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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 10:10

«Mêlez-vous de vos fesses!»: comment le maire FN de Fréjus parle à l'opposition

23 JUIN 2016 | PAR MARINE TURCHI

À Fréjus, le sénateur-maire FN David Rachline multiplie les attaques contre la presse et l'opposition. Mercredi soir, les tensions ont redoublé au conseil municipal : journalistes taxés de « militants politiques » et éjectés de leurs places, élus insultés sous les huées d'un public acquis au maire et chantant La Marseillaise debout. L'opposition a quitté la salle.

Dans nombre de villes, il arrive que les conseils municipaux soient animés, voire très animés, parfois à la limite du cirque politique. À Fréjus (Var), commune du sénateur-maire FN David Rachline, l’opposition ne rit plus. « C’est soviétique, résume Philippe Mougin, dirigeant de l’opposition LR (ex-UMP). On assiste à une dérive autocratique. » « J’ai assisté à quelque chose hier soir, je ne sais pas si on peut appeler ça un conseil municipal. C’est Ubu Roi », raconte une autre élue municipale. « On ne peut plus exercer notre rôle d’opposition », se désole Françoise Cauwel, cheffe de file du groupe divers droite, laquelle dit être rentrée « abattue ».

Mercredi soir, dès 17 h 30, les partisans du maire sont arrivés en nombre pour remplir les rangs destinés au public. « Il avait prévu le coup, d’habitude il ouvre les portes à 18 h 30, là son fan-club est arrivé une heure avant, il ne restait plus de places pour les opposants, relégués au fond, où l’on entend rien », relate une élue de droite. « Il avait invité une centaine de personnes, pas les militants habituels, des gens bizarres qu’on n’avait jamais vus, explique Françoise Cauwel. Ils avaient ordre de huer à chaque intervention de l’opposition. »

D’entrée, le maire, dont les relations avec les journalistes sont déjà houleuses (lire notre enquête), a annoncé qu’il interdisait à la presse sa place habituelle. « Il a dit “vous êtes des opposants politiques, je n’ai pas à vous autoriser l’accès à la salle ; si vous voulez rester, allez dans le public” », rapporte Françoise Cauwel. « Il s'en est pris à la “presse partisane”, aux “journalistes aux ordres”, aux “gauchistes”, à la “sous-préfecture”. Les tables de presse ont été supprimées, les journalistes relégués au fond du public, où l’on n'entendait rien », explique Philippe Mougin.

La journaliste de Var-Matin est restée au fond de la salle, tandis que Dominique Brun, le journaliste de Mosaïque FM, une radio locale, a quitté la séance, refusant de travailler « dans de telles conditions ». Sur Facebook, il a livré son récit et dénoncé une « restriction des libertés qui s'imposent à tous dans une démocratie et qui font la richesse d'une démocratie locale ». « Dorénavant, a annoncé [le maire], la communication de la ville s'effectuera uniquement au travers du journal municipal avec des journalistes rémunérés par la ville et nos impôts […] et sur les réseaux sociaux avec des militants chargés de diffuser la propagande municipale officielle, écrit Dominique Brun. De la bonne information entre soi, sans aucune contradiction.

Plusieurs élus de l’opposition sont intervenus pour dénoncer cette décision et défendre la « liberté de la presse ». Philippe Mougin a cité la devise du Figaro : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». « Vous privez la presse, à quel titre ? a interrogé Françoise Cauwel. On a besoin de la presse pour relayer aussi nos interventions, notre travail. » Le maire s’emporte : « Vous êtes prête à tout pour vous faire remarquer, y compris à vous mettre une plume dans le cul ! » Agitation dans la salle, le public applaudit, l’opposition s’indigne.

Au fur et à mesure de la séance, la tension monte. Lors du vote du compte administratif, le maire sort de la salle, comme le règlement l’y oblige. « Je ne sais pas ce qu’il a fait, il est revenu, il était bien bien bien en forme… Il essayait des lunettes de soleil, il marchait. On s’est dit “il fait quoi ?” », rapporte une élue. « Quand il est re-rentré, il était dans un état très bizarre, surexcité, raconte également Françoise Cauwel. Il rigolait sans cesse et faisait des petits signes à tout le monde. Il nous a dit qu’on était “que de la « lose »”, j’étais étonnée de la familiarité ; d’habitude, il nous taxe de “système UMPS”. Là, il s’est mis à s’énerver énormément, ce qui a provoqué une tension supplémentaire. Tout le monde hurlait dans le public, j’ai pris la parole pour lui dire que Fréjus était aussi apaisé que "la France apaisée" de Marine Le Pen (le nouveau slogan du FN – ndlr), et je lui ai demandé de se calmer. Là, il s’est énervé encore plus. »

« Mais ferme-la, ta gueule! »

Quand vient la question 8, qui concerne les animations estivales, Françoise Cauwel interroge le maire sur le dispositif de sécurité prévu pour le concert de Johnny Hallyday, le 2 juillet, et fait part de ses réserves: « Des bénévoles ne suffiront pas. » Réponse du maire : « Mêlez-vous de vos fesses ! » Explosion de rires et applaudissements dans la salle. « Le maire nous a fait huer, affirme l’élue. Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas se comporter comme cela, qu’il était sénateur et maire d’une commune de 50 000 habitants. On a demandé le respect de notre parole. »

David Rachline coupe les micros des opposants qui s’exprimaient. « Il s’est senti soutenu, alors il est monté en puissance, raconte Philippe Mougin. La police de l’assemblée n’a pas été respectée, alors que, lors du précédent conseil municipal, il lui avait demandé d’intervenir contre les opposants. C'est un “deux poids, deux mesures”. Là, il encourageait le chahut de la salle. »

Dans le brouhaha, la salle entonne La Marseillaise, debout. « Le maire était mort de rire quand les gens chantaient, la main sur le cœur. Il était un peu le chef d’orchestre », relate une élue de droite. L’opposition décide de quitter la salle, à l’exception d’une élue, restée pour observer la suite des votes. « On avait pourtant posé des questions totalement justifiées », affirme une conseillère municipale.

Sollicité par Mediapart, le maire n'a pas donné suite. Mais il a opposé, sur les réseaux sociaux, un tout autre récit de la séance. Sur Facebook et Twitter, il s’affiche souriant, entouré d’une foule de militants, pouces en l’air. Et il dénonce l’opposition qui « a violemment pris à parti le Front national » et « quitt[é] la salle quand le public entonne notre hymne national ! Une honte ! »« Le public leur répond par une Marseillaise. Merci à eux ! » écrit-il.

Jeudi après-midi, il a dénoncé, dans un communiqué, le « sabotage » de sa ville et « une manœuvre de déstabilisation » de l'opposition, par des « interventions orchestrées », des « propos polémiques », des « commentaires politiciens partisans ». Le maire place sur le même plan la presse locale, qui s'inscrit selon lui « dans un système de polémique systématique de désinformation et de dénaturation des faits contraire à l’intérêt de notre ville ». « J’assume pleinement de ne plus être associé, sous quelque forme que ce soit, à cette ligne éditoriale contraire à tout principe de pluralité et d’objectivité élémentaire de l’information », dit-il.

« Var-Matin a pu suivre dans le public, il n'a donc pas été interdit de conseil. Stop à la manipulation des médias militants ! explique à Mediapart Christopher Pecoul, sur Twitter. Être dans le public n'est pas assez bien pour la presse ? Elle vaut mieux que les Fréjusiens ? La presse militante n'est un secret pour personne, c'est d'ailleurs pour ça que Var-Matin est au bord du dépôt de bilan… »

De son côté, Françoise Cauwel a écrit mercredi soir à la ministre des droits des femmes, Laurence Rossignol (lire son courrier ici), se disant « profondément choquée » par le comportement du maire. Une plainte pour injures à caractère sexiste est à l’étude chez son avocat. Lors d'un précédent conseil municipal, l'élue avait déjà reçu un « Mais ferme-la, ta gueule! », répété quatre fois par une conseillère frontiste. « Moi, j'aurais été moins poli », lui avait répondu le maire, à qui elle demandait d'intervenir.

« David Rachline dit “maintenant je ne demande plus, j’exige”, “je suis le maire, je fais ce que je veux”, il nous nargue systématiquement en disant “vous avez voté contre, la question est adoptée”, étant donné qu’il a la majorité », se désole une élue de droite. « On est face à un maire qui ne supporte plus aucune contestation, qui est en conflit avec la presse écrite et audiovisuelle, qui blinde la salle de ses militants, et fait ensuite sortir les journalistes, qui insulte une conseillère municipale, dénonce Philippe Mougin. Il s’enferme dans une dérive avec un service communication qui fait sa propagande dans le journal municipal, avec des anciens de Var-Matin. Ça va aller de mal en pis… »

« En difficulté dans sa gestion municipale, le FN a montre un triste visage hier. Fréjus est abîmée », a réagi dans un communiqué la socialiste fréjusienne Elsa Di Méo, secrétaire nationale du PS, en dénonçant les « insultes envers une élue » et les « attaques contre la presse » qui « se sont muées en mise au banc de celle-ci ». « Cela est inacceptable. On ne joue pas avec la liberté de la presse si l'on est démocrate. »

Depuis quelques semaines, David Rachline est sous pression sur plusieurs dossiers locaux qui rencontrent l’opposition de riverains ou de collectifs. Il a aussi été gêné par les questions des médias sur le projet de Surf Academy, – dont Mediapart avait révélé le sulfureux concepteur –, retoqué par la préfecture, et dont il a présenté une nouvelle version mercredi soir. Depuis, le maire évite les questions sur le sujet et a annoncé sa décision de communiquer directement par son journal municipal, devenu mensuel.

ça s'passe comme ça dans une mairie FN... Petit tour à Fréjus de Médiapart
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