arrivée des trois femmes sous-secrétaires d'État du Front populaire, Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore, et Irène Joliot-Curie.
Dans le livre Les Françaises au XXe siècle*, Dominique Missika, ancienne productrice à France Culture, énumère sur tout le XXe siècle et à travers tous les domaines les destins de femmes du 20e siècle qui on laissé leurs empreintes. Ainsi dans la partie des années 30, Martha Desrumaux est citée :
"Martha Desrumaux (1897-1982), ouvrière du Nord, travailleuse du textile et syndicaliste, est la seule femme présente lors des accords de Matignon. Elle jouera son propre rôle dans le film de Jean Renoir, La vie est à nous, tourné à l'initiative du Parti communiste français pour la campagne électorale du Front populaire ".
Il s'agit de la légende d'une photo maintenant de Martha : lors d'une fête syndicales (certainement en 1937), Martha est seule au micro sur une estrade, devant des hommes assis derrière elle... Quel symbole alors qu'à cette date les femmes n'ont pas encore le droit de vote !
L'article : "Peu syndiquées, elles n’obtiendront pas l'égalité. Une seule femme participe aux négociations des accords de Matignon qui mettent fin aux grandes grèves de juin 1936. Il s'agit de Martha Desrumaux, entrée comme ouvrière à 9 ans dans une usine textile du Nord, syndicaliste de la CGT, et militante politique, qui se bat pour l'obtention de la semaine de quarante heures et deux semaines de congés payés."
L'article se poursuit sur l'entrée de trois femmes au gouvernement. Ainsi nous pouvons retrouver page 89, Martha, juste après la Une de Voilà saluant l'arrivée des trois femmes sous-secrétaires d'État, Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore, et Irène Joliot-Curie.
Dans cet ouvrage, Martha est la seule figure du syndicalisme ; quand on repense à la jeune femme qui ne savait ni lire ni écrire à 20 ans et se retrouver dans le même ouvrage que Colette, Françoise Sagan,Marguerite Yourcenar, Simone de Beauvoir, Simone Veil et Jacky Kennedy et tant d'autres...
Laurence Dubois
Présidente de l'association Martha Desrumaux
* aux Éditions du Seuil, Paris, 2014
Martha Desrumaux, une ville de lutte.
Pour une ouvrière au Panthéon!
François Hollande a choisi de panthéoniser Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay et Pierre Brossolette en 2015, 4 résistants qui le méritaient assurément, mais sur une liste qu'on aurait aimé voir élargie à des résistants communistes tels que Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier, qui témoigna au Procès de Nuremberg comme Germaine Tillion, Missak Manouchian, pour saluer l'action de la FTP MOI, Ambroise Croizat, l'interné au bagne en Algérie, fondateur de la Sécurité Sociale, le jeune Guy Môquet, ou enfin Martha Desrumeaux, symbole de la résistance ouvrière, des conquêtes sociales de 36.
En juillet prochain, Emmanuel Macron panthéonise Simone Weil (et son mari?), une autre femme qui a marqué notre histoire nationale et l'émancipation des femmes, et dont l'hommage national est justifié, mais toujours pas d'ouvrier, a fortiori de communiste, au Panthéon, sur les 76 citoyennes et citoyens qui s'y trouvent!
Faut-il croire qu'aux yeux des élites nationales, nous sommes toujours l'anti-France ? Celle qui écrit peu, compte peu...
« Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée », a pourtant rappelé en son temps François Mauriac avec lucidité et esprit de justice.
Martha Desrumeaux naît en 1897 à Comines, une petite ville proche de Lille.
Elle commence à travailler à neuf ans comme femme de ménage puis comme ouvrière dans le textile, dans une usine de lin à Comines où elle découvre la dureté des conditions de travail. Elle adhère à la CGT à treize ans, puis, deux ans plus tard, aux Jeunesses socialistes. En 1917, elle prend la tête d’un mouvement de grève dans le textile.En 1921, elle rejoint le Parti communiste. En 1925, elle dénonce la guerre coloniale au Maroc, la sale guerre du RIF menée de concert par Pétain et Franco.
« Elle est de toutes les luttes », explique l’historien Pierre Outteryck. « En 1920-1922 à Comines, en 1928-1929 à Halluin, en 1930 autour des assurances sociales, en 1931 contre le puissant patronat roubaisien, en 1933 à Armentières… » Pendant ce temps, l’inlassable militante rattrape l’écueil d’une vie happée trop tôt par le labeur et apprend à lire et à écrire. En 1927, l’année où elle rencontre Clara Zetkin, la fondatrice de la Journée internationale des droits des femmes, à Moscou, pour les 10 ans de la révolution d’Octobre, elle devient également la première femme élue au Comité central du PCF
Elle impulsera par la suite les premières marches des chômeurs vers Paris, dont « la marche de la faim » en 1933. « Le mouvement des chômeurs fut un embryon des conditions d’union de la classe ouvrière », précisait-elle avec son accent du Nord, parfois injustement moqué lorsqu’elle s’exprimait en dehors de sa région natale.
En 1936, elle est une figure de proue du Front populaire dans le Nord. Elle est la seule femme présente lors de la signature des accords Matignon avec Léon Jouhaux et Benoît Frachon, seule femme à la table des négociations. Et c'est l'honneur de la CGT et du PCF d'avoir donné ce rôle à une femme qui n'avait pas le droit de vote, une non-citoyenne, comme le PCF dès lès années 20 à présenter des candidates aux élections, même si leur élection était ensuite invalidée.
Fondatrice du journal l’Ouvrière, représentante de la CGTU au comité de fusion avec la CGT, puis aux côtés de Danielle Casanova lors de la création de l’Union des jeunes filles de France (UJFF)… Son engagement pour la dignité des femmes et sa présence lors de moments cruciaux comme les accords Matignon sont autant de pas en avant pour la lutte féministe.
Martha Desrumaux a ensuite organisé la solidarité avec les forces républicaines espagnoles. Elle joue son propre rôle dans le film de Jean Renoir La vie est à nous.
En août 1940, dans le nord de la France sous administration directe de l’armée allemande, elle organise la grande grève patriotique de mai-juin 1941. 100 000 mineurs débrayent, refusant de fournir du charbon pour l’occupant. Dénoncée par le préfet, Martha est arrêtée par la gestapo. Elle est mise au secret à la prison de Loos et déportée à Ravensbrück.
Elle y organise l’entre-aide et la solidarité avec Geneviève De Gaulle-Anthonioz et Marie-Claude Vaillant-Couturier.
Extrait des mémoires de Marie-Claude Vaillant-Couturier
Dans le périple de déshumanisation qui est imposé à chaque nouvelle arrivante, elle a retrouvé, en passant à la douche, Martha Desrumaux, militante communiste du Nord, membre du Comité central du parti et qu'elle connaissait d'avant-guerre de réputation. Martha est la déportée française la plus ancienne du camp. Elle est en contact avec des Allemandes et des Tchèques, Tchèques qui l’ont sauvée de la mort à l'arrivée en remplaçant sa carte rose d'inapte au travail par une carte jaune de travailleuse.
Le rôle (clandestin) de Martha Desrumaux, et de ses camarades de la « colonne n° 2 », qui est chargée de vérifier, aux douches, que les détenues n'ont ni poux, ni gale, est magnifié dans le livre du collectif de détenues sur Ravensbrück : « À chaque nouvelle arrivée de prisonnières, la colonne n° 2 était aux douches et l'une ou l’autre de ces anciennes, dans la mesure où elle arrivait à parler aux femmes, en dépit de la présence des SS, essayait de les aider à supporter le premier choc et de les avertir de ce qu'il fallait faire pour éviter l'extermination : ne pas se déclarer malade, ne pas montrer ses infirmités pour ne pas recevoir la carte rose, ne pas se dire juive. »
« Martha, dit Esther Brun, nous fut d'un grand secours. C'est elle qui par son travail aux douches nous procurait du linge propre, des bas, des chaussures et surtout cet hiver, des lainages, des robes et des manteaux... Martha était celle qui nous aidait le plus ; elle avait tant d'amies dans le camp, tant de sympathies chez les prisonnières de toutes les nationalités... »
Extrait de Marie-Claude Vaillant-Couturier, une femme engagée, du PCF au procès de Nuremberg, de Dominique Durand, Éditions Balland, 2012, p.260-261
Libérée par l’Armée rouge, elle est rapatriée par la Croix-Rouge en 1945 mais revient malade du typhus. Elle réintègre les organes dirigeants de la CGT.
Lili Leignel, déportée à Ravensbrück à 11 ans, se rappelle d’une « femme simple » qui était « un exemple pour tous avec son amour du prochain incommensurable et sa grande conviction ». Dès la fin de la guerre, alors que les femmes n’ont le droit de vote que depuis un an, Martha Desrumaux est élue au conseil municipal de Lille et reprend ses fonctions à la CGT du Nord.
L’année suivante, elle est élue député communiste du Nord.
La maladie l’oblige à ralentir ses activités. Elle continue cependant son action auprès de la Fédération nationale des Déportés, proche du Parti communiste.
Elle meurt le 30 novembre 1982, le même jour que son mari, ouvrier métallurgiste et syndicaliste.
Château de Kergoz au Guilvinec samedi 24 février, au lieu des premières fêtes du travailleur bigouden au Guil...
Un repas républicain chaleureux et fraternel en chansons en l'honneur de Martha Desrumaux dont après l'introduction d'André Le Roux, Philippe Moreau a retracé la vie de lutte dans un discours émouvant, qui a précédé une minute de silence pour nos camarades du Pays Bigouden décédés en février, Jean-Louis et Joséphine Guiziou, et un bref discours politique d'Ismaël Dupont faisant le lien entre ce que représente l'action et l'exemple de Martha Desrumaux et les défis posés au PCF aujourd'hui, dans la résistance et la construction d'alternative au rouleau compresseur libéral et capitaliste de Macron, et dans la reconstruction d'une dynamique politique marxiste et populaire.
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