La ministre des transports convoquait aujourd'hui les patrons de la SNCF pour réorienter leur politique. Une opération com, dénonce Didier Le Rest.
" La forme prend le pas sur le fond. Convoquer de façon théâtrale les dirigeants de la SNCF, pour qu'ils expliquent les raisons des dysfonctionnements, relève pour moi de la communication. La ministre des transports, Elisabeth Borne, est bien placée pour savoir les maux dont souffre le service public ferroviaire, après avoir été directrice de la stratégie de la SNCF avec Guillaume Pepy. Aujourd'hui, l'ensemble de ces dysfonctionnements qui affectent la qualité du service et irritent de plus en plus les usagers, sont la résultante du désengagement financier de l'Etat. La France ne finance qu'à hauteur de 32% les infrastructures ferroviaires, pour 50% en Allemagne et 90% en Suède. Il s'agit de choix politiques qui portent un choix de société. C'est l'Etat qui a décidé la LGV (ligne à grande vitesse), lancé le TGV et n'a rien financé. Le système ferroviaire français détient au global une dette de 53 milliards d'euros. La SNCF n'a qu'une dette d'exploitation de 8 milliards. La responsabilité en incombe à l'Etat. Il n'est pas normal que Macron dise qu'il veut bien réduire la dette si on touche au statut des cheminots. Ce ne sont pas eux les responsables".
" Le routier est le mode de transport le plus subventionné. La concurrence déloyale s'est accélérée, avec l'augmentation des péages pour le train, l'autorisation de circulation des 44 tonnes, puis la suppression de l'écotaxe, les cars Macron... Aujourd'hui, trois opérateurs se partagent le gâteau, dont la filiale SNCF Ouibus, qui vit sous perfusion. La finalité de ces politiques-là est de construire un mastodonte des transports et de la logistique privée dont la part congrue serait le train. Dans la COP 21, les assises de la mobilité, les transports ont été peu traités et surtout pas le rail public. Quand on évoque la mobilité, on parle covoiturage, applications numériques, vélo, ... mais pas de transport de masse. Il faut arrêter l'enfumage et réorienter l'utilisation des fonds publics pour réinvestir dans les réseaux ferrés nationaux".
"Depuis 2006, la concurrence est ouverte sur le transport de marchandises par le rail: c'est une catastrophe. Nous transportons moins de marchandises qu'en 2000. Nous avons fermé 400 gares de fret. Depuis 2009, les cheminots dédiés au fret sont passés de 15 000 à 7000".
Interview de Didier Le Rest par Kareen Janselme dans l'Humanité du lundi 8 janvier
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