L'Humanité, 12 novembre 2017:
L'ancien ministre communiste Jack Ralite est décédé à l'âge de 89 ans, a annoncé dimanche Meriem Derkaoui, maire de la ville d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qu'il a dirigée de 1984 à 2003.
"C'est avec une grande tristesse et une profonde émotion que nous apprenons le décès à l'âge de 89 ans de Jack Ralite ce dimanche 12 novembre. Son état de faiblesse avait conduit à son hospitalisation il y a deux semaines", écrit la maire sur le site internet de la ville. M. Ralite fut notamment l'un des ministres communistes du gouvernement de Pierre Mauroy de 1981 à 1984.
Né le 14 mai 1928 à Chalons-sur-Marne (Marne), Jack Ralite avait adhéré au PCF en 1947. Journaliste à l'Humanité puis à L'Humanité-Dimanche, cet autodidacte passionné de culture est élu pour la première fois au conseil municipal d'Aubervilliers en 1959. Il devient ensuite premier adjoint au maire puis maire en 1984. En novembre 2002, il avait annoncé qu'il abandonnerait son mandat au printemps 2003 pour laisser la place à un maire plus jeune, restant alors conseiller municipal jusqu'en 2008.
Député de Seine-Saint-Denis de 1973 à 1981, Jack Ralite avait démissionné de son mandat parlementaire en juillet 1981 pour entrer dans les gouvernements Mauroy comme ministre de la Santé (1981-1983) puis comme ministre délégué chargé de l'Emploi (1983-1984). Depuis 1995 et jusqu'en 2011, Jack Ralite, conseiller régional d'Ile-de-France de 1986 à 1992, avait été sénateur de Seine-Saint-Denis.
Jack Ralite, spécialiste des questions culturelles au PCF, a été membre du comité central, puis national de 1979 à 2000. Ce passionné de culture, notamment de théâtre, a été administrateur du Théâtre national de la colline (TNC). Il a été également administrateur de l'établissement public de la Cité de la Musique (1996-2006).
Jack Ralite était aussi membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, du Conseil national de l'innovation pour la réussite scolaire, et du conseil politique de la fondation Agir contre l'exclusion, lancée par l'ancienne ministre socialiste Martine Aubry.
a réagi sur Twitter la sénatrice CRC de Seine-Saint-Denis Eliane Assassi.
"Tristesse et émotion à l'annonce du décès de J.Ralite. (...) Il était passionnément engagé pour la culture, exigeante et populaire. Attaché à la Gauche rassemblée, il défendait la banlieue avec sensibilité", a réagi Stéphane Troussel, président du département de la Seine-Saint-Denis.
A Aubervilliers, dès ce dimanche, "les drapeaux seront mis en berne et un hommage lui sera rendu dans les prochains jours", a précisé Mme Derkaoui.
La tristesse du départ de Jack ne saurait dépasser le sentiment qu’une vie flamboyante vient d’achever sa trace dans notre époque.
La trace de Jack c’est celle d’un homme du peuple qui aura témoigné des plus beaux sentiments. Un ami commun m’avait dit un jour : « quand il parle des fleurs s’envolent de sa bouche ».
Chacun connaît l’homme de culture, mais ce n’était pas seulement celle d’un érudit des plus grands auteurs, des plus hautes créations de l’esprit, c’était aussi le grand frère des artistes et des femmes et des hommes de la pensée militante en même temps que rationnelle et romanesque.
Nous avons vécu ensemble l’avènement de la gauche au pouvoir au cours des années 1970 et notre entrée au gouvernement en 1981 avec Marcel Rigout et Charles Fiterman. Cette expérience a renforcé une amitié demeurée vivace, jusqu’aux plus simples attentions : l’appel de Jack tous les 1er janvier dans l’après midi pour nous souhaiter une bonne année. Je disais à Jack, il y a peu, que je m’étonnais qu’il ait si peu écrit sur son combat pour la culture et sur les multiples facettes de sa vie.
Il m’avait répondu qu’il en était bien conscient mais que la masse de ses activités ne lui en avait pas laissé le temps. Il disait « Ma vie me brule le temps ». Il avait cependant décidé de s’atteler à ce travail dont il me disait qui était déjà bien avancé et qu’il pensait pouvoir achever d’ici six mois.
Comme tout au long de sa vie sans doute, le temps lui aura manqué pour accomplir l’immensité de ses projets et de ses rêves. Assurément Ils resteront dans les nôtres.
Le message de Mériem Derkaoui, maire d'Aubervilliers
C’est avec une grande tristesse et une profonde émotion que nous apprenons le décès à l’âge de 89 ans de Jack Ralite ce dimanche 12 novembre.
Son état de faiblesse avait conduit à son hospitalisation il y a deux semaines.
Mes premières pensées vont à ses enfants Sophie, Pascal, Daniel et Denis, à son gendre Pascal Beaudet, à sa famille et ses proches qui l’ont côtoyé tout au long de sa vie.
Ministre de la santé de 1981 à 1983 puis Ministre délégué à l’Emploi de 1983 à 1984, il fut également député et sénateur de la Seine-Saint-Denis.
Aujourd’hui, Aubervilliers une ville « rude et tendre » comme il aimait la qualifier, perd un grand homme. Il en a été le maire de 1984 à 2003 et il y aura vécu jusqu’à la fin de sa vie.
À jamais, Jack Ralite aura marqué Aubervilliers de son empreinte.
Connu pour avoir promu inlassablement la culture, il a fait de celle-ci un outil d’émancipation humaine qui participe au rayonnement de la banlieue.
L’homme ne manquait ni d’idées ni d’énergie, c’était un infatigable militant politique. Son autorité morale et son intransigeance quant au respect de l’égalité et de la dignité humaine forçaient le respect et l’admiration. Jack Ralite va manquer à Aubervilliers, au monde de la culture et à la pensée en général.
Dès aujourd'hui, les drapeaux de la mairie sont mis en berne et un hommage lui sera rendu dans les prochains jours.
Mériem Derkaoui
Maire d'Aubervilliers
Pierre Musso, Philosophe.
Quelle immense tristesse, quel triste dimanche de novembre, notre ami Jack, est parti rejoindre ses amis Vitez et Vilar, Ferrat et Aragon et tous les grands aux cieux de la culture et de la création, eux qui l’avaient tant inspiré et qu’il aimait tant citer. Jack ce fut notamment le fondateur et l’animateur des Etats Généraux de la Culture lancés il y a tout juste 30 ans pour dire que « la culture se porte bien pourvu qu’on la sauve ». Triste anniversaire ! Il nous laisse en héritage son combat inlassable en faveur de « l’élitisme pour tous » inauguré par Diderot et pour que « le peuple n’abandonne jamais son imaginaire au monde des affaires ». La création fut toujours son étoile et reste la nôtre. Salut l’ami !
Article du Ouest-France, 27 septembre 2013 à l'occasion d'une venue de Jack Ralite dans le Finistère :
https://www.ouest-france.fr/le-combat-de-jack-ralite-pour-la-culture-307697
Jack Ralite a été ministre de la Santé puis de l'Emploi dans les gouvernements Mauroy, de 1981 à 1984. Mais le sénateur communiste est avant tout un spécialiste de la culture. Journaliste à L'Humanité, il fut d'ailleurs responsable de la rubrique culture.
Samedi, matin, au centre d'art Passerelle, ils étaient plus de 300 à être venus l'écouter. À 80 ans, l'homme parle toujours avec fougue de son combat pour la culture. L'argumentaire s'appuie constamment sur les écrivains et surtout les poètes. Il cite Aragon, souvent, Jean Vilar, « mes pilotis, car pour faire une maison, il faut des pilotis ».
Sur la table devant lui, des chemises bourrées de feuillets. Jack Ralite sait l'importance de l'écrit, des mots justes. Il dénonce « une offensive contre la langue, un crime contre la pensée. Pour avoir l'air moderne, on invente des mots, comme gouvernance pour gouvernement. C'est un trafic de la langue ».
Il parle de l'audience, « une vraie question qu'il ne faut pas éluder ». Il discourt longuement sur les rapports entre le politique et le culturel. « La différence entre un politique et un artiste, c'est que le second n'a pas besoin de majorité ! » Il s'emporte contre le contrôle sur la culture au nom de l'utilité : « Comment peut-on savoir que l'inconnu est utile. On a besoin d'inconnu. »
Il s'indigne d'apprendre que le théâtre de Morlaix aura 40 % de subvention en moins : « On va vers la survie, puis la mort. » Il dénonce la tendance à tout mesurer à l'aune de la finance : « On veut que chaque équipement devienne une entreprise. »
Sa longue vie lui permet de dresser un constat peu rassurant : « La culture populaire en a pris un coup. Et la culture élitaire aussi. »
À propos du travail et de la culture, il constate : « D'un côté, il y a Sarkozy et son stakhanovisme. De l'autre, il n'y a rien. La Gauche a oublié de parler du travail ! »
Le vieux militant émeut son auditoire lorsqu'il évoque l'éveil à la culture. « Il n'y a pas d'autoroute pour aller à la création. Il n'y a que des venelles. »
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