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29 octobre 2016 6 29 /10 /octobre /2016 11:49
«	Les managers viennent beaucoup plus de l’extérieur et sont juste là pour réduire les effectifs. Je ne perçois plus l’âme de La Poste là-dedans./» photo marta nascimento/rea Marta NASCIMENTO/REA

« Les managers viennent beaucoup plus de l’extérieur et sont juste là pour réduire les effectifs. Je ne perçois plus l’âme de La Poste là-dedans./» photo marta nascimento/rea Marta NASCIMENTO/REA

« Tous les agents, du facteur jusqu’au haut cadre, sont sur un siège éjectable »
VENDREDI, 28 OCTOBRE, 2016
L'HUMANITÉ
 

Poussé à bout par sa hiérarchie, puis déclaré inapte par l’entreprise, avant d’être mis en retraite anticipée, Laurent, 53 ans, ancien responsable territorial, estime que l’entreprise a voulu se débarrasser de lui à cause de son profil de cadre à l’ancienne.

«J’adorais mon job. » Laurent (1) pourrait être un retraité épanoui. Mais, quand il évoque ses dernières années de vie professionnelle à La Poste, sa voix déverse un filet d’amertume. Haut responsable dans une direction territoriale, le fonctionnaire est aujourd’hui sur le banc de touche. Déclaré inapte par l’entreprise, il ne se résout pas à sa mise à la retraite forcée. Tout dérape en 2009. Une de ses filles, adolescente, rencontre des difficultés. Laurent se dégage du temps pour s’occuper d’elle et l’accompagner à ses rendez-vous médicaux. Une requête visiblement insoutenable pour sa hiérarchie. « On m’a dit : “Tu choisis, c’est ton enfant ou ton job !” Après ça, on m’a emmerdé tout le temps. Mon directeur me dénigrait publiquement alors qu’il s’était retrouvé du jour au lendemain à manager des chefs d’établissement sans formation. D’un coup, je ne faisais plus le travail comme il fallait. On essayait de me recaser sur d’autres postes. » Oppressé, Laurent enchaîne les insomnies. Et broie du noir. Il dort une à deux heures par nuit. Mais refuse de se mettre en arrêt maladie. En 2012, il finit par être hospitalisé d’urgence pour « un burn-out complet ».

« Je refuse de donner des ordres et de fliquer les agents »

Avant cette rupture, sa carrière était un long fleuve tranquille. Bosseur, classé parmi les meilleurs directeurs au niveau national, il se souvient avec fierté avoir remporté toutes sortes de challenges : « Je faisais toujours plus que ce qu’on me demandait. » Selon lui, la pluie soudaine de reproches n’est pas sans liens avec la stratégie de rentabilité accrue de La Poste et ses restructurations accélérées depuis le début des années 2000. Pour répercuter les réductions de coûts et les suppressions d’emplois, la fermeté est de mise chez les dirigeants.

Jusqu’ici, ce cadre à l’ancienne avait toujours appliqué les directives à sa manière. « On n’appréciait plus ma conception de l’encadrement copain-copain. Je refuse de donner des ordres et de fliquer les agents. Je devais être plus distant, mais ce n’est pas ma nature. La chose qui intéresse la direction du groupe, c’est les gains de productivité. »

Quand il revient de maladie, en 2014, c’est la douche glacée. En guise de comité d’accueil, il se retrouve dans un bureau isolé, à effectuer deux tâches en deux mois. On lui dit qu’il ne peut plus former de managers car, en 24 mois d’absence, il aurait perdu ses compétences. Laurent replonge. Le couperet de La Poste va vite tomber. « Je suis déclaré inapte par l’entreprise alors que mon médecin dit le contraire. Je serai bientôt mis à la retraite d’office avec 57 % de mon salaire, comme je n’ai pas assez cotisé. J’ai trois enfants, dont deux étudiants, et un prêt en cours. »

Laurent ne se définit pas comme un militant. Il a lui-même diligenté des restructurations pour le compte du groupe. Mais ne se reconnaît pas dans ces méthodes expéditives. « On m’a écarté parce qu’on ne voulait pas que je mette mon nez dans les projets. Avant, quand il s’agissait de transformer un bureau en agence postale communale, on allait discuter avec le maire, avec les agents transférés dans d’autres bureaux, on faisait des simulations, des tests ; aujourd’hui, ça ne se passe plus comme ça. Il n’y a plus de concertation. Ils s’en foutent de laisser les gens au bord de la route. Les managers viennent beaucoup plus de l’extérieur et sont juste là pour réduire les effectifs. Je ne perçois plus l’âme de La Poste là-dedans. »

D’autant que, pris entre le marteau et l’enclume, Laurent est lui-même victime du jeu de chaises musicales. En son absence, le train des restructurations permanentes n’a pas épargné son secteur. « À mon retour d’arrêt maladie, il n’y avait apparemment plus de poste de libre pour mon grade. » Si certains se retrouvent le bec dans l’eau, d’autres cadres, déstabilisés par les orientations stratégiques, prennent aussi la tangente. « Un de mes collègues a préféré redevenir facteur plutôt que de rester à son poste. Un autre a tout lâché pour devenir chauffeur routier. » Face à cette descente aux enfers, les mots de la DRH de la branche courrier évoquant La Poste comme « une entreprise qui prend en compte l’humain », sur RTL, le 7 octobre dernier, résonnent comme une provocation à ses oreilles. Même s’il se consacre à ses petits-enfants et avale les kilomètres en vélo, le quinquagénaire ne digère pas cette blessure. « On m’accuse aussi injustement de harcèlement moral. J’ai bien compris que l’entreprise avait tout fait pour ne plus me voir. »

Brisé dans son attachement aux valeurs de service public, il a décidé de contester sa mise à l’écart devant la justice. Dénouant le nœud de pudeur au fond de sa gorge, il tranche : « Le traitement que m’a infligé La Poste est antisocial. Cela peut arriver à n’importe qui. Tous les agents, du facteur jusqu’au haut cadre, sont sur un siège éjectable. »

 

 

 

Appel d'élus et de syndicalistes pour la Poste, service public pour toutes et tous

Signez à votre tour la pétition de l'appel pour la défense du service public de la Poste: 

www.lapostepourtouspartout.fr

 

Lire aussi: 

La poste: une direction timbrée... et violente (L'Humanité, 27 octobre 2016): Appel pour la défense du service public de La Poste

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