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8 juin 2018 5 08 /06 /juin /2018 04:30
 
 
Dans sa dernière enquête sur les revenus et les patrimoines, l'Insee révèle que les aides sociales représentent près de la moitié des revenus des Français les plus modestes, et réduisent de fait les inégalités. Et ce, alors que le gouvernement les juge trop importantes et ambitionne de les réduire.
 
"Réduire la dépense publique sans toucher aux aides sociales, ce n'est pas cohérent", a attaqué Bruno Le Maire. "Je ne sais pas combien il y en a, mais il y en a trop", a renchéri Gérald Darmanin. Ces derniers jours, le tandem de ministres issus de la droite qui règne sur Bercy a lancé l'offensive contre les aides sociales. D'après le Canard enchaîné de cette semaine, Matignon et l'Elysée ont fixé comme objectif d'en couper 7 milliards d'euros dans les deux ans. Pour se faire une idée potentielle de l'ampleur de telles coupes, l'hebdomadaire satirique rappelle un exemple : la diminution de 5 euros du montant mensuel de l'aide au logement (APL) ne représentait que… 390 millions d'euros d'économies. S'il est confirmé, le projet du gouvernement constituerait donc un grand coup de sabre dans les aides sociales. Qui sont pourtant, malgré leur complexité et leurs imperfections, d'une importance primordiale pour des millions de Français, estime justement la dernière étude de l'Insee, publiée ce mardi 5 juin..

L'institut statistique a dévoilé la dernière édition de son enquête sur les revenus et patrimoines des ménages français, qui porte sur les données de 2015. Sont notamment analysés le niveau des inégalités en France et en Europe, mais également la contribution des aides sociales aux revenus. Les résultats sont édifiants : non seulement énormément de ménages français perçoivent des aides, mais celles-ci représentent pour les plus démunis d'entre eux un revenu indispensable, qui permet de les préserver (relativement) de la grande pauvreté.

"Ces transferts sont ciblés pour ne concerner que les ménages ayant des revenus modestes"

De quoi parle-t-on exactement ? Les aides sociales sont définies par l'Insee comme des "prestations sociales non contributives" : contrairement aux allocations chômage ou aux pensions de retraite, donc, elles ne sont pas versées en contrepartie de cotisations. D'un montant global de 59 milliards d'euros en 2015, ces aides sont très diverses : prestations familiales, allocations logement mais surtout, minimas sociaux : RSA, allocation de solidarité pour les personnes âgées (Aspa), allocation adulte handicapé (AAH)... En tout, 11,6 millions de ménages en bénéficiaient en 2015 en France métropolitaine, soit 42% des foyers. Pour donner une autre idée de leur importance, l'Insee indique que "les prestations sociales représentent 5,8% du revenu disponible de l'ensemble des ménages", le revenu disponible se définissant comme l'argent qu'il vous reste après paiement des impôts et prélèvements sociaux.

Les aides sociales ne sont pas qu'un dispositif de masse : elles viennent au secours, spécifiquement, des personnes les plus fragiles (quand elles les demandent). L'Insee se penche ainsi sur les ménages dont le niveau de vie est inférieur au 1er décile, c'est-à-dire les 10% qui ont le moins de revenus. Pour ces personnes, "les prestations sociales représentent 47,6% du revenu disponible", contre seulement 0,5% pour les ménages les plus aisés, ceux dont le niveau de vie est supérieur au 9e décile. L'Insee brise d'ailleurs une idée reçue selon laquelle les aides sociales bénéficient à des personnes qui n'en ont pas besoin : "La part des minima sociaux et des allocations logement dans le revenu disponible diminue très rapidement avec l'élévation des niveaux de vie", indique le rapport. "Elle représente moins de 1% à partir du 5e décile. Ces transferts sont en effet ciblés pour ne concerner que les ménages ayant des revenus modestes".

La France moins inégalitaire grâce aux aides sociales

Mais un autre argument pourrait être avancé : celui consistant à dire que même les ménages du 1er décile n'ont pas besoin de toucher autant d'aides sociales, ou que la part de celles-ci dans leur revenu (47,6%) est une partie du problème. Cette objection est, elle aussi, contredite par les données de l'Insee. En effet, toujours en 2015, les 10% des ménages les plus pauvres avaient un revenu disponible inférieur à 1.136 euros par mois. Dont près de la moitié, donc, est constitué par des aides sociales. Par conséquent, sauf à prétendre que l'on peut décemment vivre avec seulement quelques centaines d'euros par mois, difficile de remettre en question le caractère indispensable pour ces personnes de l'aide sociale. D'ailleurs, malgré cette assistance publique, 14,2% de la population française vit sous le seuil de pauvreté, établi en France à 1.015 euros mensuels. L'aide sociale contribue donc fortement à lutter contre la pauvreté sans pouvoir l'endiguer totalement, puisque la quasi-totalité du dixième décile vit en-dessous du seuil.

Bonne note pour la France, toutefois : l'Insee relève que le taux de pauvreté dans l'Hexagone se situe à "un des niveaux les plus bas de l'Union européenne", et que les inégalités ont évolué entre 2008 et 2015 "plus favorable[ment] en France que dans la majorité des autres pays de l'UE". Soit le résultat mécanique du système de redistribution mis en place par la France, où les plus fortunés paient un impôt sur le revenu progressif tandis que les plus modestes touchent des prestations sociales. En effet, "avant transferts, les 1ers et 9èmesdéciles de revenus s'établissent respectivement à 883 et 6.196 euros par mois". En clair, sans les aides, la totalité des ménages du 10e décile vivrait donc à 132 euros minimum sous le seuil de pauvreté.

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