La sortie d'Emmanuel Macron sur les minima sociaux n'est pas passée inaperçue. La vidéo, qui circule partout, a été diffusée par les services de l'Elysée.
Dans un langage de charretier, le Président déclare : "On met un pognon de dingue dans les minima sociaux (...). On met trop de pognon, on déresponsabilise."
Un tel langage est sans doute destiné à "faire peuple" et à contrebalancer son image de Président des riches. En clair, il veut dire que nous dépensons trop d'argent pour les pauvres, qui sont responsables de leur situation.
Celles et ceux, qui, à " La République en marche", commençaient à réclamer un tournant social de la politique gouvernementale peuvent aller se rhabiller.
Pour paraphraser le Président, je serais tenté de dire : "On met un pognon de dingue dans les exonérations fiscales et sociales, dont bénéficient, en priorité, les entreprises du CAC 40: crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : 44 milliards d'euros, crédit d'impôt recherche : 7 milliards d'euros, exonérations de cotisations pour la sécurité sociale : 28 milliards d'euros, par an.
Cela déresponsabilise leur direction et ne résout pas le chômage
Mais cela, Macron ne l'a pas dit. Il est tellement plus simple de cibler les pauvres, ceux qui "ne sont rien", comme il le dit tout aussi élégamment.
Puisqu'il est beaucoup question de "pognon de dingue", ces jours-ci, l'actualité de ce vendredi nous en livre un brillant exemple.
Le groupe Carrefour réunit aujourd'hui l'assemblée générale de ses actionnaires. Un plan massif de suppressions d'emplois est en cours : 2400 au siège social, 1800 dans les ex-magasins Dia; dont 243 seront fernés sur 273, 485 dans le réseau des hypermarchés. Notons, au passage, que Carrefour ne se sera guère démené pour trouver des repreneurs des magasins Dia, qu'ils avaient rachetés. Cette blague! On ne va pas nourrir la concurrence.
Dans ces conditions, nous aurions pu penser que les dirigeants du groupe seraient modestes sur les rémunerations qu'ils s'attribuent. Et bien, pas du tout. C'est même le contraire.
L'ex-PDG, Georges Plassat, qui a exercé jusqu'à mi-2017, a perçu 13,1 millions d'euros de revenus fixes, auxquels s'ajoutent 900 000 euros de revenus variables, le tout pour 6 mois. Le tableau ne serait pas complet si nous omettions ses 140 000 actions qu'il possède dans le groupe, pour une valeur de 3 millions d'euros, qu'il pourra percevoir l'année prochaine. Il disposera, par ailleurs, d'une retraite de 517 000 euros par an..
Le nouveau PDG, Alexandre Bompart, quant à lui, aura perçu, pour les 6 derniers mois de 2017, 1,9 million d'euros. Il fait presque figure de parent pauvre.
Il y a, en outre, toutes les chances pour que l'assemblée générale des actionnaires ne trouve rien à redire sur ce pont d'or à l'ancien PDG. Eux-mêmes se seront partagé 350 millions d'euros au titre des dividendes de 2017, soit environ 50% des bénéfices annuels réalisés;
A l'inverse, les salariés se seront vus attribuer une prime annuelle, au titre de l'intéressement aux bénéfices, de...57 euros; Il aura fallu qu'ils fassent grève pour que la somme soit portée à 557 euros.
Pour paraphraser Emmanuel Macron, il existe bien des premiers de cordée, mais, derrière eux, il n'y a pas de cordée.
Patrice Carvalho, ancien député communiste de l'Oise (jusqu'en 2017) - 14 juin 2018
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