
DE PLUS EN PLUS, NOUS ASSISTONS À LA MISE EN PLACE D'UNE COMMUNAUTÉ D'INTÉRÊTS ENTRE LES ACTIONNAIRES ET LES DIRECTIONS.
La loi pour la transformation des entreprises, dite loi Pacte, devrait être présentée au Parlement ce printemps. Elle abordera plusieurs questions importantes. La principale est de savoir si elle marquera un pas de plus dans la financiarisation ou non.
Pour l'instant, le débat se concentre sur la question de la définition de l'entreprise. En l'occurrence, les articles 1832 et 1833 du Code civil qui définissent la notion de « société ». La forme « entreprise » est profondément déstabilisée. Les technologies de l'informatique et des télécommunications ont changé la donne. Sous la pression de la rentabilité financière, le recours à la sous-traitance, l'externalisation à outrance, la précarisation ont fini par faire éclater la collectivité de travail.
Face à cette crise, le discours sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises trouve un écho certain. D'aucuns considèrent qu'il faut élargir la référence aux finalités de l'entreprise de manière à y intégrer les préoccupations sociales et environnementales. Mais, la proposition de modification des articles 1832 et 1833 qui préciserait que la gestion de l'entreprise doit « tenir c ompte desescon séquences sociales et environnementales », sans même envisager des formes de réappropriation publique, est loin de représenter un remède à la hauteur de l'ébranlement social engendré par la globalisation.
D'autres estiment qu'il faut prioritairement établir une distinction juridique entre l'entreprise en tant que telle, regroupant l'ensemble des parties prenantes, les actionnaires, les gestionnaires et les salariés, et la « société de capitaux », constituée de ses seuls actionnaires. La proposition vise à cantonner le rôle de la finance et à permettre aux acteurs engagés dans l'entreprise de trouver, au sein du conseil d'administration, un compromis stable pour aller vers une « codétermination » dans la gestion.
Ce modèle est loin de répondre aux problèmes posés par le poids de la finance. Il convient d'abord de souligner l'importance de deux autres parties prenantes oubliées : les sous-traitants et la collectivité dans laquelle est insérée l'entreprise (commune, bassin d'emploi, etc.). Mais, la limite principale de la proposition est que la relation entre les actionnaires et les gestionnaires ne rompt pas vraiment avec la conception dominante de la firme consacrée par la théorie anglo-saxonne de la « gouvernance de l'entreprise ». En réalité, et de plus en plus sous la pression des marchés financiers, nous assistons à la mise en place d'une communauté d'intérêts entre les actionnaires et les directions. La rémunération des cadres dirigeants, de plus en plus importante, dépend désormais de la rentabilité des capitaux engagés.
Dès lors, les choix stratégiques de l'entreprise ne sont pas fondés sur les objectifs de long terme la formation des salariés, l'investissement productif, la recherche et l'innovation , mais prioritairement sur la rentabilité immédiate des capitaux. La distinction juridique entre la « société de capitaux » et « l'entreprise » ne remet pas directement en cause l'exigence de rentabilité. D'une certaine manière, elle la déplace sur le plan juridique et institutionnel sans s'attaquer au fond de la contradiction. La priorité pour rouvrir un espace de développement pour l'entreprise est bien de casser cette logique de connivence entre les actionnaires et les cadres dirigeants.
(*) Économiste et syndicaliste.

commenter cet article …