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15 juillet 2017 6 15 /07 /juillet /2017 07:36
Croquis. Face à Trump, les limites du fusil à grande pompe
 PAR 

Emmanuel Macron considère-t-il que les autocrates sont solubles dans les dorures et les parades ? Sa réception de Poutine à Versailles, le 30 mai, et celle de Trump sur les Champs-Élysées, ce 14 juillet, prouvent en tout cas qu’il n’hésite pas à déjeuner avec le diable, même avec une cuillère courte.

 

L’invitation du président le plus contesté, et le plus contestable, de l’histoire moderne des États-Unis en ce 14 juillet aurait pu donner l’occasion d’une polémique estivale comme la France en a le secret, et la fierté. Un affrontement entre la realpolitik et l’exigence morale. Tendre la main ou taper du poing sur la table…

Il faut croire que le pays a changé. Finis les états d’âme d’un ancien premier ministre, Laurent Fabius, quand François Mitterrand avait reçu le général Jaruzelsky, normalisateur de la Pologne. Fini le passage mouvementé de la flamme olympique à Paris pour protester contre les atteintes aux droits de l’homme en Chine. Finie la virulence de Rama Yade à l’occasion de la visite de Kadhafi à Paris. Calme plat, comme si ce M. Donald Trump n’avait rien de singulier, comme si ses invectives étaient des plaisanteries, comme si son positionnement politique à la droite du Front national ne posait aucun problème moral.

Le débat n’a pas été ouvert, sauf à la marge. On entend dire partout qu’Emmanuel Macron replace la France dans le concert des grands du monde. Dans un pays qui s’est souvent indigné de la visite de dirigeants peu fréquentables, au nom des valeurs de 1789, les commentateurs se contentent d’arithmétique. Ils évaluent les avantages et les inconvénients de ce déploiement d’honneurs, comme si Trump était un président classique. Et puisqu’une batterie de sondages ne cesse de répéter que les Français approuvent, le problème n’est pas posé.

Et pourtant il se pose, et il pose en même temps, au-delà du frisson people et du repas gastronomique au second étage de la tour Eiffel, une question sur la nature de la diplomatie engagée par M. Macron. Que cherche-t-il, et qu’espère-t-il, à mettre ainsi dans un écrin des dirigeants certes importants au plan mondial, mais qui sentent le soufre plutôt que l’air pur ?

 

La venue à Paris de Donald Trump est tout de même le quatrième épisode d’un pas de deux commencé au lendemain de l’élection du 7 mai. Sommet de l’Otan, G7, G20, Invalides, tour Eiffel, Champs-Élysées, ce grand spectacle autour du 14 Juillet commence à faire un peu beaucoup… Il est normal que le chef de l’État français ne ménage pas ses efforts pour tisser des liens avec son homologue américain, quel qu’il soit, mais est-il nécessaire, et politiquement utile, que se dessine entre eux, sous les fastes royaux et les flonflons républicains, une complicité d’homme à homme entre le jeune dirigeant venu de la banque et le vieux roublard issu de l’immobilier ?

Qui a le plus de chances d’en tirer un avantage ? Le milliardaire qui se fout du monde entier, et de la France en premier, mais qui parade sur les Champs-Élysées, ou ce président à peine élu qui fait des grâces à son invité en dépit du camouflet qu’il vient de recevoir sur l’accord de Paris ? Est-ce que Macron serre la main à son homologue d’outre-Atlantique, ou est-ce qu’il tend l’autre joue de la France à un drôle d’oncle Sam ?

En clair, à faire des fanfreluches avec ce Trump que les Français n’aiment pas et que les Américains découvrent en menteur compulsif, est-ce que Macron s’impose comme un dirigeant mondial ou comme un courtisan ? La question est d’autant plus sérieuse qu’elle pèsera sur le long terme, bien au-delà des sondages immédiats. À se contenter de noter, comme un greffier, ses « divergences » sur l’accord de Paris, en soulignant comme jeudi lors de la conférence de presse commune qu’il « respectait la décision du président Trump », Emmanuel Macron donne-t-il à son pays la dimension d’un partenaire sévère et rigoureux ou le réduit-il au rôle d’allié docile qui ne fera pas d’Histoire ?  

Tout se passe comme si le président français ne posait pas les jalons d’une nouvelle diplomatie, mais s’enivrait à déployer des fastes, sur les Champs-Élysées ou au château de Versailles. Lui qui aime se comparer à de Gaulle, en se présentant comme l’homme providentiel qui en revient aux sources de la Cinquième République, donc du présidentialisme, il contraste furieusement avec son inspirateur.

Autant l’un n’hésitait jamais à choquer, à pratiquer la formule assassine, le coup de gueule, la porte qui claque avec l’Otan, le « Vive le Québec libre », le rapprochement impensable avec la Chine de Mao, autant le président de 2017 a l’air de croire à la force de la caresse, comme s’il comptait noyer les conflits dans le déploiement d’honneurs. Un art des bonnes manières qui dissoudrait les affrontements planétaires dans les bulles de champagne.

D’autant que le feu d’artifice de serments d’amitié, lors de la conférence de presse de jeudi et du repas de la tour Eiffel, est le couronnement d’une stratégie. Alors que la question de savoir s’il fallait ou non parler à Poutine était posée comme un marqueur de la campagne présidentielle, et que le candidat Macron était flou sur le sujet, contrairement à Marine Le Pen, François Fillon ou Jean-Luc Mélenchon, le président à peine élu a donné à ces contacts une dimension spectaculaire. Il a reçu le président russe à Versailles, pas “seulement” à l’Élysée. Et il vient d’inviter un autre partisan des solutions musclées, des murs et de la colonisation, Benjamin Netanyahou, à célébrer l’anniversaire de la tragédie franco-française de la rafle du Vél’ d’Hiv’, comme s’il était le premier ministre des juifs du monde et pas celui de l’État d’Israël.

Encore et toujours la flatterie, comme si la mutation du président français en majordome des vanités allait régler les guerres israélo-palestinienne, syrienne et irakienne, le terrorisme et la lutte contre le réchauffement climatique.

Il est là, le danger majeur de cette diplomatie des courbettes, non pas seulement pour la personne d’Emmanuel Macron, mais pour la place de la France dans le monde. Si le flatteur français obtient des résultats, chapeau l’artiste et honte à ses détracteurs. Mais est-ce seulement imaginable ? Après les homards bleus du restaurant Ducasse, que Donald Trump reste Donald Trump, et continue d’agir au nom des puissances qui le portent et se fichent de l’accord de Paris ; que Poutine reste Poutine, ce qui est tout de même assez probable ; et que Netanyahou demeure Netanyahou, ce qui est encore plus certain, et le de Gaulle des années 2017 sera renvoyé à son statut d'adjoint spécial au comité des fêtes. Un président des petits-fours, qui promettait de dépasser les clivages et qui copine avec les populistes et les obscurantistes, en trinquant à la santé du monde.

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