«Nous avons besoin de repenser un grand projet social pour notre pays, c'est celui-ci que je déploierai devant l'année qui s'ouvre », a déclaré le président de la République à l'occasion de ses vœux télévisés. Que recouvre cette volonté d'initier un projet social et de le présenter comme l'axe politique de la nouvelle majorité ? Après le tir nourri des ordonnances réformant le Code du travail, dont l'application va désormais se jouer dans les entreprises, force est de s'interroger. En quoi consiste la stratégie sociale 2018 du nouveau pouvoir ? « Facile », direz-vous ! Il suffit de mettre en perspective les quatre réformes qui devraient être engagées cette année.
La réforme de l'assurance-chômage devrait élargir la protection aux indépendants et aux démissionnaires de manière à créer « un régime universel » et faire glisser la gouvernance, aujourd'hui paritaire, vers une gestion tripartite avec un pilotage effectif par l'État. Mais sans rien prévoir de plus pour son financement.
La réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage se donne comme priorité le ciblage des dispositifs vers les moins de 25 ans, les chômeurs et les moins qualifiés, aujourd'hui délaissés par le système.
La troisième réforme, celle des emplois aidés, a déjà suscité la colère. Elle entérine la diminution de moitié des crédits et une sélection des employeurs.
système de retraite, orientation postbac, tri des migrants... la sélection est le grand opérateur de la politique budgétaire.
Le quatrième chantier concerne la réforme du système de retraite. L'idée est d'instaurer un régime de retraite unique, « à points ». Ce nouveau dispositif aurait surtout vocation, à l'avenir, à équilibrer mécaniquement les finances du système par une baisse des pensions. Dans le collimateur : les régimes spéciaux, qui ont toujours servi de boucliers face aux remises en cause visant le régime général.
Derrière l'affichage qui est censé donner un sens politique à chacune des réformes, il est aisé de voir que l'objectif global est de réaliser des économies. La critique de l'existant sert ainsi, avant tout, à justifier une diminution des crédits. Mais, en même temps, les réformes qui s'additionnent touchent aux principes mêmes de l'organisation de notre système de protection sociale. Derrière l'égalité, éminemment souhaitable, on promeut un système sélectif qui trie les bénéficiaires. Le gouvernement parle d'universalité de l'assurance-chômage ou du système de retraites, mais consacre l'individualisation des droits et la sélectivité qui l'accompagne. La solidarité s'efface.
À l'instar du dispositif mis en place pour l'orientation postbac ou de celui imaginé pour trier les migrants, la sélection devient le grand opérateur de la politique budgétaire. Il faut, pour réduire le volume des dépenses sociales, par priorité, séparer les vrais « sans-emploi » des « faux chômeurs », réduire le champ de l'assurance-maladie, cibler le public admis en formation et peut-être plafonner les indemnités journalières. Enfin, derrière le souci d'une gestion efficace du secteur social, il est procédé à l'étatisation des institutions qu'avaient pourtant en leur temps rejetée les promoteurs de la Sécurité sociale. En fait de « projet social », la nouvelle majorité entend, étape après étape, changer la nature du système en faisant fi des valeurs auxquelles tiennent une majorité de Français. Il devient plus urgent que jamais, face à ce détricotage, de tracer la voie à de nouvelles propositions permettant de conforter notre système social dans un contexte inédit.
(*) Économiste et syndicaliste
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