Entre le 20 octobre et le 20 novembre 1947, la commission des Activités anti-américaines auditionne onze réalisateurs, scénaristes et producteurs d'Hollywood. L'accusation n'a qu'un seul but : prouver l'appartenance de ces hommes au Parti communiste américain et l'infiltration communiste dans les studios. Les Dix d'Hollywood invoquent pour leur défense le 1er amendement de la Constitution. Un comité de soutien emmené par John Huston, Humphrey Bogart, Lauren Bacall ou Groucho Marx est créé. Mais l'Amérique a basculé dans la guerre froide. Condamnés, emprisonnés, les Dix sont interdits de travail. L'Humanité publie des extraits des auditions, souvent musclées, de ces hommes qui signèrent les plus beaux films d'Hollywood.
Alvah Bessie a signé les scénarii du film Du sang sur la neige, de Raoul Walsh, ou encore celui de la Caravane des évadés, de Lewis R. Foster. Bettmann Archive
Audition d'Alvah Bessie
" M. BESSIE M. le président, j'ai moi aussi une déclaration que je souhaiterais lire devant cette commission, si vous voulez bien l'examiner, à moins que vous préfériez que je la lise ? (...)
LE PRÉSIDENT M. Bessie, bien que nous doutions de la pertinence de votre déclaration pour l'enquête, cela sera très évident quand vous la lirez.
M. BESSIE J'aimerais toujours avoir la permission de la lire.
LE PRÉSIDENT Juste une minute. Malgré tout le comité est prêt à vous laisser lire la déclaration. Nous nous demandons simplement, pour gagner du temps, si vous ne pouvez lire que les premiers paragraphes et ensuite, nous la verserons au procès-verbal, comme nous l'avons fait avec celle de M. Maltz.
M. BESSIE Je crois comprendre que le 1er amendement à notre Constitution interdit expressément au Congrès d'adopter une loi qui compromet la liberté de parole ou d'opinion. Et je crois comprendre que les commissions du Congrès sont constituées par le Congrès dans le but exprès d'enquêter sur une question qui pourrait conduire à un processus législatif au Congrès.
Maintenant, soit la Constitution et sa Déclaration des droits signifient ce qu'elles disent, soit elles ne signifient pas ce qu'elles disent. Soit le 1er amendement lie le Congrès et tous les corps législatifs de notre gouvernement, soit il ne veut rien dire du tout. Je ne peux pas suivre cette soi-disant commission dans sa croyance implicite selon laquelle la Déclaration des droits signifie ce que cet organe choisit de lui faire dire, ou n'est applicable qu'à ceux dont les opinions s'accordent avec celles de cette commission.
Ce sont les deux premiers paragraphes. Maintenant, les deux derniers paragraphes.
En venant me chercher chez moi, cet organe espère aussi raviver les braises de la guerre qui s'est déroulée en Espagne de 1938 à 1939. Cet organe, dans toutes ses manifestations précédentes, a déclaré qu'il jugeait le soutien à la République espagnole subversif, anti-américain et d'inspiration communiste. Ce mensonge a été engendré à l'origine par Hitler et Franco, et la majorité du peuple américain en fait, la majorité des gens du monde ne l'a jamais cru. Et je tiens, à ce stade, à ce qu'il soit inscrit ceci au procès-verbal : non seulement j'ai soutenu la République espagnole, mais combattre comme volontaire dans les rangs des Brigades internationales tout au long de l'année 1938 fut pour moi un privilège et le plus grand honneur qui m'ait été donné. Je continuerai à soutenir la République espagnole jusqu'à ce que les Espagnols, dans leur grandeur et leur force, destituent Francisco Franco et tous ses partisans et rétablissent le gouvernement légal que Franco et son armée de nazis et de fascistes italiens ont renversé.
La compréhension qui m'a conduit à combattre en Espagne pour cette République, et mon expérience de cette guerre m'apprennent que cette commission est engagée dans des activités exactement identiques à celles engagées par des commissions anti-espagnoles, des commissions anti-allemandes et des commissions anti-italiennes l'ayant précédée dans tous les pays qui ont finalement succombé au fascisme.
Jamais je n'aiderai ni n'encouragerai une telle commission dans sa tentative patente de favoriser ce genre d'intimidation et de terreur, qui est le précurseur inévitable d'un régime fasciste. Et je réitère donc ma conviction que cet organe n'a aucune autorité légale pour fouiller l'esprit ou les activités d'un Américain qui croit, comme je le fais, dans la Constitution, et qui est prêt à tout moment à se battre pour la préserver comme je me suis battu pour la préserver en Espagne... "
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