Delphine Van Hauwaert
Ce mardi 30 janvier, quatre collègues d'un Ehpad du pays de Morlaix feront grève pour la première fois. Elles demandent plus de moyens pour mieux répondre aux besoins des aînés.
Témoignges
Elles sont auxiliaire de vie, aide-soignante ou aide-médico psychologique, et elles ont choisi de se faire appeler Sophie, Pierrette, Dominique et Fanny. Si elles ne dévoilent pas leur identité, ces femmes « oseront » faire grève pour la première fois, mardi, journée de mobilisation nationale pour les Ehpad.
« On a tout accepté jusque-là, mais là, on n'en peut plus », souffle Sophie, qui, ce matin-là, avant d'embaucher, a convié chez elle trois de ses collègues d'un Ehpad de Morlaix communauté.
Toutes en ont visiblement gros sur le coeur. Sous-effectif, manque de considération, frustration, surmenage... Les revendications varient peu d'un Ehpad à l'autre (lire ci-dessous). La souffrance est cependant très personnelle. Elle a poussé Pierrette, l'auxiliaire de vie, et Fanny, l'aide-soignante, à « craquer en plein service ».
Solidarité
Pour Fanny, c'était à cause des « coupes », ces doubles services dans la journée, le matin et le soir. Parce qu'une personne est en arrêt, le planning d'une de ses collègues est modifié. « Je m'en suis plainte, en disant qu'à ce rythme, il y aurait encore plus d'arrêts... »
Mais comme Pierrette, elle ne s'est pas arrêtée. « Car elles pensent à leurs collègues », glisse Dominique, aide-soignante également. La solidarité joue à plein, « dès lors que la confiance est acquise ».
Cela aide à surmonter « le sentiment de ne pas bien faire notre travail ». Sophie explique: « Le maître mot en Ehpad, c'est de préserver l'autonomie des personnes. Mais ce n'est pas ce qu'on fait, quand par exemple on leur lave le visage, au lieu de les pousser à le faire. »« On va plus vite à le faire pour eux », abonde Fanny, aide-soignante.
Le temps est devenu un ennemi invisible contre lequel il faut se battre à chaque instant. Parce que cela prend de précieuses minutes- « un quart d'heure, même si une demi-heure est nécessaire » -, les douches, c'est une fois par semaine, « parfois toutes les deux semaines quand il y a des personnes en arrêt ». Quant à la toilette quotidienne, au gant de toilette, elle est souvent sommaire.
« C'est dommage, parce que c'est aussi un des rares moments où le résident voit quelqu'un. » Ce qui est difficile, pour Fanny, c'est quand « l'un d'eux me dit : arrête de courir, assieds-toi qu'on discute un peu... Bien sûr, on le fait de temps en temps, mais ça nous oblige à passer encore moins de temps avec les suivants, ou bien à empiéter sur notre pause ».
Selon Dominique, des familles s'en sont émues auprès de la direction. « Ce qui est bien, c'est de savoir qu'elles ne nous incriminent pas », remarque Pierrette, l'auxiliaire de vie. Sophie déplore « qu'on vende du rêve aux personnes, avec des activités, un personnel qui peut répondre aux besoins... Ce que les familles voient quand elles viennent, c'est souvent des résidents endormis, qui ne sortent quasiment plus de leur chambre. »
Ces salariés dénoncent aussi « les glissements » de poste. Quand une stagiaire remplace une personne absente. Qu'une aide-soignante se retrouve à donner les médicaments à la place de l'infirmière, « avec un risque d'erreur. C'est déjà arrivé... », confie Pierrette.
« Il ne faut pas vieillir »
Tout cela fait dire ces mots terribles à Sophie. « Il ne faut pas vieillir, pour ne pas se retrouver dans un endroit comme ça. » Si elles aiment toujours leur travail, surtout quand elles sentent l'affection que leur portent les résidents, ces quatre collègues demandent, comme d'autres personnels dans d'autres Ehpad en France, que les choses changent.
Les 50 millions d'euros supplémentaires annoncés par la ministre de la Santé, jeudi? « On espère que ce sera pour embaucher du personnel. Pour qu'on puisse, enfin, bien s'occuper de nos aînés. »