Convocadas manifestaciones en 40 ciudades de España
¡Gracias!
Si PP recorta derechos y libertades de algunos, recorta la democracia de todos
La police espagnole a déclenché mercredi une vaste opération destinée à empêcher la tenue du référendum sur l’indépendance de la Catalogne, prévu par les autorités locales le 1er octobre mais interdit par la justice constitutionnelle espagnole. Quatorze responsables catalans ont été arrêtés.
Avec Irène Casado, envoyée spéciale à Barcelone.- « Liberté ! Démocratie ! », « Nous allons voter » ou « La rue est toujours à nous ! ». La mobilisation se poursuit ce jeudi à Barcelone, après la vaste opération policière de la veille destinée à empêcher la tenue du référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Des membres de l’Assemblée nationale catalane ont appelé à une « mobilisation permanente » pour défendre le droit à l’autodétermination. Des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Tribunal supérieur de justice de Catalogne, réclamant la libération des onze personnes arrêtées, et toujours en garde à vue jeudi soir, à cause de leur rôle dans l’organisation du référendum prévu le 1er octobre. Dans la nuit de mercredi à jeudi, de nombreux Catalans étaient déjà descendus dans la rue.
La « collision de trains », selon l’expression consacrée de la presse espagnole, s’est produite ce mercredi. Elle menaçait depuis l’adoption, le 6 septembre, par le Parlament, le Parlement catalan, de la loi organisant un référendum pour l’indépendance de la Catalogne, le 1er octobre, que Madrid est déterminé à empêcher. Mardi 12 septembre, la Cour constitutionnelle espagnole, saisie par le gouvernement de Mariano Rajoy, avait jugé la loi contraire à la Constitution de 1978. Et ce mercredi, la garde civile a mis le feu aux poudres en arrêtant quatorze hauts responsables de l'exécutif de la région de Catalogne, qui rassemble des conservateurs, des sociaux-démocrates et des figures de la société civile, et en procédant à 22 perquisitions, notamment dans les ministères régionaux de l'économie, de l'intérieur et des affaires étrangères, ainsi qu'aux sièges du Trésor et du Centre des télécommunications et des technologies de l'information. Près de 10 millions de bulletins de vote ont également été saisis.
« L'État espagnol a de facto suspendu l'autonomie en Catalogne et créé l'état d'urgence », a réagi le président de l'exécutif régional, Carles Puigdemont, à l'issue d'une réunion spécialement convoquée au palais de la Généralité, entouré de membres de son gouvernement. Auparavant, le chef de l'exécutif avait appelé les Catalans à défendre la démocratie face à un « régime répressif et intimidant » en participant en masse au référendum du 1er octobre. « Nous avons tous l'obligation de respecter la loi », avait auparavant déclaré à Madrid le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, lors d'une séance parlementaire houleuse lors de laquelle un groupe d'élus catalans a quitté l'hémicycle pour protester. Dans la soirée, le chef du gouvernement espagnol a de nouveau invité les dirigeants catalans à renoncer au scrutin : « N'allez pas plus loin. Revenez à la loi et à la démocratie. Ce référendum est une chimère », a-t-il dit lors d'une allocution télévisée.
La réaction des Barcelonais ne s’est pas fait attendre : par milliers, ils se sont rassemblés pour manifester contre le comportement « antidémocratique » et « totalitaire » du pouvoir central, selon les mots de Carles Puigdemont, après l'arrestation de Josep María Jové, adjoint d'Oriol Junqueras, vice-président et conseiller à l'économie et aux finances de la Généralité de Catalogne. « Face au tournant autoritaire de l'État, Barcelone soutient les institutions catalanes et défend l'autonomie catalane. Si Rajoy persiste dans cette stratégie répressive, il trouvera des voix diverses et pro-catalanes plus unies que jamais pour défendre les droits et la liberté. Nous accueillons et célébrons les manifestations à Barcelone, en Catalogne et dans toute l'Espagne. Continuons à manifester, toujours pacifiquement », a réagi la maire de la ville, Ada Colau, dans une série de tweets rédigés en catalan, en espagnol et en anglais. Elle a ensuite remercié les manifestants dans quarante villes espagnoles : « Si le PP [parti populaire de Rajoy – ndlr] restreint les droits et libertés de quelques uns, il restreint la démocratie de tous. »
Comme beaucoup d’autres figures de la gauche, le leader de Podemos, Pablo Iglesias, avait regretté que la consultation du 1er octobre manque de garanties juridiques suffisantes – par exemple pour la protection juridique des fonctionnaires qui devront l’organiser, précisément ceux qui ont été arrêtés ce mercredi : Iglesias évoque aujourd'hui « des prisonniers politiques ». Le mouvement anti-austérité défend le droit des Catalans « à décider » – c’est-à-dire la tenue d’un référendum –, mais aussi l’idée d’un référendum validé par Madrid, sur le modèle du référendum écossais, validé par le Royaume-Uni à l’époque. Le mouvement a appelé à une mobilisation pour les libertés démocratiques, à 19 h 30, Puerta del Sol…
Depuis son entrée en fonctions fin 2011, Mariano Rajoy, le chef de la droite espagnole, est l’un des premiers responsables du pourrissement de la situation entre Madrid et Barcelone. Il n’a jamais cherché à rouvrir la voie des négociations, préférant se draper dans une position de garant de l’unité espagnole, pour consolider son statut d’homme fort à Madrid (lire notre analyse). Il bénéficie du soutien, contre la tenue du référendum, des libéraux de Ciudadanos, et dans une moindre mesure des socialistes du PSOE, qui continuent d'appeler à des négociations pour une sortie politique de la crise (à l'inverse de la bataille strictement judiciaire engagée par Rajoy).
De son côté, à Barcelone, l’exécutif régional a continué, inflexible, à dérouler sa feuille de route. Il s'estime légitime, après les régionales de septembre 2015, qui ont donné une majorité au sein du Parlament, aux formations indépendantistes (en nombre de sièges, mais pas en nombre de voix). Le 28 août dernier, le gouvernement de Puigdemont a présenté une loi « sur la période de transition » : une mini-Constitution de 89 articles, qui entrerait en vigueur à partir du 2 octobre, si le « oui » l’emportait la veille, le temps de faire élire une véritable Constituante pour fonder la République catalane. Avant de faire adopter, le 6 septembre, la loi proprement dite sur le référendum, interdite le 12. Madrid avait alors déposé quatre recours devant le Tribunal constitutionnel, l’institution chargée de faire respecter la Constitution espagnole.
Dimanche 17, la garde civile avait saisi près de Barcelone 1,3 million de tracts, dépliants et affiches en vue du référendum dans une entreprise de distribution de publicités d'une commune de la province de Barcelone, « empaquetés sur des palettes, prêts à être distribués », selon un communiqué du ministère. Parmi ces documents se trouvaient quelque 700 000 tracts en faveur du oui au référendum et environ 370 000 dépliants avec le logo du gouvernement catalan promouvant la participation au référendum. Environ 138 000 affiches de la Candidature d’unité populaire, autre force politique de gauche de premier plan, avaient également été saisies. Selon le ministère de l'intérieur, la saisie de matériel faisant la promotion du oui en même temps que des documents officiels du gouvernement catalan a démontré « l'unité d'action » entre le gouvernement régional et la campagne du oui.
La veille, samedi 16, la garde civile avait perquisitionné, à la demande d'un juge de Tarragone, les locaux du quotidien de la ville de Valls, El Vallenc. Les gardes civiles recherchaient du matériel imprimé en rapport avec le vote prévu le 1er octobre, notamment des bulletins de vote. L'opération a duré cinq heures et les policiers sont apparemment rentrés bredouilles, emportant cependant des documents de l'entreprise.
Cette opération a provoqué beaucoup de réactions indignées dans les milieux indépendantistes. Le vice-président de la Généralité, Oriol Junqueras, a évoqué une attaque contre la liberté d'expression. Immédiatement après l'arrivée de la garde civile, une manifestation s’était tenue durant l'opération, devant les locaux d'El Vallenc.
Interrogé le 29 août par Mediapart, Raül Romeva, « ministre des affaires étrangères » de Catalogne, s'était dit convaincu que le scrutin du 1er octobre aurait bien lieu. Cet ancien eurodéputé, né en 1971, issu du parti écologiste ICV, a fait de l’indépendance de la Catalogne sa priorité. « Si quelqu’un pense qu’il n’y aura pas de référendum, il faut qu’il nous dise comment il compte s’y prendre pour empêcher sa tenue », avait-il martelé. « Nous demandons que tout le monde puisse s’exprimer et que l’on respecte la liberté des gens. De ce point de vue, il faut se demander pourquoi nous en sommes arrivés là. C’est cette question que je voudrais que certains acteurs se posent. Il y a beaucoup de réactions négatives contre le fait de voter, mais je vois peu d’interrogations sur la raison pour laquelle des gens comme nous en sont arrivés à un point où ils veulent décider de leur avenir. C’est pourtant là que se situe l’enjeu. »
En 2014, lors d'une précédente consultation, le « oui » l’avait emporté largement, mais les opposants à l’indépendance avaient boycotté ce scrutin. À l'époque, Rajoy – déjà en poste à Madrid – avait opté pour une stratégie différente : il avait ignoré les résultats du scrutin, mais n'était pas intervenu en amont, pendant la campagne. Cette fois, il s'est trouvé contraint de durcir un peu plus le ton, dès l'approche de la consultation. La stratégie du tout-judiciaire du parti conservateur espagnol, le PP, est extrêmement hasardeuse, et pourrait s'avérer lourde de conséquences pour la suite – c'est-à-dire après le 1er octobre, qu'il y ait, ou non, un référendum. Tout simplement parce qu'elle risque de doper encore un peu plus le camp des indépendantistes, qui ne cesse de croître depuis 2010.
Mondialement connu, le club de football du FC Barcelone (dont le capitaine puis entraîneur historique Pep Guardiola est un fervent indépendantiste) a affiché son soutien au référendum dans un communiqué : « Après les faits survenus ces derniers jours, et en particulier aujourd'hui, en lien avec la situation politique de la Catalogne, le FC Barcelone, fidèle à son engagement historique en faveur de la défense du pays, de la démocratie, de la liberté d'expression et du droit à décider, condamne toute action susceptible d'empêcher le plein exercice de ces droits. »
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