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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 18:51
Ceija Stojka enfant. Photo Mémorial de la Shoah

Ceija Stojka enfant. Photo Mémorial de la Shoah

Les éditions Isabelle Sauvage de Plounéour-Menez, spécialisées dans la publication de poésie, notamment de la poésie étrangère avec des problématiques autour du féminisme, des rapports de sexualité, du corps, de la politique et de l'histoire, ont publié en 2016 pour la première fois en France un livre exceptionnel, "Je rêve que je vis? Libérée de Bergen-Belsen" issu des entretiens entre l'artiste et peintre rom autrichienne Ceija Stojka avec Karin Berger en 2004 (traduits par Sabine Macher avec la collaboration de Xavier Marchand, pour une première parution en allemand en 2005).   

Ceija Stojka avait 11 ans en 1945 quand elle a subi l'enfer des camps d'extermination d'Auschwitz et de Bergen-Belsen avec sa mère et d'autres membres de sa famille, y raconte avec une voix pleine d'onirisme et de magie poétique, comment ses frères et sœurs, elle, et sa mère, se cachait dans des parcs sous les feuilles à Vienne pendant que les Nazis traquaient les Roms et que son père avait déjà été arrêté et envoyé à Dachau.

Sans pathos, avec même des moments de pure grâce, Ceija Stojka nous fait revivre ce monde hallucinant et hideux de cruauté produit par les bourreaux nazis avec les yeux de la petite fille protégée par une mère courage avec des ressources de survie exceptionnelles qu'elle était alors. La fillette décrit des conditions abominables d'existence dans ces camps d'extermination avec la crudité et la naïveté de l'enfance, et une force de vie inentamée.    

Le centre de ce témoignage qui présente un intérêt historique et littéraire immense est consacré à ses quelques mois hors de toute vie humaine imaginable à Bergen-Belsen après son transfert d'Auschwitz où, toute jeune, elle était chargée de décharger les corps des morts du jour des châlits de bois dans les baraques.

Quand les soldats britanniques ont libéré le camp, en avril 1945, et Ceija Stojka raconte leur arrivée à peine croyable, 60 000 survivants du camp se trouvaient auprès de 35 000 morts amoncelés et non ensevelis. 

Ceija Stojka a elle même passé le plus clair de son temps à Bergen Belsen entre les tas de mort qu'on empilait derrière les barbelés dans leur enclos entourant deux ou trois baraques et 250 détenus environ, à se protéger du vent "au chaud" entre deux tas de cadavres, à remettre la tête des défunts décharnés et souvent éventrés "à l'endroit", vers le ciel, à récupérer des bouts de vêtements pour s'en couvrir ou les manger. 

La faim, le typhus et la typhoïde devaient terminer d'exterminer, sur des sols sablonneux face à la forêt, tour à tour amie et menaçante, cette population de damnés, déportés juifs ou roms, et aussi de résistants, venus d'autres camps, sans même dépenser une balle ou le gaz nécessaires. Des déportés mangeaient les cadavres, l'herbe jeune qui poussait dans la boue, leurs excréments, le tissu, le cuir, le bois des peignes et des poutres, la sève des arbres et les feuilles dans une quotidienneté infernale où tout relâchement d'une volonté obstinée de survivre de la part de ceux qui avaient déjà survécu à d'autres camps terribles et à des marches de la mort signifiait la mort immédiate.  

Des centaines de milliers de Roms et Tsiganes ont été exterminés par les Nazis et leurs alliés pendant la guerre et il y a peu de témoignages publiés de survivants de ce génocide, ce qui rend ce livre encore plus précieux. On est dans l'horreur mais l'auteur ne se départit jamais, enfant comme plus tard comme femme âgée qui revient sur ces mois d'existence d'une dureté au-dessus de tout ce que l'on peut imaginer, d'un optimisme et d'une soif de vivre, refusant les logiques de haine. 

Ceija Stojka raconte aussi la libération du camp, les soldats britanniques complètement effondrés et choqués en découvrant l'horreur, les gardiens et bourreaux nazis et les kapos chargés de creuser des fosses communes pour enfouir les corps dans les latrines, la traversée de l'Allemagne pour rejoindre l'Autriche, à squatter des maisons abandonnées, croiser des soldats perdus et en fuite, le retour dans une Autriche partiellement détruite et ruinée mais on retrouve ses habitudes comme si les gens avaient été complètement étrangers à leur drame aux frontières de l'humain.  

Cette publication intervient à point nommé, malheureusement, avec l'extrême-droite qui revient au pouvoir en Autriche, comme dans d'autres pays d'Europe, orientale notamment. 

N'oublions jamais ce qu'ont pu faire le racisme européen, des états et des hommes prétendument "civilisés" à d'autres hommes!      

Auteure Ceija Stojka Collection « chaos » Récit 116 pages, 12 x 15 cm, reliure dos carré collé Parution : mars 2016 ISBN : 978-2-917751-66-4 / 17 euros Titre original : Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, publié originellement par Picus Verlag, Vienne, 2005 Traduit de l’allemand par Sabine Macher Avant-propos de Karin Berger

Auteure Ceija Stojka Collection « chaos » Récit 116 pages, 12 x 15 cm, reliure dos carré collé Parution : mars 2016 ISBN : 978-2-917751-66-4 / 17 euros Titre original : Träume ich, dass ich lebe ? Befreit aus Bergen-Belsen, publié originellement par Picus Verlag, Vienne, 2005 Traduit de l’allemand par Sabine Macher Avant-propos de Karin Berger

Article sur le site internet: 

http://www.lanicolacheur.com/Ceija-Stojka-expositions-lectures-Marseille-Paris

Ceija Stojka est née en Autriche en 1933, cinquième d’une fratrie de six enfants dans une famille de marchands de chevaux rom d’Europe Centrale, issue des Lovara.
Déportée à l’âge de dix ans avec sa mère Sidonie et d’autres membres de sa famille, elle survit à trois camps de concentration, Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen.

C’est seulement quarante ans plus tard, en 1988, à l’âge de cinquante-cinq ans, qu’elle ressent le besoin et la nécessité d’en parler ; elle se lance dans un fantastique travail de mémoire et, bien que considérée comme analphabète, écrit plusieurs ouvrages poignants, dans un style poétique et très personnel, qui font d’elle la première femme rom rescapée des camps de la mort, à témoigner de son expérience concentrationnaire, contre l’oubli et le déni, contre le racisme ambiant.

Son témoignage ne s’arrête pas aux textes qu’elle publie (4 livres au total entre 1988 et 2005), et qui très vite lui attribuent un rôle de militante, activiste pro-rom dans la société autrichienne. A partir des années 1990, elle se met à peindre et à dessiner, alors qu’elle est dans ce domaine également, totalement autodidacte. Elle s’y consacre dès lors corps et âme, jusqu’à peu de temps avant sa disparition en 2013.

Son œuvre peinte ou dessinée, réalisée en une vingtaine d’années, sur papier, carton fin ou toile, compte plus d’un millier de pièces. Ceija peignait tous les jours, dans son appartement de la Kaiserstrasse à Vienne.
On note deux axes dans son travail pictural : 
La représentation, sans omettre les détails, des années terribles de guerre et de captivité endurées par sa famille, par son peuple. Près de cinq cent mille Roms ont été assassinés sous le régime nazi (le nombre exact de victimes n’a jamais été déterminé jusqu’à aujourd’hui).

En parallèle elle peint des paysages colorés idylliques, évocations des années d’avant-guerre, quand la famille Stojka, avec d’autres Roms, vivait heureuse et libre en roulotte dans la campagne autrichienne. 

 

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