Ce matin, nous avons rencontré Florence Héré pour recueillir son témoignage sur les actions en cours aux Finances Publiques, les menaces pour le service public des Finances Publiques, la position de la CGT sur les réformes Macron de la fiscalité et l'impôt en général et l'état d'esprit des fonctionnaires des services publics. Florence Héré est membre du bureau départemental CGT Finances Publiques, du bureau de l'Union Départementale CGT et du comité régional CGT, animatrice du collectif confédéral de formation syndicale à la CGT.
- Interview de Florence Héré par Ismaël Dupont.
Quel est l'état de la mobilisation des collègues aujourd'hui aux Finances Publiques?
Hier, nous avions une conférence de presse aux Finances Publiques avec 50 agents de tous les services et de tous les syndicats. Il y a une mobilisation importante depuis le 22 mars dernier, où il y avait 60% de grévistes dans le Finistère aux Finances Publiques. Notre département est en pointe dans l'action nationale. Nous avons décidé d'un mouvement de grève tournant et se déplaçant de site de centre des Finances Publiques en site, à l'imitation des cheminots, d'une certaine manière. Cela agace beaucoup la direction. A Morlaix, le 3 mai dernier, tous les collègues du secteur impôt sur le revenu étaient en grève, la grève était importante aussi à Brest. Mais le directeur a choisi de fermer le centre à 15h, libérant ainsi les collègues non grévistes, et reportant les rendez-vous aux lendemains. Les grévistes étaient très contrariés. Malgré tout, la lutte ça paie, aujourd'hui, selon des informations auxquelles le syndicat FO a eu accès, la directrice des impôts du Finistère envisagerait de réouvrir les perceptions de Lanmeur et Rosporden grâce à la mobilisation des usagers et des élus locaux.
Dès le mois de juin, nous avons prévu de nous rendre en intersyndicale (CGT, Solidaires, CFDT) sur les marchés de Lanmeur et Rosporden, de faire un travail d'explication auprès des citoyens sur le rôle des services des Finances publiques et du maintien de la proximité. A Rosporden, nous allons organier un grand débat sur les Services Publics. Une perception comme celle de Lanmeur ne collectait plus l'impôt mais aidait et contrôlait les collectivités des communes du secteur, l'hôpital local de Lanmeur. C'est du service public et de l'emploi local, en milieu rural.
Je ne sais pas si les collègues seront très mobilisés le 22 mai. Pour moi, et pour plusieurs autres, c'est quand même la troisième journée de grève du mois de mai. Par contre, on est très inquiets sur l'avenir des services de proximité proposés aux usagers contribuables. La dématérialisation a besoin d'être accompagnée. Depuis lundi dernier, il y a 400 usagers qui ont défilé au centre des Finances publiques de Morlaix pour prendre des renseignements. La présence humaine et le maintien de ces services de conseil et d'accès à l'information sur les droits et devoirs sont indispensables, cela s'oppose à la logique de récupération de postes à tout prix des politiques libérales menées par les gouvernements, avec la RGPP et consorts.
Pourquoi s'opposer au prélèvement à la source?
La communication du gouvernement est basée sur deux mensonges.
La simplification... En réalité, il reste une déclaration à faire tous les ans.
L'impôt contemporain de l'année des revenus servant de base. En réalité, le taux est celui de l'année n-2 même si la base est contemporaine.
Sur ces deux aspects, on peut parler d'un mensonge de Bercy.
De plus, le recouvrement de l'impôt incomberait aux entreprises. Actuellement, le taux de recouvrement de l'impôt est de 98%. Ce taux risque de chuter. Il est possible que des entreprises ne jouent pas le jeu.
Derrière la réforme du prélèvement à la source, il y a surtout deux motivations:
1/ Supprimer toujours plus de postes de fonctionnaires. Les Finances Publiques sont le secteur de l'administration où l'Etat a supprimé le plus de postes depuis 10 ans. Au niveau du Finistère, on est sur une moyenne de 30 emplois supprimés par an. Sur Morlaix, c'est demain le service de publicité foncière et de conservation des hypothèques qui va fermer, ainsi que le pôle de contrôle et d'expertise qui fait du contrôle et du conseil auprès des entreprises. A terme, ils veulent tout regrouper à Brest et à Quimper. Actuellement, il y a une centaine de fonctionnaires qui travaillent au centre des Finances Publiques de Morlaix.
2/ Le prélèvement à la source prépare la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG à laquelle nous sommes absolument opposés. Une telle réforme mettrait en péril le financement de la sécurité sociale et pèserait davantage sur les bas revenus que sur les hauts revenus.
Que penses-tu des orientations actuelles en terme de politique fiscale?
Pour nous, la taxe d'habitation était profondément injuste parce qu'elle ne prenait pas en compte, pour l'essentiel les revenus. Le plafonnement n'était pas suffisant. Par contre, Macron est en train de revenir sur des dispositions de la suppression de la taxe d'habitation: elles ne concerne plus les résidences secondaires, en 4 ans plutôt qu'en 3. Et il y a la question du maintien des recettes pour les collectivités locales avec une compensation de l'Etat qui est loin d'être garantie sur le long terme.
Les réformes de Macron de la suppression de l'ISF, remplacée par un impôt sur la propriété immobilière qui vise à exonérer les valeurs mobilières et les capitaux, et de la suppression de la Flat Tax, comme de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu qui touchait les super riches visent à réduire toujours plus la contribution des plus riches et des revenus financiers.
A la CGT, nous disons que déclaration des droits de l’homme et du citoyen prévoit que chacun doit contribuer à hauteur de ses moyens. C’est dans cet esprit qu’est construit l’impôt sur le revenu (principal impôt progressif du système fiscal français), le taux d’imposition augmentant progressivement en fonction des revenus. Pourtant, si ce mode d’imposition paraît, à l’évidence, le plus juste, il est largement minoritaire (moins de 25 % des recettes fiscales de l’État). Il est, en plus, sans cesse affaibli et remis en cause pour le plus grand bonheur des plus riches.
La TVA est le principal impôt proportionnel. Elle ne prend pas en compte les ressources du contribuable, contrairement aux impôts progressifs. Elle pèse beaucoup plus sur les personnes aux revenus modestes que sur les riches. Un même taux d’imposition s’applique que l’on soit très riche ou très pauvre. En réalite, plus les rémunérations augmentent et plus la part d’impôt à payer baisse. On peut donc qualifier ce système de dégressif. En clair plus on est riches et moins on contribue. Aussi aberrant et injuste qu’il y paraisse, c’est pourtant le type d’imposition le plus répandu et en constante augmentation dans le système fiscal français.
Nous voulons plus d'impôt sur le revenu, un impôt sur le revenu plus progressif, avec plus de tranches, la réhabilitation de la tranche marginale. Le système de tranches permet de taxer, par exemple les revenus, avec des taux différents en fonction des tranches de revenus. Pour des revenus à hauteur de 35 000 euros (après abattement), une partie de ceux-ci est taxée à 0%, une autre partie à 14 % et le reste à 30 %. On additionne ensuite le tout pour obtenir le montant total de l’impôt (hors dispositifs de réduction).
Il faut aussi taxer plus le capital et ses revenus, et moins le travail. La financiarisation de l’économie est outrancière. Le chômage gangrène la société. Les salaires stagnent mais les versements de dividendes explosent. Malgré cela, les revenus du capital sont moins taxés que les revenus du travail. En clair, les bénéfices des entreprises sont orientés vers les actionnaires plutôt que vers les salariés. Il faut donc, au contraire, plus taxer le capital que le travail pour réorienter les profits vers l’emploi et les salaires.
Marché de Morlaix, Grand Rue, le samedi 19 mai 2018
Le Télégramme - Morlaix, 19 mai 2018
L’intersyndicale FO, DGFIP, Solidaires, CGT, CFDT du Finistère a mené, vendredi matin 18 mai, une action d’information auprès des usagers devant le Centre des finances publiques, place du Pouliet. Les syndicats s’opposent à la fermeture des guichets de proximité et à l’obligation pour les contribuables de déclarer et de payer leurs impôts uniquement par internet.
Prémices à la grève de mardi
« L’usager a besoin d’un contact physique avec un agent des impôts et passer par une plateforme téléphonique n’est pas une solution. Il faut continuer à leur assurer un service de proximité et de qualité », précisent les syndicats, qui estiment que 250 emplois seront supprimés dans le Finistère, d’ici 2022. Cette action militante précède la grève nationale de la fonction publique qui aura lieu le mardi 22 mai.
Ouest-France, 19 mai 2018
Des agents se sont rassemblés devant le centre des finances publiques de Morlaix. Ils craignent la fermeture de la trésorerie de Lanmeur, et dénoncent, de manière générale, une dégradation du service rendu aux usagers.
Vendredi à 11 h 30, ils étaient une trentaine d’agents des impôts à se rassembler devant le centre des finances publiques de Morlaix
L’intersyndicale Solidaires-CGT-FO-CFDT a décrété une « semaine noire » dans le Finistère, où « quatre trésoreries sont menacées de fermeture ». Notamment celle de Lanmeur. « On sera fixés le 21 juin, lors d’un comité technique local. »
350 emplois en moins sur 15 ans
Ce qu’ils déplorent, c’est d’abord « la perte d’un service public de proximité. Depuis le 1er janvier, les contribuables de Landivisiau sont déjà renvoyés vers Morlaix. Ou bien ils peuvent aller sur internet. Mais on ne pense pas aux personnes âgées, à celles qui ont des déclarations complexes à remplir. »
À Morlaix, la publicité foncière est partie à Brest. Au 1er septembre, ce sera le pôle de contrôle et d’expertise, pour les entreprises, qui quittera la place du Pouliet. « À terme, on craint qu’il n’y ait plus que deux centres dans le Finistère, Brest et Quimper. »
Et de citer « la perte, en quinze ans, de plus de 350 emplois sur le Finistère ». Un « plan social qui pourrait encore s’accélérer avec le prélèvement à la source, ni plus juste, ni plus simple ».
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