Le vote des près de 4 millions de Français qui ont participé hier au premier tout de l’élection primaire de la droite pour désigner son candidat à l’élection présidentielle a donné lieu à plusieurs surprises. Alors que l’on attendait un second tour Juppé-Sarkozy, voire Juppé contre Fillon, ce sera finalement un match Fillon-Juppé, le premier ayant un avantage de plus de quinze points sur le second à l’issue de ce premier tour. La remontée va être compliquée pour le maire de Bordeaux. Il reste à comprendre les raisons de la remontée fulgurante de Fillon, déjouant les pronostics des sondeurs.
Il se disait avec raison que le projet de François Fillon était le plus thatchérien de tous avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, la retraite à 65 ans, puis à 67 ans éventuellement, la suppression des 35 heures pour revenir à 39 sans forcément payer davantage les travailleurs, les ménages devant subir parallèlement une hausse de la TVA de 3% afin d’offrir de nouveaux cadeaux aux entreprises en doublant ce qu’elles reçoivent aujourd‘hui du budget de l’Etat à travers le CICE.
Mais, comme tous les candidats ont joué à « plus à droite que moi tu meurs», rien de prouve que le projet ultralibéral de Fillon soit la cause principale de son succès construit pour une bonne part dans les derniers jours de cette campagne électorale. Des électeurs positionnés sur le choix d’un des six autres candidats ont basculé en faveur de François Fillon durant les derniers jours de campagne. Pourquoi ? Il a neuf ans de moins qu’Alain Juppé et cette différence d’âge a pu jouer en défaveur du doyen dans cette compétition. Les positions fondées sur la recherche permanente de clivages politiciens de Nicolas Sarkozy ont fini par jouer en sa défaveur et sont probablement venues améliorer le score de Fillon.
L’effondrement de Bruno Le Maire dans les derniers jours d’une campagne au cours de laquelle il n’a joué que sur sa différence d’âge a finalement montré que ses électeurs potentiels qui étaient plus de 10% en cours de campagne sont tombés à 2,4% via le résultat des urnes. « Le renouveau c’est Bruno » a fini par convaincre les électeurs que ce Bruno n’était qu’un rigolo, se jouant encore et toujours la carte jeune comme unique argument de campagne. Nathalie Kosciusko-Morizet, avec le numérique - dans lequel son frère a fait fortune - en guise de programme, n’a jamais décollé dans les sondages. Copé jouait la carte de la droite décomplexée. Il n’a jamais dépassé 2% d’intentions de vote pour finir à 0,4% devancé d’un point par Poisson.
Juppé mal engagé pour l'emporter
On peut penser que les positions de François Fillon qui se voulaient gaulliennes sur les grands dossiers internationaux ont pesé davantage au cours des derniers débats télévisés sur le choix des électeurs que son programme économique ultralibéral. Alors que la diplomatique française a été très atlantiste depuis l’élection de François Hollande à l’Elysée, dire, par exemple, comme l’a fait Fillon à plusieurs reprises, qu’il faut dialoguer avec la Russie pour tenter de trouver une solution à la guerre contre Daech en Syrie comme en Irak lui a fait gagner des voix au détriment de ses concurrents bien plus flous ou plus absents sur ce sujet. Comme François Fillon a pris des voix à tous ses concurrents durant les derniers jours de campagne, on voit mal comment Alain Juppé pourra remonter son handicap d’une quinzaine de points d’ici dimanche prochain. Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il voterait Fillon, de même que Laurent Wauquiez et Rachida Dati, tout en ne donnant pas de consigne de vote. On peut d’ailleurs penser que les électeurs les plus motivés pour voter Sarkozy au premier tour le seront moins pour participer au scrutin du second tour dès lors que leur champion n’y figure plus.
Notons enfin que France 2 et TF1 organisent en commun un débat de 2H30 le jeudi 24 novembre entre les deux finalistes. D’ici là, les sondeurs, bien que mal remis de leurs pronostics d’avant le premier tour, auront d’autres indications à donner.
François Fillon: permanent politique depuis 1976
François Fillon est né le 4 mars 1954 dans la Sarthe. Sa carrière professionnelle a débuté en 1976 comme attaché parlementaire du député UDR Joël Le Theule. Suite à la mort brutale de son mentor, il devient député RPR de la Sarthe en 1981, année de l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée. Plus tard, il sera successivement ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche dans le gouvernement de cohabitation de Balladur de 1993 à 1995, puis ministre des Technologies de l’Information et de la Poste dans le gouvernement Juppé de 1995 à 1997. Suite à la réélection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002, il devient ministre des Affaire sociales et du Travail de 2002 à 2004 dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Absent du gouvernement de Dominique de Villepin, François Fillon se fera élire sénateur de la Sarthe en septembre 2005, un poste qu’il abandonnera pour devenir le Premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012. Craignant de ne pas être élu député dans sa circonscription de Sablé dans la Sarthe après la victoire de François Hollande sur Nicolas Sarkozy en 2012, il se fait parachuter à Paris dans la circonscription de Jean Tibéri, ancien maire de Paris. Ce qui fait dire ce matin à Rachida Dati après avoir annoncé qu’elle votera pour lui dimanche prochain : « Oui, j’ai trouvé au moment où il s’est présenté à Paris alors qu’il était député de la Sarthe depuis de nombreuses années, j’ai trouvé ça mal élevé ».
On le voit, trouver un travail bien rémunéré n’a jamais été un souci pour François Fillon, permanent politique à vie, bénéficiant de places réservées depuis quarante ans. Dépourvu de tout souci de fin de carrière s’il devient président de la République à 63 ans, il peut allègrement proposer de « réduire le nombre de fonctionnaires, aligner le statut des fonctionnaires sur le régime général, augmenter le temps de travail dans la fonction publique ». Lui n’aura jamais connu la précarisation, pas plus que l’exercice d’un vrai métier pour gagner sa vie.
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