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5 juillet 2017 3 05 /07 /juillet /2017 11:04
Politique budgétaire: derrière le flou, l'austérité
 PAR 

Dans son discours de politique générale, le premier ministre n'est pas entré dans le détail des moyens d'ajuster le budget 2017. Mais il a énoncé une série d'objectifs qui présage d'un fort tour de vis budgétaire. Les réformes seront donc accompagnées d'austérité, et la question du financement du plan d'investissement et d'autres promesses se pose avec acuité. Un choix politique risqué.

 

C'était le point sur lequel Édouard Philippe était très attendu lors de ce discours de politique générale : sa stratégie budgétaire. L’audit de la Cour des comptes publié le 29 juin avait donné le ton d’une dramatisation à outrance, ouvrant la voie à des coupes dans les dépenses publiques. Le premier ministre a repris ce discours à l’envi, insistant sur le poids de la dette dans le budget, multipliant les chiffres et agitant la menace d’une hausse des taux. Mais au-delà des grands discours assez traditionnels fustigeant la dette publique, les propos du chef du gouvernement sont demeurés très flous.

Ainsi, sur l’année 2017, Édouard Philippe a indiqué sa volonté de faire passer le déficit public « sous la barre des 3 % du PIB », ce qui est légèrement plus ambitieux que l’objectif indiqué lors de la déclaration du 29 juin, qui promettait de « contenir le déficit à 3 % » du PIB. Une inflexion qui n’est pas sans conséquence.

La Cour des comptes a indiqué dans son audit que, à politique inchangée, le déficit devrait se situer à 3,2 % du PIB. Pour parvenir à 3 %, il faut trouver 5 à 6 milliards d’euros. Pour parvenir à 2,8 % du PIB de déficit public, objectif inscrit dans le budget 2017, il faut trouver 8 milliards d’euros. Si Édouard Philippe entend aller donc plus loin que les 3 % du PIB de déficit public, il va lui falloir trouver des sources d’économies supplémentaires. Or, le discours du premier ministre n’a indiqué aucune mesure concrète pour cette année. On n'en est resté qu’à des généralités qui ne permettent guère de comprendre où le gouvernement entendra trouver les moyens de ses ambitions.

Ceci semble confirmer le choix d’une méthode qui avait pourtant été beaucoup critiquée par les partisans d’Emmanuel Macron, non sans raison, celui du « rabot » des crédits des ministères jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Selon Les Échos de ce jour, aucun poste budgétaire, pas même la défense et la sécurité, ne devrait être épargné.

Pour le reste, on sait que la pression budgétaire ne cessera pas avec le budget 2017. Bruxelles impose une baisse de 0,5 point du déficit structurel chaque année, même une fois l’objectif des 3 % atteint. Et, de ce point de vue, Édouard Philippe s’est montré ambitieux à défaut d’être précis. Le gouvernement présentera en septembre, non seulement le projet de loi de finances sur 2018, mais aussi un programme de trajectoire sur l’ensemble du quinquennat qui devrait donc se substituer au « programme de stabilité » présenté en avril par le précédent gouvernement. Le chef du gouvernement a donné quelques lignes directrices fortes de cette stratégie. D’ici à la fin du quinquennat, la dépense publique devra baisser de 3 points de PIB et les prélèvements obligatoires d’un point de PIB. Quatre points de PIB d’effort budgétaire sur cinq ans, qui passera donc par le retour à l’équilibre du budget de la Sécurité sociale en 2020.

Pour parvenir à cette baisse de la dépense publique, le gouvernement suit les préconisations de la Cour des comptes, qui avait indiqué qu’un gel des dépenses publiques en volume, c’est-à-dire hors inflation, était nécessaire pour y parvenir. Ce sera une inflexion majeure dans la politique budgétaire du pays. Le programme de stabilité présenté en avril prévoyait en effet le maintien d’un rythme de croissance de 0,9 % des dépenses publiques en volume sur les cinq prochaines années. Compte tenu du fait qu’une grande partie des dépenses évoluent en lien avec l’inflation, il faudra donc baisser concrètement les dépenses qui ne le sont pas. Ceci devrait constituer, selon les chiffres des Échos citant des sources gouvernementales, « 15 à 20 milliards d’euros » d’économies sur la seule année 2018. Un montant d’économies colossal qui devrait passer par des coupes majeures.

Et c’est ici que le discours du premier ministre demeure on ne peut plus flou. Édouard Philippe s’est bien gardé de dire comment il allait mener cette ambition budgétaire. Une ambition d’autant plus délicate qu’elle s’accompagne du renouvellement de plusieurs promesses de campagne du candidat Macron. Certes, la transformation du CICE en baisse de cotisations, qui induit une « année double » et donc un surcoût de près de 20 milliards d’euros, est reportée à 2019. Certes, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en un impôt sur le patrimoine immobilier est aussi reportée à 2019. Certes encore, la réforme de la taxe d'habitation est reportée également à plus tard, sans doute à la fin du quinquennat. Toutes les réformes coûteuses auront donc lieu plus tard.

Mais si l’exercice budgétaire 2018 est relativement préservé, qui peut croire que l’exercice 2019 pourra supporter ces surcharges, alors que la contrainte de baisse du déficit structurel et des objectifs à cinq ans du gouvernement exerceront toujours la même pression ? Et comment seront financées les autres promesses d’Édouard Philippe concernant la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % d’ici à 2022, le fameux plan d’investissement (dont on s’est gardé de donner un calendrier) ou la montée à 2 % du PIB de la défense en 2025 ? C’est en fait repousser à plus tard de nouveaux renoncements ou, pire, de nouvelles coupes pour compenser ces mesures.

Libéralisation économique et austérité budgétaire

In fine, ce qui ressort du flou de ce discours de politique générale, c’est l’ambition de mener une politique d’austérité dont l’ampleur sera sans doute réajustée en fonction de l’évolution de la croissance d’ici deux ans. Mais le cœur du problème reste le même et Édouard Philippe s’est bien gardé de l’aborder. Si le gouvernement veut respecter ses engagements budgétaires, il devra nécessairement se montrer moins ambitieux ailleurs. Or, pour le moment, la politique officielle du gouvernement demeure celle, totalement irraisonnable, de conserver toutes les promesses dans un contexte de tour de vis budgétaire généralisé.

Le premier ministre a, cependant, esquissé quelques pistes. Certes, il y a la volonté d’utiliser le numérique, véritable serpent de mer des politiques publiques dans lequel on place souvent beaucoup trop d’espoir. La volonté affichée par Édouard Philippe de s’inspirer de l’Estonie, pays d’un million d’habitants, n’est de ce point de vue au mieux qu’une figure de style, au pire qu’un écran de fumée. Le retrait de l’État de certains domaines, idée chère aux libéraux, a été également évoqué. La vraie politique pour parvenir à ces objectifs ne pourra être qu’une politique de coupes dans les dépenses. Et Édouard Philippe l’a, du reste, laissé entendre. Entre les lignes, bien sûr.

Il a ainsi indiqué vouloir « stopper l’inflation » de la masse salariale de l’État, ce qui supposera sans doute une politique de non-remplacement des départs à la retraite, dans la lignée de ce qui avait été engagé, sans vrai succès d’ailleurs, par Nicolas Sarkozy. Il a également insisté sur l’inefficacité de plusieurs politiques publiques, notamment celle du logement, directement citée et dans le viseur de la Cour des comptes. Or, le logement est un poste important du budget de l’État (18 milliards d’euros). Sans doute Édouard Philippe compte-t-il sur la politique de dérégulation des permis de construire, qu’il a aussi annoncée, pour compenser d’éventuelles coupes dans ce budget. Mais il faut souligner que le logement social soutenu par la puissance publique, ou les aides aux logement, n’ont pas la même fonction que les constructions « marchandes ». À moins que, comme dans les États-Unis des années 2000, on ne cherche à donner accès à la propriété aux plus pauvres, quitte à les endetter…

Autre poste visé implicitement : la dépense sociale. En annonçant le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale en 2020, il a en réalité annoncé de vastes économies, qui ne passeront que par des baisses de prestations. Du reste, le premier ministre a affirmé vouloir proscrire à l’avenir les déficits des comptes sociaux. Ce qui signifie là aussi, nécessairement, un recul des transferts sociaux et des prestations. C’est d'ailleurs certainement sur ce poste que l’effort portera principalement. Sans doute y aura-t-il un transfert de certains domaines vers le privé, idée chère aux libéraux français et évoquée brièvement par le chef de l’exécutif, qui a prôné « d’arrêter ce que d’autres font mieux ». Une « privatisation » partielle ou complète de certaines couvertures sociales n’est donc pas à exclure. Mais là encore, on le voit, le flou est total.

Si l’on est resté sur sa faim concernant le détail des mesures budgétaires, surtout pour 2017, ce qui pourrait être le signe d’une absence de décisions gouvernementales sur le sujet pour l’instant, les grandes lignes de la politique de l’exécutif en matière budgétaire sont d’ores et déjà claires : il s’agit bel et bien d’une politique d’austérité dont l’ampleur dépendra et de la croissance, et de la détermination à imposer certaines promesses de campagne du président de la République.

Désormais, la politique économique du gouvernement semble donc devenir claire : il allie une politique de libéralisation économique, du marché du travail notamment, à une austérité budgétaire. En juin 2016, le FMI avait défini cet ensemble de politiques de« néolibéralisme ». Et il avait jugé que leurs réalisations, fort à la mode de 1980 à 2010, étaient largement surévaluées. Les experts du Fonds de Washington avaient appelé à une « vision plus nuancée de ce que l’agenda néolibéral est capable de réaliser ». Ils insistaient sur la production d’inégalités fortes, sur la volatilité croissante de l’économie, sur les résultats décevants en termes de croissance. Une analyse que beaucoup d’autres économistes ont engagée et développée.

À l'heure d'une reprise fragile, le gouvernement français, qui se targue pourtant de « dire la vérité » et de « faire face au réel », ignore superbement ces mises en garde et réflexions. Son agenda en est, dès lors, fort préoccupant.

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