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11 mai 2017 4 11 /05 /mai /2017 05:20
Prison de Long Kesh - H-Block - 1979-1981: grève de la faim et de la propreté des prisonniers politiques républicains irlandais (Sorj Chalandon, Mon traître)

« A Long Kesh, dans l'immense camp de prisonniers construit en pleine campagne, au sud de Belfast, trois cent républicains irlandais vivaient nus depuis trois ans. Nus, absolument. Enroulés dans leur couverture de lit, ils refusaient de porter l'uniforme des droit-commun. Je regardais leurs photos jusqu'au vertige. Deux d'entre eux, surtout, surpris dans leur cellule par une caméra de télévision, maigres, le visage couvert de barbe, les cheveux sur leurs épaules, donnant aux couvertures rêches l'élégance d'un drapé. J'avais cette image avec moi partout. Dans mon porte-feuille, dans mon atelier. Quand je levais les yeux du bois blond, c'était pour ces peaux blanches. Un matin de 1979, pour briser la résistance, les surveillants ont refusé que les prisonniers vident leurs tinettes. Alors ils sont entrés en « dirty protest », la protestation dégueulasse. Ils ont pissé par terre. Ils ont étalé leurs excréments à la main sur les murs de leurs cellules. Ils se hurlaient prisonniers politiques. Nus et dans leur merde, les pieds couverts d'urine, sans visite, sans promenade, sans courrier, sans rien, seuls, pendant encore des mois et des mois qui dureront deux ans.

Vus du ciel, les bâtiments du camp étaient en forme de « H ». La lettre blanche fut bientôt le symbole du martyre républicain. Peinte sur les murs, portée aux revers, collée dans les chambres adolescentes, imprimée sur les maillots, gravée dans la pierre, marquée au fer et dans le bois, criée par les enfants, répétée à l'infini ».

Sorj Chalandon, Mon traître (chapitre 4)

 

« Le 1er mars 1981, j'ai appris que Bobby Sands commençait une grève de la faim pour le statut de prisonnier politique. J'étais à Paris. Je l'ai lu dans un journal froissé, oublié sur une table de café. C'était un article tout faux. Faux dans les faits, les dates, les lieux, les termes. L'IRA était désignée comme Armée « révolutionnaire » irlandaise. Le camp de Long Kesh, décrit comme une « prison pour catholiques extrémistes ». La grève de la faim, analysée comme un « chantage au suicide commandité par les va t-en-guerre républicains ».

Je n'avais jamais vu Bobby Sands. Lorsque je suis arrivé en Irlande, il était déjà prisonnier. L'hiver dernier, une première grève de la faim a échoué. Marguaret Thatcher avait promis un geste d'humanité si le jeûne s'arrêtait. Dès qu'il a cessé, le Premier ministre britannique a renié sa parole, et pincé ses lèvres en disant qu'elle ne céderait jamais.

J'étais là, face à la rue, assis à une table. J'avais chiffonné le journal avec moi. Je regardais mon coin de Paris, des immeubles gris ciel... Je me sentais loin, perdu et seul. Je savais qu'une deuxième grève de la faim allait débuter au printemps. Jim, Tyrone, tous m'avaient expliqué. Par ce jeûne à mort, les prisonniers républicains mettaient fin à cinq ans de « protestation des couvertures », et à une « grève de l'hygiène » pour rien.

Bobby Sands était l'officier de l'IRA commandant Long Kesh, condamné à cinq ans pour possession d'une arme. Il avait décidé de conduire le mouvement. Une semaine après, un autre le rejoindrait. Puis un troisième. Et puis un quatrième. Et un cinquième remplacerait le premier décédé. Et un sixième prendrait la place du deuxième martyr. La liste des volontaires établie à l'intérieur de la prison s'étalait en dizaines, puis en centaines de noms. Le visage souriant de Bobby Sands a rejoint la lettre « H » sur chaque brique de la ville ».

Sorj Chalandon, Mon traître (chapitre 6)

 

« Il était quatre heures du matin, le 5 mai 1981. Un homme a hurlé dans la rue. Un cri ivre ou colère, je ne savais pas trop. Un déchirement humain qui nous disait que Bobby était mort. Juste cela. « Bobby is dead ! » (…)

C'était une nouvelle immense. Gréviste de la faim, il avait été élu député à Westminster par les nationalistes du comté Fermanagh/ South Tyrone. Il était emprisonné, mais aussi député du Parlement britannique. Il avait joué le jeu. La population républicaine s'était rendue aux urnes pour lui donner sa voix. A l'annonce de élection, au plus fort de son agonie, l'Irlande a bondi. Jamais, jamais, jamais Thatcher ne pourrait laisser mourir de faim un membre de son Parlement. Jamais. Que Votre volonté soit faire sur la terre comme au ciel. Et voilà qu'il était mort. Après 66 jours. Et que Francis Hugues allait mourir à son tour, et Ray Mc Creesh, et Patsy O'Hara. S'ils avaient laissé mourir Bobby Sands, les autres n'avaient pas l'ombre d'une chance ».

Remember Bobby Sands! - chef républicain irlandais mort après 66 jours de grève de la faim le 5 mai1981

 

Les prisonniers politiques irlandais grévistes de la faim dans la prison de Long Kesh

Les prisonniers politiques irlandais grévistes de la faim dans la prison de Long Kesh

les prisonniers politiques irlandais décédés des suites de leur grève de la faim en 1981

les prisonniers politiques irlandais décédés des suites de leur grève de la faim en 1981

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