre publié en 1994, qui traite de la Résistance en centre-Bretagne (Témoignages de résistants).
Périple barbare
Les Allemands, entre-temps, ont appelé du renfort. Les huit jeunes hommes, ainsi que plusieurs autres personnes parmi lesquelles les membres de la famille de Youenn Mével, sont conduits jusqu'au bois de Coat-Penhoat, sur la route de Poullaouen, pour y subir un interrogatoire. Les FFI sont battus. Torturés. Avant d'être entassés, ligotés, dans un camion bâché qui se rend à Rennes.
C'est à ce moment que commence leur insoutenable martyre. Ils seront tous pendus. Jean Le Dain (23 ans), au Moulin-Meur à un poteau téléphonique. Il est 21 h. Puis c'est au tour de Georges Auffret (23 ans), devant le café Harnais, route de Brest, à l'entrée de Carhaix. Marcel Goadec (22 ans) subit le même sort en centre-ville, rue de la Fontaine-Blanche, aujourd'hui rue des Martyrs. Le sinistre convoi poursuit sa route. Vers 23 h, au bourg du Moustoir (Côtes-du-Nord), les tortionnaires exécutent Georges Le Naëlou (22 ans). À La Pie, à mi-chemin entre Carhaix et Rostrenen, c'est au tour de Marcel Le Goff, (22 ans). Dans la nuit, à Rostrenen, les Allemands pendent Marcel Bernard (19 ans) et Louis Briand (18 ans). Il ne reste plus dans ce camion bâché que François L'Hostis (19 ans) qui aura vu mourir tous ses camarades au cours de ce périple barbare. Il subit son dernier supplice à Saint-Caradec, près de Loudéac, alors que le jour vient de se lever.
Chaque année à Lamprat et au Moulin-Meur, un hommage est rendu à ces jeunes hommes. À Carhaix, chacun d'entre eux a une rue à son nom.
commenter cet article …