Rouge Finistère
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Casse leur bac d’abord
La stratégie est bien rôdée : les annonces dispersées et le débat anecdotique sur le port de la blouse masquent un véritable dynamitage du système scolaire.
La réforme du lycée et celle du Bac, l’instauration de « Parcoursup » et bientôt la nouvelle licence : à travers les méandres de dispositifs complexes, c’est un enjeu de société qui se dessine.
L’accès au niveau bac d’une part plus grande de la jeunesse a constitué un pas vers la démocratisation, entrouvrant la porte des études supérieures pour les couches populaires. L’entrebâillement reste modeste : 11% seulement d’étudiants sont des enfants d’ouvriers, alors qu’ils représentent un tiers des jeunes de 18 à 23 ans.
La réforme envisagée du baccalauréat casse sa double fonction de diplôme national de référence et de clef d’accès à l’université. Avec le lycée « modulaire », les parcours seront différents d’un établissement, d’un individu à l’autre. Ajoutons à cela une forte dose de contrôle continu, et le bac ne sera plus qu’une coquille vide, sans dimension nationale. La sélection à l’entrée de l’université viendra estimer la valeur de chaque bac en fonction du parcours individuel de son titulaire.
Voici donc le fameux rapprochement du lycée et de l’université ! Un rapprochement qui ne permettra pas de s’attaquer dès l’amont aux obstacles pédagogiques et économiques rencontrés dans les études supérieures par les jeunes les moins familiers du système scolaire et les moins soutenus financièrement, pour permettre à tous de réussir dans des études longues. Non, il s’agit au contraire de transformer le lycée en « petite université » et de dissuader les jeunes les plus éloignés de la culture scolaire d’entrer dans ce cycle « lycée-licence » en les orientant dès la fin de la 3e vers l’apprentissage.
C’est pour leur bien : ils échoueraient de toute façon…Nous, communistes, nous refusons la transformation des universités en clubs privatisés et concurrentiels, le formatage de la jeunesse pour la compétition professionnelle, le marchandage des connaissances à coup de soutien privé,
de frais d’inscription et de crédit étudiant. Nous revendiquons un droit universel à l’accès aux savoirs et à leur maîtrise. Cette révolution est un puissant levier de transformation du travail, de la vie sociale et personnelle de chaque citoyen. Tous, de la maternelle à l’université incluse, sont capables d’en bénéficier, d’y apporter leur intelligence collective, et d’en faire profiter la société d’égalité et de justice que nous voulons.
Françoise Chardin et Marine Roussillon Commission d’animation du réseau école
Avec le nouveau bac et le Plan étudiants, Macron met en conformité le système éducatif avec le monde du salariat organisé par la loi travail et plus globalement le modèle de société libérale qu’il veut imposer. On y retrouve les axes majeurs de cette reconfiguration globale : sélection, individualisation, mise en concurrence. Le tout favorisant l’introduction de nouveaux marchés privés dans le domaine de la formation.
La sélection est l’arme de destruction massive de toute forme de solidarité et d’organisation collective. Evaluations, classement et sélections prolifèrent : dès septembre en CP, début de la scolarité obligatoire, une évaluation nationale repère l’élève qui sait déjà (ou pas !) identifier le dernier mot d’une phrase, distinguer majuscule et minuscule, etc. Puis vient la chasse au meilleur collège, aux options qui donnent un avantage dans la course au «bon» lycée, par le biais de procédures aussi opaques que chronophages. Le temps consacré à l’évaluation le dispute désormais à celui des apprentissages et de leur préparation, pour les élèves comme pour les enseignants.
Avec le nouveau «Parcoursup», quelque 700 000 lycéens devront formuler une dizaine de vœux chacun, étayés par des lettres de motivation. C’est 7millions d’avis que devront porter successivement les professeurs de terminale, puis, entre avril et mai, les établissements d’enseignement supérieur chargés d’examiner les dossiers. Et lorsqu’auront été donnés les avis sous forme de «oui», «oui si», ou «non», une seconde étape de classement démarrera. Avec à l’arrivée, des universités plus sélectives (et donc «meilleures» ?) et d’autres qu’on choisira par défaut. L’important n’est plus ce qu’on va étudier, mais où on l’étudiera, sur le modèle anglo-saxon.
Le nouveau bac et l’organisation du lycée qui en découle casse les repères nationaux : à chaque lycéen son parcours, construit par des modules choisis dès la classe de seconde, à chaque établissement son baccalauréat, avec un poids du contrôle continu considérablement renforcé, à chaque quartier et chaque région sa carte de formation, sur laquelle le patronat local pèse de tout son poids.
En affirmant la fonction du bac comme simple «levier vers l’enseignement supérieur», on fait d’une pierre plusieurs mauvais coups. Le diplôme cesse d’être reconnu comme qualification, il n’est plus suffisant pour entrer à l’université.
Ce qui comptera, pour obtenir la formation de son choix, c’est le «profil» individuel des candidats, sa correspondance avec les « attendus » de chaque formation, ces compétences (les revoilà !) exigées du postulant. Un profil, c’est quoi ? C’est avoir fait ses études au bon endroit, dans le bon lycée, en ayant choisi, dès l’âge de quinze ans, les modules scolaires et même les activités extrascolaires –désormais prises en compte – les plus rentables.
Quel genre de personnes un tel système peut-il former? Des adultes qui auront appris, dès l’enfance, à mettre tout leur temps – loisir et travail confondus– au service de leur carrière et de leur employabilité, dans une concurrence permanente de tous contre tous.
Quant à ceux, moins bien informés ou moins bien dotés, qui n’auront pas le «bon profil», on leur promet tutorat et contrat de réussite personnalisé pour baliser leurs choix, et ils ne pourront donc s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils échouent... Informer des impossibles plutôt que de former à tous les possibles.
L’université, devenue sélective, n’en sera pas pour autant revalorisée ! La mise en concurrence des établissements change progressivement leur offre de formation, et cela ne peut que s’aggraver. Là, des formations plus sélectives et plus ambitieuses, pour une petite minorité. Partout ailleurs, l’injonction à accepter plus d’étudiants avec moins de moyens, à sacrifier les contenus, à baisser les ambitions. Se dessine ainsi de plus en plus clairement un enseignement supérieur à plusieurs vitesses. Certaines licences continueront à préparer à la pour suite d’études en second cycle universitaire, tandis que les autres prendront en charge les lycéens – dont l’essentiel des titulaires de bac pro- pour qui l’horizon doit s’arrêter à une licence faiblement monnayable puisque délivrée par une université de moindre prestige.
la continuité bac -3/bac +3 tant vantée n’a donc pas grand-chose à voir avec l’élévation générale du niveau de connaissances et de qualification dont notre pays a besoin! La concurrence et la sélection sont mises au service de l’accroissement des inégalités. L’individualisation des parcours permet de refuser aux jeunes les avantages qu’ils devraient tirer de l’élévation de leur formation.
La réforme ouvre des perspectives alléchantes pour
les marchands de l’éducation. Plus la formation s’individualise, plus les vendeurs de «coaching» prospèrent. Gageons que nombre d’officines privées se bousculeront pour assurer en quelques semaines la remise à niveau exigée pour la spécialité choisie et délivrer des certifications maison...Par ailleurs, en surchargeant les universités de tâches nouvelles (sélection, actions de remise à niveau) sans leur donner les moyens supplémentaires de les assurer
le gouvernement prépare les esprits à une nécessaire augmentation des droits d’inscription, modulée bien sûr en fonction du prestige de l’université, ouvrant la voie pour les banques au développement du crédit étudiant, enjeu stratégique majeur de la réforme.
Inévitable, la sélection ?
La sélection est présentée comme le seul remède possible aux maux de la société : trop de chômeurs? Qu’on les radie du chômage, ou qu’on les contraigne à accepter tout travail ! Trop d’étudiants qui encombrent les facs de leur échec ? Qu’on les sorte de l’université, ou qu’ils acceptent d’être fourrés là où restent des
places. Et puisque le tirage au sort est vraiment trop injuste, remplaçons-le par la sélection sur dossier!
Mais une telle sélection n’est pas moins injuste. Elle accroît les inégalités. Elle ne répond pas au besoin d’une élévation du niveau de connaissance et de qualification dans la société. Elle corrompt la mission fondamentale de l’école comme de l’université : enseigner pour faire progresser, et non pour enfermer chacun dans ce qu’il est ; construire la réussite de toutes et tous, et non trier en fonction de compétences acquises avant et ailleurs. Incontournable, le fait de ne pouvoir accueillir tous les bacheliers ? Pas si l’on augmente les capacités d’accueil des facs, à la hauteur de la réalité démographique et des aspirations légitimes à poursuivre des études supérieures à l’université.
Inéluctable, le taux d’échec élevé en premier cycle, d’ailleurs artificiellement gonflé en faisant entrer dans ce taux les réorientations choisies, les parcours plus lents d’étudiants salariés...? Pas si on s’attaque en amont à l’échec scolaire, pas si on améliore les conditions matérielles de vie et de scolarité des étudiants!
Les mobilisations qui se développent dans les universités ouvrent des perspectives. Avec toutes celles et ts ceux qui s’opposent à la sélection généralisée, nous voulons construire un projet ambitieux et égalitaire pour l’éducation.
L’effort financier pour l’université serait sans précédent: près d’un milliard d’euros sur le quinquennat. À voir :les 500 millions qui iront aux établissements – 1% du budget global des établissements –, attribués sur projets et versés sur 5 ans, doivent couvrir l’accueil des 40 000 étudiants supplémentaires chaque année (selon les projections du ministère), la mise en place de la réforme et des tâches nouvelles qu’elle implique (le Snesup évalue un temps de travail pour donner les avis entre 450 à 1600 équivalent temps plein), les progressions de carrière liées l’investissement pédagogique ; avec une inflation estimée à 1% par an : autant dire qu’il s’agit bel et bien d’une nouvelle baisse de la dépense par étudiant, et d’un alourdissement de la charge de travail des enseignants.
Contact ; reseau.ecole-pcf@orange.fr http://reseau-ecole.pcf.fr/
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