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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 08:48
Robert Laffon, 21,50€, 580 pages, 2017

Robert Laffon, 21,50€, 580 pages, 2017

Roman. Le sommeil de la raison, des monstres et des crimes
ROGER MARTIN
JEUDI, 14 DÉCEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ

L'Étoile jaune de l’inspecteur Sadorski de Romain Slocombe. Il était une fois… l’Occupation. Un inspecteur consciencieux et pervers, des étoiles jaunes, des vengeurs rouges et un ordre définitivement noir.

Nous avions dit ici même tout le bien qu’il fallait penser de l’Affaire Léon Sadorski, un roman noir historique exceptionnel dans lequel, refusant tout effet de suspense gratuit, Slocombe, à travers les yeux et les actes d’un policier arriviste et retors, faisait défiler devant nous les deux premières années de l’Occupation. On y suivait quasiment au jour le jour les faits et gestes d’un policier dont les idées s’accordent parfaitement à l’air du temps et auquel sa conscience ne pose aucun problème.

Une plongée au cœur de la France collaborationniste

Avec l’Étoile jaune de l’inspecteur Sadorski, on plonge davantage encore au cœur de la France collaborationniste, à l’intérieur des Brigades spéciales qui traquent et torturent les résistants, au moment où se prépare la grande rafle du Vél’d’Hiv. On retrouve le chef du Rayon juif de la 3e section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux le 8 juin 1942 au moment où obligation est faite aux juifs d’arborer l’étoile jaune. Lorsqu’on le quitte, un mois et demi plus tard, il est dans la foule qui assiste à une parade monstre organisée dans Paris par le commandement militaire allemand. Nous sommes le 29 juillet, Sadorski sourit, se dit qu’il est un homme heureux. Au même instant, un convoi quitte Drancy. À bord du train, 730 hommes et 270 femmes, tous juifs, destination Auschwitz-Birkenau. Entre-temps, Slocombe plonge son personnage au cœur de l’Histoire authentique, loin des fabulations et des approximations, saisissant Sadorski alors qu’il est amené à traquer un groupe de communistes qui liquide collaborateurs et ex-communistes passés avec Doriot du côté des nazis. Pendant 550 pages, d’un commissariat de police à un cinéma, d’une station de métro à une gare de province, à pied, à vélo, en voiture, le lecteur est obligé de cohabiter avec un salaud doublé d’un pervers dont la perpétuelle bonne conscience et la certitude qu’il agit pour le bien du pays donnent la nausée. Mais cette vie commune est d’une richesse exceptionnelle tant Slocombe connaît son sujet. La masse d’informations est époustouflante, la reconstitution de Paris et de la région parisienne laisse interdit, le traitement d’épisodes authentiques de l’histoire de l’Occupation rendu avec une rigueur stupéfiante. Impossible de trouver un détail, une affirmation, un fait qui ne soit confirmé par les archives ou les travaux d’historiens. Mais, en même temps, alors que cette matière historique est la chair du roman, elle ne l’envahit jamais, ne phagocyte pas un récit qui palpite de destinées tragiques, de combats inégaux, de grandeur et de barbarie. Romain Slocombe a prévu trois autres volumes, voire quatre, avant le dénouement de la Libération. Une tâche titanesque, une sorte de Village français littéraire. À en juger par les deux premiers volumes, la fresque, achevée, témoignera avec une rigueur et une force impressionnantes d’une période qui n’en finit pas de passionner.

L'Étoile jaune de l’inspecteur Sadorski de Romain Slocombe. Robert Laffont, 584 pages, 21,50 euros.

L'étoile jaune de l'inspecteur Sadorski et L'affaire Léon Sadorski: deux romans noirs sur la collaboration de la police française extrêmement bien écrits et documentés de Romain Slocombe (Roger Martin, L'Humanité)
Itinéraire d’un salaud ordinaire
ROGER MARTIN
JEUDI, 29 DÉCEMBRE, 2016
L'HUMANITÉ
L’Affaire Léon Sadorski,  de Romain Slocombe. Robert Laffont, 500 pages, 21 euros.

Les séries américaines ont imposé leur tyrannie : tueurs en série géniaux, policiers scientifiques nobélisables, flics de terrain démiurges. La littérature s’est engouffrée dans la brèche dans l’espoir d’adaptations au grand ou au petit écran. Miraculeusement, il est encore des auteurs pour honorer le roman noir, qui est au thriller ce que Spartacus est à Gladiator. Leurs livres refermés, on reste hanté par des récits qui se refusent à n’être que divertissement, palpitant, certes, mais formaté. Romain Slocombe est au nombre de ces irréductibles. L’auteur de Monsieur le Commandant n’écrit pas pour passer le temps. Chez lui, comme chez Daeninckx, Le Corre, Pivion et quelques autres, le sujet est l’essentiel, ce qui ne l’empêche pas de déployer dans son dernier ouvrage un talent de conteur exceptionnel. Une construction solidement charpentée, une science aiguë des ressorts dramatiques, une maîtrise totale des péripéties, s’ajoutant à une capacité rare de faire de ses personnages, victimes ou bourreaux, autre chose que de simples marionnettes, autant d’atouts supplémentaires qui obligent le lecteur à une attention soutenue. L’Affaire Léon Sadorski est en effet un roman noir historique exceptionnel dans lequel, refusant tout effet de suspense gratuit, Slocombe poursuit sa plongée vertigineuse au cœur de l’Occupation, projetant un éclairage cru sur les arcanes de la collaboration et le rôle de la police. L’inspecteur Léon Sadorski ne détonne guère dans ses rangs. Un fonctionnaire consciencieux, méticuleux même, qui fait son travail, avec conscience et même zèle, d’autant plus aisément qu’il est pétainiste et antisémite et que, après tout, il ne fait qu’obéir aux ordres. Contrôler des juifs, puis les arrêter avant de les expédier à Drancy, donner un coup de main aux brigades spéciales pour traquer des communistes, rien que de très légal, après tout. Sans parler de l’orgueil de contribuer au salut de la France et à l’espèce d’ivresse qui s’empare de lui lorsqu’il participe aux séances d’interrogatoire poussé, autrement dit de torture. Sadorski jouit de sa toute-puissance. S’il n’est pas Dieu, c’est tout comme puisqu’il peut décider d’une mort ou d’un salut. Mais le Capitole n’est pas loin de la roche Tarpéienne. Un jour, il est arrêté, emmené contre son gré en Allemagne, persuadé qu’il n’en reviendra pas. La Gestapo a décidé de faire de lui sa pièce maîtresse au sein de la préfecture de police. Entre missions officielles et enquêtes privées, louvoyant sans cesse pour éviter les pièges de ses nouveaux maîtres, ceux des brigades spéciales et des truands nazis de la rue Lauriston, Sadorski s’enfonce irrésistiblement et comme avec délectation dans les horreurs de la collaboration sans problèmes de conscience excessifs… On croyait tout savoir, on découvre à chaque page ! Slocombe s’est appuyé naturellement sur des faits authentiques. Sa documentation, impressionnante, qu’il a pris le temps de digérer, ne phagocyte jamais le récit, mais l’irrigue et donne en permanence au lecteur la certitude d’être dans l’authentique. Un livre fascinant, indispensable !

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