En 1932, l'intellectuel communiste Paul Nizan faisait paraître son célèbre essai au vitriol, "Les chiens de garde". Il s'agissait d'un pamphlet contre des philosophes bourgeois connus de son époque, Bergson, Boutroux, Brunschvicg, Lalande, Marcel, Maritain, professant une philosophie idéaliste ne tenant aucun compte de la lutte des classes et de la condition réelle de l'homme moderne. Leur entreprise de dissimulation idéologique du réel avait pour fonction selon Nizan, consciemment ou non, de préserver les conditions d'existence intellectuelles et matérielles, de la bourgeoisie, et de son exploitation du prolétariat.
On ne peut que penser à cet essai et à son contenu quand on écoute ou lit les interviews des Comte-Sponville, Ferry, Gauchet, Onfray, Bernard Henri Levy, Finkielkrault, et j'en oublie beaucoup dans la cohorte des philosophes "néo-réactionnaires" ou réactionnaires toujours.
Des hommes qui tiennent le micro, des revues, qui sont publiés dans "Le Monde", "Le Point", "Le Nouvel Obs", qui se font payer des papiers et des conférences. Pourquoi? Parce qu'ils servent les intérêts du système de domination capitaliste évidemment, en détournant des vrais problèmes, et en se faisant professeurs de désespoir ou de conservatisme politique.
Francis Wolff, franchement, même en tant qu'ancien prof et étudiant de philosophie, j'en avais jamais entendu parler. Il est prof à Normale Sup et spécialiste de philosophie antique, selon Wikipedia.
Fort bien, pourquoi alors le Télégramme s'intéresse à lui jusqu'à lui consacrer sa dernière page?
Ce n'est pas son nom ou sa frimousse fatiguée qui feront vendre du papier.
Parce que l'auteur d'un livre passionnant "Trois utopies contemporaines" chez Fayard a le mérite d'être invité à l'Assemblée générale des Agriculteurs de Bretagne mardi à Carhaix, payé par la FNSEA sans doute pour le récompenser de combattre philosophiquement les partisans de la cause animale.
Mais surtout, ce moustachu a des révélations importantes à nous faire.
Jugez du peu.
"Nazisme=Communisme= échec = horreur", c'est bien connu ça: "C'est en effet la fin des utopies politiques. Le XXe siècle a purgé par le pire les utopies du XIXe et autant la hiérarchie des races que la lutte des classes se sont écroulées, face au mur de la réalité" (sic).
Et aujourd'hui, toute révolte, tout espoir révolutionnaire fera long feu lui aussi: "Nuit debout, récemment, s'est vite délité, car ses membres se battaient contre, sans savoir pourquoi".
Des rigolos écervelés, quoi... On disait la même chose des étudiants révoltés en mai 68.
"Quand on a plus rien contre quoi se révolter, il ne reste que des motifs de revendication. C'est le règne des droits individuels et nous attendons de l'Etat qu'il nous permette de vivre sans lui".
Notre penseur doit vivre dans sa tour d'ivoire du IVe arrondissement de Paris, et encore, sans regarder dans la rue le contraste entre les gens qui dorment dans les cartons et les privilèges, et la richesse tapageuse, pour penser qu"'il n'y a rien contre se révolter".
10 personnes qui possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la planète, 1 milliard de personnes qui ne mange pas à sa faim, n'accède pas à l'eau potable, un enfant sur quatre en France qui vit la pauvreté, les profits des ultra-riches et des actionnaires qui augmentent de 30 à 40% chaque année quand des tas de gens crèvent la bouche ouverte ou se font exploiter pour des salaires de misère, mais à part ça, "il n'y a rien contre se révolter"...
Beaucoup de phrases pompeuses, savantes, et générales, pour emballer une idéologie réactionnaire.
Ismaël Dupont
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