L’HUMANITE
vendredi 4 mars 2016
Malgré une conjoncture qui lui est favorable et des dispositions fiscales plus que bienveillantes, l'industrie française ne crée pas de postes, mais caracole en tête du CAC 40.
. Que leur faut-il de plus ? C'est la question candide que l'on pourrait poser à l'annonce du solde négatif entre les ouvertures et fermetures de sites industriels en France pour l'année 2015, si l'on ne savait déjà pas que la recherche de profit maximal se faisait au détriment de l'emploi. Pourtant, même le cabinet Trendeo qui a livré ce chiffre dans la conclusion de son recensement 2015 souligne que l'industrie française a bénéficié d'un environnement exceptionnel mais dont, d'après lui, « elle n'arriverait pas à tirer profit ».
L'érosion des sites industriels n'est pas une nouveauté, puisque, au-delà des fermetures des filatures et de la sidérurgie depuis plusieurs années, le tissu industriel s'est vu amputé de 54 usines en 2014 et de 140, l'année précédente. Une situation qu'ont du mal à expliquer les tenants du libéralisme puisque le quotidien économique les Échos parle même d'un « alignement des planètes tout à fait exceptionnel », l'année dernière, avec « la faiblesse de l'euro et des taux d'intérêt », « la baisse des prix du pétrole » et « la bonne santé de l'Allemagne ».
Les grands groupes n'investissent plus dans l'Hexagone
L'autre constat du recensement Trendeo est la diminution de la taille des usines avec un nombre médian de salariés qui descend à 20, quand les entreprises qui ont fermé en employaient un chiffre stable de 35. Au total, même si l'industrie annonce créer des postes, les suppressions ne permettent pas de rendre le solde positif. Est-ce à dire qu'elle y est contrainte par une situation financière délicate ? Loin de là puisque, au contraire, la part du capital des grands groupes industriels a augmenté depuis la crise de 2008 et est maintenant placée sur les marchés financiers. Les groupes du CAC 40, dont beaucoup réalisent leurs bénéfices sur le travail industriel (ArcelorMittal, Schneider Electric, Valeo, etc.), ont vu leurs liquidités exploser de 60 % entre 2007 et 2013, dont une part importante est en fait placée dans des instruments financiers de court terme.
De fait, les grands groupes n'investissent plus dans l'Hexagone et ces choix capitalistes ont de sérieuses conséquences sur l'activité industrielle en région. Le Centre-Val de Loire subit les plus lourdes pertes puisque, depuis 2009, ce sont 79 usines qui ont fermé pour cette seule région. Depuis cette même année, ce sont 168 458 emplois dans l'industrie manufacturière qui ont disparu en France. Pour autant, le rapport de Trendeo précise que « même si l'industrie manufacturière est un secteur qui, depuis 2009, perd de nombreux emplois et pour lequel les créations d'emplois ont baissé de 5 % en 2015 (1 294 en moins), cela reste le premier secteur pour les créations d'emplois en 2015, comme en 2014 ». Serait-ce un signe que la productivité par salarié augmente à ce point que les entreprises peuvent se séparer d'eux et maintenir leurs marges ? Le rapport ne le dit pas. Toujours est-il que, au-delà d'une conjoncture favorable évoquée plus haut, les entreprises industrielles bénéficient aussi des largesses du pacte de responsabilité et du CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) et que, fort de cette avalanche de liquidités, les excuses pour ne pas investir ou embaucher devront être savamment distillées. Déjà, les éléments de langage patronaux ressortent le fameux « manque de confiance en l'avenir » qui « empêcherait » les industriels d'investir en France.
LES INDUSTRIELS FRANÇAIS AU TOP DE LA CASSE DE L'EMPLOI
Dans son rapport 2015 sur l'emploi et l'investissement, Trendeo réalise aussi un palmarès des créations net d'emplois par groupe mais aussi des suppressions. Parmi les premiers groupes destructeurs d'emplois se trouvent Air France, avec 3 864 postes en moins en 2015, Areva (3 182) et PSA (3 070).