Contributions de Patrice Bessac, président de l’Association nationale des élus communistes et républicains (Anecr) dans l’Humanité du 19 avril 2017 :
Lorsqu’un maire demande 1 euro, 1 simple euro, à l’un de ses administrés, il réfléchit à ce dont celui-ci a le plus besoin, et à ce qu’il pourrait faire pour améliorer son quotidien, son avenir, celui de sa famille et de ses enfants. Pour une ville de plus de 100 000 habitants comme Montreuil, les recettes de la taxe d’habitation représentent 43,4 millions d’euros par an, plus de 250 millions sur un mandat. Eu égard à la sociologie de la population, on peut estimer à 90 % la proportion de foyers qui seraient exonérés. Les collectivités locales ne sont pas des entreprises qui font des bénéfices. 43,4 millions d’euros, ce sont des écoles, des logements, des routes, des centres de santé, de la culture pour tous. Les impôts locaux sont injustes. Ils ne sont pas progressifs. Et les valeurs locatives (datant de 1971) qui permettent le calcul de la taxe d’habitation sont largement obsolètes. Tout cela est vrai. Et la proposition de M. Macron ajoute de l’injustice à l’injustice. Ainsi, si elle était adoptée, toutes les villes ne seraient pas impactées de la même manière.
Certaines villes conserveraient des marges de manœuvre fiscales, tandis que les villes les plus populaires – souvent celles qui développent les politiques publiques les plus fortes – se verraient, une nouvelle fois, privées de ressources. Cela ne résout en rien le problème de l’injustice de la taxe d’habitation. Cela creuse tout simplement un écart encore plus important entre les villes riches et les villes plus populaires. Cette proposition du candidat Emmanuel Macron s’inscrit, hélas, dans une continuité désastreuse, celle de la baisse drastique et historique des dotations de l’État que subissent les collectivités territoriales depuis 2012. C’est une nouvelle étape dans le combat idéologique mené contre les services publics locaux et de proximité, derniers remparts contre les inégalités.
Payer l’impôt national fait de chaque citoyen un membre à part entière de la communauté nationale, il en va de même pour l’impôt local. Chaque citoyen, en fonction de ses moyens, doit pouvoir participer à la vie de sa commune, c’est le fondement même de la démocratie locale. En supprimant l’autonomie fiscale des communes, Emmanuel Macron procède à un acte de recentralisation autoritaire. Il n’y a aucune « audace » dans la proposition de l’ancien banquier de chez Rothschild. Il y a, au-delà de la démagogie, l’expression d’une idéologie qui vise, en asséchant progressivement les budgets des communes, à réduire la démocratie locale à sa portion congrue et à remettre en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Les élus locaux et les citoyens en ont déjà fait la douloureuse expérience : la suppression de la taxe professionnelle, la modification des conditions d’établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la diminution sans précédent de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ont toutes fait l’objet de promesses de compensations financières que l’État n’a jamais tenues. Pour la taxe d’habitation, comme pour le reste, il est fort peu probable que l’État tienne ses engagements et parvienne à compenser les 22 milliards d’euros que celle-ci représente aujourd’hui, poussant ainsi les villes à réduire sans cesse les dépenses publiques et leur champ d’intervention.
Avec la promesse de supprimer 120 000 fonctionnaires et la disparition de la principale recette des villes, le candidat Emmanuel Macron tente un énième coup de communication avec l’argent des autres et s’engage dans la voie d’une réduction mortifère de la démocratie et des services publics locaux. Les maires et les élus locaux ont fait face, ensemble, aux cinq années de rigueur imposée que nous venons de traverser. Ensemble, nous continuerons à être des maires et des élus debout pour défendre les agents municipaux et les usagers du service public de proximité.