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1 avril 2018 7 01 /04 /avril /2018 08:27
Israël-Palestine. Le point de non-retour ? (Sonya Ciesnik, Le Télégramme, 1er avril 2018)

Des milliers de Gazaouis ont pris part, samedi, aux funérailles de manifestants tués la veille lors d'affrontements avec l'armée israélienne qui ont fait 16 morts côté palestinien, la journée la plus sanglante depuis 2014. La solution a deux États est à nouveau très largement au second plan. Définitivement ?

 

La fenêtre d'opportunité d'une solution à deux États, Israël et la Palestine, se referme peu à peu. Aujourd'hui, les Palestiniens font face à une administration américaine qui conforte Israël dans ses ambitions territoriales. Les avocats d'un État palestinien (groupes de la société civile, femmes, organisations de jeunesse et associations communautaires) travaillent néanmoins sans relâche sur une solution à deux États.

 

« Nous vivons dans une ère de type McCarthy », déplore Amit Gilutz, porte-parole de B'Tselem, le Centre israélien d'information sur les droits de l'Homme, en référence au rétrécissement de la liberté d'expression dans l'été hébreu. Au cours de notre entretien, une carte des colonies israéliennes et la barrière de séparation en Cisjordanie posée sur une table, Gilutz observe : « Trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, contrôlés par un État qui veut leur terre, leurs ressources sans leur octroyer une expression politique autonome ».

« Connaître chaque colline, chaque caverne »

 

Comment en est-on arrivé à ce point ? La réponse se trouve dans l'histoire de la région, comprenant des cycles de paix et de violences qui consacrent la droitisation en Israël et la radicalisation croissante en Cisjordanie.

L'élection de Menahem Begin, fondateur du Likoud, comme Premier ministre d'Israël en juin 1977, a modifié à la fois le discours d'Israël sur les colonies et le rythme de leur mise en oeuvre. Begin refusa d'utiliser les termes « Cisjordanie » ou « Palestiniens » pour ne parler que de « Judée et Samarie » et des droits historiques du peuple juif. À l'origine, les colonies étaient des « bases de sécurité. Des structures rudimentaires situées sur les sommets des collines afin de surveiller l'environnement et maintenir la communication avec d'autres bases ».

 

Le choix, alors, du ministre de l'Agriculture, Ariel Sharon, surnommé « le bulldozer », fut d'accroître la présence militaire en Cisjordanie. Pour Sharon, la clé de l'occupation était la sécurité : « Connaître chaque colline, chaque montagne, chaque vallée, chaque source, chaque caverne ; la curiosité de savoir ce qu'il y a de l'autre côté de la colline, c'est la sécurité ».

Virage vers la droite

 

Après la première intifada, sont signés en 1993 les accords d'Oslo par le leader palestinien Yasser Arafat et le premier ministre israélien Yitzhak Rabin. Ces accords apportent à Arafat la respectabilité qui lui manquait sur la scène internationale mais marquent le début du déclin du mouvement national palestinien. Piégée entre sa mission révolutionnaire d'agent de libération nationale et ses nouvelles responsabilités en tant que proto-État. Les opérations sécuritaires menées en conjonction avec les Israéliens ont fait apparaître l'Autorité palestinienne comme « sous-traitante » de l'occupation.

L'assassinat d'Yitzhak Rabin en novembre 1995 marque un tournant et le pays amorce son virage vers la droite. Aujourd'hui, les scandales de corruption affectant le Premier ministre Benyamin Netanyahu, plusieurs politiciens de son bord incitent à aller encore plus à droite. Pour la première fois, les dirigeants nationalistes du Likoud en viennent à envisager un seul État par l'annexion de toute la Cisjordanie.

Des lignes rouges

 

Comme l'écrit la journaliste Peggy Cido, « l'économie israélienne est totalement capitaliste et, comme partout ailleurs dans ce type d'économie, les riches s'enrichissent, les pauvres s'appauvrissent et la classe moyenne disparaît comme neige au soleil ». Pour les Israéliens ordinaires qui cherchent à améliorer leurs conditions de vie, la tentation de s'installer en Cisjordanie est là.

De plus, d'après Peggy Cidor, « cela touche particulièrement les personnes et les familles qui sont déjà au bas de l'échelle et n'arrivent pas à survivre. Hypothèques à bon marché, exonérations fiscales et la possibilité de vivre dans plus d'espace ne sont que quelques-unes des incitations offertes par le gouvernement israélien pour s'établir dans les colonies.

« Ce qui nous donne de l'espoir, c'est la communauté internationale », juge Amit Gilutz, expliquant que les diplomates internationaux fixent des lignes rouges à ne pas franchir.

 

L'exil intérieur

Un Palestinien, comment peut-il vivre et voyager en Cisjordanie ? Pour le savoir, j'ai rencontré Ahmed Khalidi, journaliste et activiste. Ensemble, nous allons nous déplacer de la capitale administrative de l'Autorité palestinienne, à l'intérieur de la Cisjordanie profonde jusqu'à Naplouse. Plus précisément, à la recherche de la « soumoud », la ténacité des Palestiniens face à la réalité de l'occupation.

À Al-Bireh, une localité au nord de Ramallah, je me suis retrouvée au contact d'un groupe d'adolescentes, des jeunes filles élancées avec des cheveux longs et amples, des robes écarlates traditionnelles brodées, conscientes de leur beauté, se rapprochant les unes des autres avec leurs parents souriants et fiers à leurs côtés. En dépit du déclin du mouvement palestinien, le dynamisme s'est déplacé des structures politiques vers la rue.

« Le simple fait d'avoir réussi à habiter et à exister dans cet espace semble important », me glisse Khalidi. Dans notre taxi collectif, nous observons diverses scènes bruyantes. Des jeunes brûlent des pneus sur le bord de la route. Ils clament, « Abbas, abandonnez votre basta », ce dernier mot signifiant trivialement le stand du colporteur, une manière de dire « dégage ! ». Plus loin, Khalidi observe plusieurs chars militaires israéliens bloquant la route qui conduit de Ramallah à Naplouse. « Tout prend tellement de temps, le trafic est dévié sur une seule route, les embouteillages sont fréquents et, parfois, nous sommes obligés d'attendre des heures s'il y a un attentat et que les routes sont bloquées ».

« L'Égypte pourrait jouer un rôle déterminant »

 

Khalidi est de la première génération à avoir vécu dans un camp de réfugiés. Né en 1989, son enfance a été marquée par la deuxième intifada. Quand il m'a parlé de son intérêt pour l'Afrique du Sud, il est facile d'établir un parallèle entre la lutte palestinienne et celle du Congrès national africain (ANC).

Néanmoins, avec la mort d'Arafat, le Fatah a perdu sa raison d'être. Le mouvement de libération est pris dans un processus de négociation sans fin.

Grâce à Khalidi, j'ai pu entrer en contact avec Mo'men Abu Nada, un coordinateur d'une ONG allemande de Gaza, via l'application WhatsApp. Quand je l'interroge sur l'évolution de la société à Gaza, il explique que « la situation sociale s'est améliorée par rapport à ce qu'elle était il y a douze ans, quand le Hamas est arrivé au pouvoir ». Il ajoute toutefois, que les espaces socio-culturels sont limités, et que le mélange entre hommes et femmes dans l'espace public est réservé aux cafés et restaurants les plus huppés. Grâce aux militants des droits des femmes et à certains Moktars (leaders communautaires), des campagnes en faveur de certaines libertés (fumer, jouer au football, accès aux services psycho-sociaux...) apportent de l'oxygène aux habitants. Revenant à la question d'une solution de paix à deux États, Abu Nada assure que « l'Égypte pourrait jouer un rôle déterminant car ce pays travaille sur le dossier israélo-palestinien depuis quarante ans et entretient des relations de voisinage avec nous ». Une note d'espoir.

 

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