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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 05:49
Réchauffement climatique : la Commission européenne met son incompétence en exergue

Gérard LE PUIL

Vendredi, 22 Juillet, 2016

Humanite.fr

Le 20 juillet, le collège des commissaires a produit pour les Etat membres de l’Union une feuille de route uniquement fondée sur le marché spéculatif du carbone. Elle a décidé de ne pas prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des transports maritimes et aériens afin de pousser encore plus loin le libre échange dont le développement en soutien des délocalisations de productions multiplie les pollutions.

Sept mois après l’adoption d’un texte par la Cop 21 à Paris en décembre 2015, la Commission européenne a fait connaître le 20 juillet un projet de feuille de route à la fois incomplet et incongru pour réduire de 30% en moyenne les émissions de gaz à effet de serre (GES) des pays de l’Union dans les secteurs de la construction, de l’agriculture et de la forêt, des déchets, des transports. Ainsi le fret maritime et l’aviation ont été exclus de tout effort dans ce domaine, prétextant qu’il s’agit d’un sujet mondial, mais dans le but de ne pas perturber les échanges commerciaux sur de longues distances dans le cadre de la mondialisation libérale stimulée par les règles de l’OMC et les accords de libre échange que la Commission européenne ne cesse de négocier avec l’accord des Etats membres.

Dans le projet présenté par le commissaire espagnol Miguel Arias Canete, en charge du Climat et de l’Energie - mais très lié aux intérêts pétroliers dans son pays avant de prendre cette fonction - les émissions de GES des pays membres doivent diminuer de 30% d’ici 2030 en moyenne par rapport à ce qui avait été décidé en 2005 en partant des émission datant de 1990. Le taux d’effort ira de zéro pour la Bulgarie à 40% d’émissions en moins pour la Suède en passant par 38% pour l’Allemagne 37% pour la France et le Royaume Uni, lequel vient de voter pour la sortir de l’Union et n’aura que faire des objectifs fixés par la Commission européenne. De même, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays Bas, l’Autriche, la Finlande se voient fixer un objectif de réduction de leurs émissions de 35 à 39%, tandis que l’on descend à 33% pour l’Italie, 26% pour l’Espagne, 17% pour le Portugal et 16% pour la Grèce.

Les pays dont l’adhésion à l’Union européenne est la plus récente, se voient attribuer des objectifs beaucoup plus modestes en termes de réduction des GES. Pour la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Roumanie et la Pologne la fourchette de réduction sera comprise entre 2% et 9%. Mais les propositions de la Commission sont entachées d’anomalies et autres bizarreries tandis que la philosophie libérale du projet condamne ce dernier à une totale inefficacité.

Bruxelles occulte le bilan carbone des délocalisations industrielles

Ces objectifs chiffrés concernent des secteurs non couverts par le marché européen du carbone. Comme si ceux qui le sont fonctionnaient de manière efficace et irréprochable depuis leur entrée en vigueur. Parce qu’elles sont déjà soumises au marché du carbone, la production électrique et l’industrie ne sont pas concernées se voient demander une réduction de leurs émissions de 43% d’ici 2030 via le fonctionnement déficient du marché européen du carbone. Or nous savons que, dans l’industrie, beaucoup de patrons européens se sont servis du marché du carbone pour transférer des productions dans des pays à bas coûts de main d’œuvre depuis la mise en place de ce marché. Le bénéfice devait être double pour eux. Le prix de revient final des productions délocalisées dans des pays à bas salaires diminuait, ce qui augmentait parallèlement les marges des entreprises qui délocalisaient. Comme les pays pauvres n’avaient pas à fournir un bilan carbone dans le cadre du protocole de Kyoto, le bilan des délocalisations n’était plus comptabilisé dans le portefeuille de CO2 des entreprises. En revanche on pouvait vendre en Europe des tonnes de carbone non consommées pour se faire encore plus d’argent. Mais, comme il y avait plus de vendeurs que d’acheteurs, le prix du carbone a chuté. On pouvait donc, à partir de là, polluer à moindre coût en Europe grâce à ce marché fondé sur la loi de l’offre et de la demande !

Du fait de ces délocalisations, le bilan carbone final des productions transférées dans des pays lointains à bas coûts de main d’œuvre n’a cessé d’augmenter pour au moins deux raisons. La première tient au fait que l’énergie électrique utilisée dans ces pays est surtout produite dans des centrales au charbon et pas seulement en Chine. La seconde raison est imputable aux longs transports de ces productions délocalisées et réimportées dans des pays comme la France. Cette politique augmente doublement les émissions de GES. Elle va continuer et s’accentuer à travers les nouvelles propositions faites par la Commission puisque cette dernière cherche à mettre en place un marché du carbone pour l’agriculture et la forêt. On fait mine de croire que la marchandisation du carbone permettra de diminuer les émissions sans avoir besoin de recourir, pays par pays comme au niveau de l’Union à des politiques planifiées, tournées vers le long terme. Voilà qui donne une idée de la veulerie et du dogmatisme qui prévalent au collège des commissaires et dans leur armée de technocrates déconnectés du réel.

Cette incompétence du collège des commissaires résulte du fait que l’on y considère bêtement que le marché du carbone avec un prix de la tonne suffisamment dissuasif peut fonctionner comme une baguette magique qui réduira les émissions de GES. Sans voir, par exemple, que les accords de libre échange que l’Europe a négocié où qu’elle continue de discuter avec des pays comme le Maroc, le Canada, les Etats Unis et quelques autres sont des vecteurs du réchauffement climatique pour au moins deux raisons. La première tient à l’allongement des distances de transport entre le lieu de production des marchandises et leur lieu d’utilisation ou de consommation quand elles sont alimentaires. Là, pour le coup, le fait de ne pas prendre en compte le bilan carbone du fret maritime et aérien révèle une malhonnêteté du collège des commissaires que les gouvernements et les parlementaires des pays membres se doivent de dénoncer.

La seconde raison tient au fait que ces importations - surtout de nourriture dans les secteurs où l’Europe est autosuffisante et souvent exportatrice - favorisent des gaspillages énormes faute de rationalité économique en phase avec la lutte contre le réchauffement. Car la concurrence de tous contre tous sur fond de dumping social et environnemental ne permet pas de mettre en place des politiques agricoles à faible bilan carbone. A cela s’ajoute une fuite en avant au sein même de l’Union européenne dans une agriculture industrielle et énergivore alors qu’il conviendrait de favoriser l’agro-écologie. Hélas ce raisonnement de bon sens n’est pas compréhensible pour un Commissaire technocrate comme Pierre Moscovici, pas plus qu’il ne l’était pour Pascal Lamy avant lui pour ne prendre que deux exemples chez des Français envoyé à Bruxelles par la France. Alors que chaque année devient plus chaude que la précédente dans l’Union européenne, il est urgent que les gouvernements des pays membres et le Parlement européen discutent et avancent quelques dispositions porteuses d’une vision à long terme pour les transports, l’agriculture et la forêt et qu’on les mette en place rapidement.

Pour un usage intelligent de la taxe carbone

Dans le domaine des transports, il faudrait qu’une taxe carbone sur les carburants évite de provoquer des distorsions de concurrence entre pays membres et que son produit soit utilisé partout pour promouvoir les transports en commun et à d’autres actions susceptibles de réduire l’usage de la voiture. Dans le bâtiment, il faudrait des constructions à énergie positive, un plus gros usage du bois afin de réduire les volumes de béton énergivores. Il faudrait aussi octroyer aux bailleurs sociaux comme aux propriétaires occupants à revenus modestes des aides tirées de la taxe carbone pour rénover l’habitat afin de réduire la consommation d’énergie fossile qui est souvent du gaz ou du fioul. Il faudrait enfin rapprocher le lieu de travail et le domicile des salariés, ce qui ne se fera pas en transformant les grandes régions européennes et leurs villes principales en pôle de compétitivité concurrents les uns des autres.

Pour l’agriculture , il est urgent de rechercher une autonomie optimale qui concilie la réduction des labours en favorisant le travail simplifié du sol, le moindre usage des engrais grâce à la culture des légumineuses pour lesquelles l’Europe est déficitaire alors qu’elle a la possibilité d’être autonome en améliorant le bilan carbone de sa production alimentaire .Quitte à produire moins de blé et de viandes difficiles à vendre sur les marchés des pays tiers. Cette nouvelle politique agricole passe par la production de plus de protéines végétales pour la nourriture du bétail comme des humains alors que nous important des millions de tonnes de tourteaux de soja pour nos élevages et des milliers de tonnes de lentilles, de haricots secs et de pois chiches pour nos repas, bien que ces denrées peuvent être produites chez nous. Surtout que ce sont des légumineuses, des plantes écologiques qui puisent dans l’air les nutriments azotés que l’on apporte aux autres plantes sous forme d’engrais.

L’Europe doit aussi aider ses paysans à faire des plantations de haies et des systèmes d’agroforesterie qui combineront dans les prochaines décennies la production d’herbe et de céréales avec la production de bois d’œuvre et des fruits sur une même parcelle. C’est d’autant plus urgent que les forêts, du fait de leur forte densité de leur plantation, risquent au cours des prochaines décennies de souffrir beaucoup de la sécheresse et d’être ravagées par les incendies en raison du taux de mortalité qui ne cesse de progresser ces dernières années dans les massifs forestiers par manque d’eau. Mais il est vrai que l’on est loin de ces choses là dans le collège des commissaires européens. Surtout quand on est d’abord intéressé par les week-ends prolongés à Paris ou ailleurs, ainsi que récemment révélé la presse française à propos de Pierre Moscovici.

Cinq nouvelles catastrophiques en trois heures

Durant les trois heures passées à écrire cet article, quatre dépêches de l’Agence France Presse et une cinquième de Reuters sont venues confirmer l’urgence climatique, chacune à sa manière. La première indiquait que 60 baleines venaient d’être découvertes mortes et échouées sur les côtes du sud du Chili tandis que des chercheurs imputaient cette moralité élevée à la prolifération d’algues toxiques due au phénomène climatique El Nino, qui réchauffe la mer.

La seconde information provenait de Côte d’Ivoire où, dans le sud-est du pays, 20000 hectares de plantations de cacao ont été dévastés en quelques jours par des chenilles qui mangent les feuilles, les fleurs et même les jeunes pousses. La sécheresse est le principal facteur explicatif de cette prolifération des chenilles. Selon un responsable du ministère ivoirien de l’Agriculture, « la pluviométrie a beaucoup baissé dans la région depuis deux ans. De janvier à juin 2016, il y a eu seulement 13 jours de pluie contre 28 durant la même période en 2015 ».

La troisième information concernait l’agriculture en Ile-de-France où 30 000 hectares de terres agricoles ont été inondés il y a seulement huit semaines. Un agriculteur de l’Essonne racontait que ses pois protéagineux sont d’une couleur qui oscille entre le marron et le verdâtre au lieu d’être clairs, que ses blés ont des grains rachitiques, atrophiés par la fusariose, un champignon friand d’humidité. « Ils ne contiennent aucune farine, il n’y a que l’enveloppe du grain. C’est quasiment impossible à utiliser pour la filière meunière », précisait-il.

La quatrième dépêche nous apprenait les récentes pluies qui se sont abattues ces dernières semaines sur des terres agricoles proche de Pékin ont fait au moins 24 morts et 70 disparus, détruisant au passage quelques 7 000 logements ainsi que de nombreuses cultures

La cinquième dépêche, de Reuters, cette fois, nous indiquait que « la Terre devrait connaître en 2016, son année la plus chaude jamais enregistrée et le taux de dioxyde de carbone le plus élevé dans l’histoire, contribuant au réchauffement climatique » selon l’Organisation météorologique mondiale. Elle confirmait que « le mois de juin a été enregistré comme le 14ème mois consécutif avec des records de chaleur sur terre et sur mer » et que « la température moyenne des six premiers mois de 1016 était supérieure de 1,3°C à celle de l’ère préindustrielle à la fin du 19ème siècle. Dans ce panel de nouvelles tombées en moins d’une demi -journée chacune des quatre premières est une conséquence catastrophique du réchauffement climatique. La cinquième nous montre que les choses vont empirer de manière accélérée dans les prochaines années.

Surtout si on décide en haut lieu de croire qu’on peut les éviter en se contentant de mettre en place un marché du carbone à vocation spéculative.

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