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Dans un rapport accablant, la commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie accuse le régime et certains groupes rebelles, comme le Front al-Nosra, d'avoir procédé à des exécutions massives visant des détenus au cours des quatre dernières années.
Dans leur rapport, qui analyse les conditions de détention en Syrie depuis le début du conflit en 2011, les enquêteurs de l’ONU relatent des cas de détenus battus à mort ou décédés des suites de leurs blessures ou d’actes de tortures. D’après eux, la politique d’extermination de prisonniers conduite et voulue par le régime syrien peut même être qualifiée de « crime contre l’humanité ».
« Les exécutions et les décès décrits dans ce rapport ont eu lieu à une fréquence élevée, sur une longue période. Ils ont eu lieu dans de multiples endroits et avec un soutien logistique qui implique des ressources étatiques considérables », précise Paulo Sérgio Pinheiro, président de la Commission d'enquête des Nations unies pour la Syrie. Officiers de haut rang, membres du gouvernement, tous ont été conscients que des décès avaient lieu à une échelle massive, affirme encore Paulo Sérgio Pinheiro. « Personne ne peut le démentir. Les conditions de vie en prison ont été maintenues avec l'intention calculée de provoquer des décès de masse parmi les détenus », poursuit-il.
Les quatre membres de la commission d’enquête de l’ONU n’ont jamais été autorisés par Damas à se rendre en Syrie. Leur travail repose sur les milliers de témoignages de victimes, de documents et de photos satellites. Ils ont interviewé 621 personnes, dont 200 ont été témoins de la mort d’un ou de plusieurs de leurs compagnons de cellule.
Le rapport de la Commission d'enquête de l'ONU accuse également plusieurs groupes affiliés à la rébellion, dont le Front al-Nosra, d'avoir commis des exécutions de masse de soldats syriens et d'avoir soumis les civils à des procès illicites.
Les exactions du régime plusieurs fois documentées
Ces crimes du régime ont été documentés par plusieurs travaux journalistiques. C’est le cas du documentaire Disparus, la guerre invisible de Syrie. Réalisé par Sophie Nivelle-Cardinale et Etienne Huver, il montre comment des dizaines de milliers de Syriens sont enlevés, torturés puis tués par le régime.
C’est le cas aussi du livre Opération César, une plongée au cœur du régime syrien, du nom de code pris par un photographe de la police militaire syrienne qui a réussi à exfiltrer 45 000 photos et documents de détenus torturés dans les geôles de Bachar el-Assad. Son auteur, Garance Le Caisne, s’est entretenu avec ce photographe pendant des dizaines d’heures. Sur RFI, elle explique de quoi meurent les détenus :
« Les détenus meurent de torture, mais ils meurent aussi de faim. César a photographié des cadavres qui pesaient 30 ou 40 kilos, alors que c’étaient des hommes qui devaient peser au moins le double avant leur arrestation. Les détenus meurent également de maladie, parce qu’ils ne reçoivent pas de médicaments.
Ils sont détenus dans des conditions d’hygiène déplorables. Ils sont entassés. Ils dorment par terre quand ils peuvent s’allonger, sinon ils dorment à tour de rôle. Il vaut mieux être près de la porte où il y a un petit filet d’air que d’être au fond de la cellule, parce que si vous êtes affaibli, vous mourez d’étouffement. Comme le régime a arrêté énormément de personnes, il n’y a plus de place dans ces cellules. »
Les enquêteurs de l'ONU demandent au Conseil de sécurité d’imposer des sanctions ciblées aux responsables civils et militaires directement impliqués ou complices de la mort, de la torture et de la disparition de détenus. La liste des noms des tortionnaires se trouve dans un coffre aux Nations unies à Genève. Mais cette demande risque de se heurter à un veto de la Russie, alliée de Bachar el-Assad. Le nombre de personnes détenues dans les prisons gouvernementales syriennes est estimé à plusieurs dizaines de milliers.
Le documentaire de Sophie Nivelle Cardinale sur les tortures atroces commises par le régime de Bachar-el-Assad sur les kidnappés et prisonniers des forces de sécurité! Des méthodes d'une cruauté inouïe dignes des criminels nazis... 200 000 syriens pourraient être détenus par le régime!
Voir aussi sur le site internet de La Tribune de Genève:
Le brésilien Sergio Pinheiro et la Tessinoise Carla Del Ponte ne parviennent plus à étouffer leur colère et leur frustration. Propulsés à la tête de la Commission d’enquête indépendante de l’ONU sur la Syrie créée en 2011, ils en sont réduits à tenir la comptabilité des crimes commis par les parties au conflit sans que les choses ne bougent. Leur dernier rapport est pourtant plus alarmiste que les précédents. Les accusations de crime contre l’humanité et de crime de guerre portés contre le gouvernement syrien sont confortées par de nouveaux témoignages et de nouveaux documents. Les troupes de Bachar el-Assad, ont emprisonné, torturé et exécuté des prisonniers. Des actions qui ont pu, dans certains cas, s’apparenter à des crimes de masse. Carla Del Ponte va jusqu’à parler «d’extermination». Les groupes armés qui combattent le régime se sont également livrés à des exactions qui relèvent du crime de guerre. Parmi les soldats capturés, certains ont été maltraités avant d’être exécutés. Des cas d’otages assassinés sont également rapportés.
Groupes armés incriminés
Le groupe Jabhat Al-Nusra, les factions se réclamant de l’Etat islamique sont cités dans le dernier rapport de la Commission d’enquête indépendante de l’ONU. Une version plus détaillée que celle communiquée lundi aux médias devrait être remise lors de l’ouverture de la séance plénière du Conseil des droits de l’homme le 22 février prochain. Le nom d’autres groupes combattants, dont celui de Jaich al-Islam devrait y figurer. La présence de ce groupe aux pourparlers de Genève et de son représentant Mohamed Allouche, avait contribué à tendre les discussions avec les représentants syriens et russes farouchement opposés à sa venue.
«L’impunité est totale!»
Jamais Sergio Pinheiro et Carla Del Ponte n’ont livré à ce point leurs états d’âme. «Pour la Yougoslavie et le Rwanda, la Conseil de sécurité avait mis à peine six mois pour réagir et activer la justice pénale internationale. Là, il n’y a pas de volonté politique. L’impunité est totale!» explose l’ex-procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
Le brésilien est également sorti de sa réserve habituelle en ponctuant la présentation de ce nouveau rapport par «assez, c’est assez!» en rappelant combien les victimes du conflit attendaient de la communauté internationale qu’elle poursuive et punisse les criminels. A cause de cela «nous sommes énormément frustrés», a lâché Sergio Pinheiro après avoir rappelé que l’amnistie n’était pas une option envisageable pour les membres de la Commission.
Prisonniers d’un mandat très étroit qui restreint leur rôle, empêchés de se rendre sur le terrain, Sergio Pinheiro et Carla Del Ponte n’ont d’autre alternative que de ronger leur frein et d’en appeler à la responsabilité du Conseil de sécurité, seul organe habilité à enclencher la justice internationale.
Toujours plus de victimes
En attendant, la Commission aide au coup par coup les Etats qui ont ouvert des procédures pénales contre leurs ressortissants partis combattre en Syrie, en mettant ses informations à leur disposition. La liste des personnes impliquées dans des crimes de guerre et recensées par la Commission indépendante sur la Syrie ne cesse de s’allonger. «Malheureusement, au fil des mois, l’échelles de crimes, leur intensité et le nombre des victimes est en constante augmentation», déplore Sergio Pinheiro qui exhorte les acteurs du conflit à entrer dans le processus politique initié par l’ONU.
(TDG)
(Créé: 08.02.2016, 18h31)
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