Rebsamen, Macron, Cambadélis, Valls, Hollande, on comprend! Ce sont les successeurs des massacreurs de la Commune, de cette République bourgeoise des nantis, de ce pseudo centre-gauche gardien de l'ordre social...
Mais Mélenchon?
Et pourtant, il y a peut-être une petite musique qui heurte les oreilles de notre leader maximo:
"Ni Dieu, ni César, ni tribun,
Producteurs sauvons-nous nous-mêmes!"
L'Internationale, une chanson datée, démodée dans notre Ve République, véritable pépipinière d'hommes providentiels narcissiques, à ranger au musée du mouvement ouvrier et des idéaux de révolution prolétarienne?
Une minorité de la population se reconnait désormais et est objectivement ouvrier, paysan, producteur...Le XIXe Siècle, la Commune sont loin, loin des yeux, loin du cœur, loin des pensées... Le prestige de l'Internationale a été entaché par les dévoiements parfois criminels de l'internationalisme communiste au XXe siècle, l'impérialisme et l'autoritarisme soviétique, et tant d'autres échecs d'expériences communistes transformés en moyens de domination fonctionnant en grande pour lui même et pour de tous autres buts que l'émancipation du peuple ...
Ce chant de ralliement et de lutte à la haute portée symbolique serait donc devenu obsolète pour le mouvement pour la VI e République que conduit Mélenchon sous la forme nouvelle "France Insoumise", république hétérogène semble t-il mais on est pas obligé d'y croire des partisans de la transformation sociale par la victoire présidentielle de Jean-Luc Mélenchon recrutée sur internet ou dans les réseaux du Parti de Gauche et du Front de Gauche, regroupant aussi des syndicalistes, des citoyens sans passé politique militant déterminé...
Trace ringarde du communisme que ce chant qu'entonnaient les partisans avant de mourir sur les poteaux d'exécution...
Mélenchon veut dépasser le clivage droite/gauche, rassembler le peuple qui ne pense plus dans les repères historiques classiques du fait de son expérience récente (depuis 1984, des politiques socialistes au service du système capitaliste) et de sa perte de conscience historique, contre les élites et l'oligarchie.
Unir le peuple par-delà les références idéologiques complètement passées de mode et d'efficacité, voire de caractère opératoire selon lui: la référence au socialisme et au communisme, qui condamnerait les partisans de la gauche de transformation et de rupture avec le système à la marginalité.
L'Internationale est aussi un chant internationaliste dans son contenu, sa portée et sa diffusion, là où Mélenchon chercherait plutôt pour des raisons stratégiques et peut-être par tropisme personnel (le jacobinisme patriotard à la papi, nourri au lait d'une mythologie de la révolution française et du rôle messianique de la France) à flatter la corde patriotique et nationale comme ressort de la révolte contre l'Union Européenne, la domination des libéraux... afin de ne pas se couper d'un électorat populaire qu'il estime inquiet face à l'immigration, aux travailleurs détachés...
L'Internationale fait référence aux classes là où Mélenchon veut unir les individus indifférenciés souvent sans conscience de classe bien nette contre la caste politico-économique qui dirige.
Pour nous, le chant d'Eugène Pottier et Degeyter, hommage à la Commune de Paris au moment de son écrasement sanglant, reste un puissant symbole d'aspiration à l'émancipation et dans ses paroles, un appel à la lutte de classe et à une espérance de fraternité humaine universelle réalisable par un changement de société complet et le triomphe de l'égalité, qui correspond à une donnée atemporelle du combat politique révolutionnaire, et n'a rien perdu de sa valeur d'actualité, même si les mots peuvent paraître datés à qui ne vibre pas au souvenir de l'histoire.
Supprimer le symbole, n'est-ce pas se débarrasser des idées, et de la chose...
A trop vouloir imiter la stratégie de Podémos, partant d'une inspiration marxiste et d'une volonté de transformation sociale, mais voulant renouveler tous les codes politiques pour les adapter à la post-modernité, aux mentalités actuelles, et à la crise des partis et des référentiels idéologiques hérités du XIXe et du XXe siècle, en ayant une capacité de rassemblement plus large, Mélenchon et ses partisans ne risquent-ils pas de jeter le bébé avec l'eau du bain et construire un rassemblement qui aura peut-être plus de capacité à gouverner, mais qui pourrait tout aussi bien dériver dans l'opportunisme et la gestion à la petite semaine sans cap directeur de transformation socialiste de la société, donc condamné aux mêmes échecs que les politiques menées par les gouvernements sociaux-démocrates sur le terrain social?
Le fait que Mélenchon puisse dire aux médias "Ne comptez pas sur moi pour vous parler de nationalisations", qu'il légitime l'idée en gros que "certains ne payeraient pas d'impôt en France et que ce serait un bénéfice civique que tout le monde paie l'impôt" en oubliant que les pauvres paient la TVA, ne témoigne t-il pas déjà, comme ses déclarations très restrictives sur l'accueil des réfugiés et ses paroles scandaleuses sur les travailleurs détachés qui voleraient le pain des français, d'une droitisation réelle, stratégique probablement, mais liée aussi à l'absence à ses côtés pour rééquilibrer ses lubies des partenaires de la gauche communiste et radicale, du discours de Jean-Luc Mélenchon.
Pour nous, en tout cas, nous sommes affectivement, historiquement, politiquement nourris de la tradition révolutionnaire du XIXème siècle, marxiste notamment mais pas seulement, et même si nous savons que nous vivons au XXIème avec des enjeux et outils politiques et sociaux en partie différents, et savons aussi bien sûr que les plus beaux symboles peuvent recouvrir de bien médiocres réalités politiques, nous trouvons dangereux de se couper de l'histoire du mouvement ouvrier et sa belle formulation des idéaux et visées révolutionnaires sous prétexte de pragmatisme politicien.
Mélenchon est quelqu'un d'une grande intelligence politique, il sait la valeur opératoire des mythes, des symboles et de l'imaginaire comme outils de mobilisation politiques. Peut-être qu'il est dans le vrai sur le plan de la création des conditions d'un rassemblement plus large, mais franchement, pour moi, troquer l'Internationale pour la Marseillaise, seul chant politico-symbolique d'unification désormais en lice, avec ses accents nationalistes et guerriers sans aucune référence à la lutte des classes, cela me paraît une véritable régression idéologique.
Le lien avec ce passé révolutionnaire, socialiste et communiste qu'incarne l'Internationale, c'est ce qui entrave d'un certain point de vue peut-être, mais c'est aussi potentiellement ce qui retient par rapport à des dérives populistes, réformistes, ...
Enfin, sur le plan des signes politiques conjoncturels, on peut considérer que cette décision de Mélenchon et de France Insoumise est une manière d'exprimer qu'ils ne font pas une priorité ni forcément d'ailleurs quelque chose de souhaitable du rassemblement autour d'une plateforme commune des forces du Front de Gauche et de l'alliance avec les communistes. Ne pas apparaître trop rouge pour faire le maximum de voix?
Ismaël Dupont.
Voir article:
Le fondateur du Parti de gauche s'est prêté à une petite confidence devant quelques journalistes, parmi lesquels Olivier Bost de RTL : il songe à arrêter de faire chanter L'Internationale à la fin de ses rassemblements politiques. La décision semble mûrement réfléchie. Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, est à la tête d'un mouvement citoyen intitulé "La France insoumise". Cela passe beaucoup par les réseaux sociaux et la vidéo. L'objectif est bien sûr d'élargir sa base militante. Il revendique d'ailleurs quelque 130.000 adhérents.
Ce week-end à Lille, il doit, par exemple, faire adopter une ébauche de programme par une partie de ces adhérents. Mille personnes ont été invitées. Les deux-tiers ont été tirées au sort. Qui dit donc nouvelle forme de mobilisation dit nouveaux militants avec des cultures politiques différentes. Jean-Luc Mélenchon a constaté que beaucoup de ses militants ne connaissaient pas les paroles de L'Internationale. Les temps changent.