Des notes de frais suspectes
12 février 2016 - Hervé Chambonnière
Au cœur de la plainte, des frais de bouche et d'essence de la mairie jugés suspects par un habitant de Plougastel. Dominique Cap (ci-contre) dénonce de son côté une « vengeance politique » et menace de porter plainte à son tour.
« Détournements de fonds publics ».
C'est l'accusation que lance à Dominique Cap, maire de Plougastel-Daoulas et président des maires du Finistère, un contribuable qui a épluché les comptes de sa commune. Après plusieurs classements sans suite, une nouvelle plainte a été déposée.
Cinq années de frais de bouche de la mairie de Plougastel-Daoulas, entre 2008 et 2013, passées au peigne fin. Et, au final, 79 factures jugées « suspectes », pour un montant total qui pourrait avoisiner les 6.000 €.
C'est ce qu'assure Bernard Mahéo, contribuable de cette commune de 14.000 habitants de l'agglomération brestoise, et membre de l'association Anticor qui milite pour l'éthique en politique. Ce « retraité actif », comme il se définit, a déposé une plainte contre X, avec constitution de partie civile pour « détournement de fonds publics », le 29 janvier dernier.
Mister Freeze et Saint-Valentin
« Les dates de ces repas, des jours fériés, le week-end ou tard en soirée, ou encore la nature des plats, ont de quoi intriguer », relève l'avocat du plaignant, Me David Rajjou. Parmi eux, un repas avec un autre maire un soir de Saint-Valentin, des glaces pour enfants Mister Freeze lors d'un déjeuner dominical avec des élus d'une autre commune, ou encore des tarifs trahissant, selon lui, des menus enfants.
Le plaignant suspecte également des frais d'essence indus. « La voiture du maire a un réservoir de 60 litres de gazole. Plusieurs notes indiquent des pleins supérieurs à cette capacité, ou pour de l'essence ! ».
« Des erreurs »
Pointé du doigt, le maire divers-droite Dominique Cap réplique : « Pour les pleins, il s'agit d'erreurs commises par mes services techniques. Pour le reste, j'ai pu moi-même me tromper. Je rédige mes notes de frais très tardivement et parfois je ne sais plus avec qui j'ai déjeuné ou dîné ».
Le maire fait également valoir qu'une enquête de la police a déjà conclu « qu'il n'y avait rien » et que le parquet de Brest a classé deux plaintes sans suite. Le parquet a effectivement rejeté un signalement et une plainte, après avoir déclenché une enquête de police judiciaire qui « a démontré que les faits n'étaient pas établis ».
Dans une analyse juridique différente de celle portée par Me Rajjou, le parquet ajoutait que les faits, « à les supposer avérés », seraient dans leur quasi-totalité prescrits (trois ans). « J'ai eu le plus grand mal à obtenir les documents publics pour les années 2008 à 2013, plaide Bernard Mahéo. Et nous allons enfin bientôt recevoir les notes de frais de l'année 2014 ».
Au moins huit maires contestent
Le maire de Plougastel dénonce de son côté une « vengeance politique », et menace de porter plainte à son tour : « J'ai écarté M. Mahéo de la gestion d'un port de la commune, il y a quelques années et, depuis, il ne cesse de vouloir m'abattre. Quant à son avocat, il était sur une liste d'opposition aux dernières élections municipales de Plougastel-Daoulas ».
« Ce stratagème de défense est grossier, rétorque l'avocat. Je n'étais pas en position éligible sur cette liste sans étiquette, et je ne mélange pas les genres. Je ne m'intéresse qu'aux faits. Il n'y a pas eu de vraie enquête. C'est mon client qui a dû mener ses propres investigations. Et plusieurs maires lui ont indiqué qu'ils n'avaient pas rencontré Dominique Cap. Ces nouveaux éléments ont été portés à la connaissance du parquet dans la nouvelle plainte que nous avons déposée le 29 janvier ».
Le Télégramme a pu consulter trois réponses écrites d'élus de communes finistériennes et d'un autre département breton, adressées au plaignant, certifiant qu'ils n'avaient pas partagé les repas mentionnés par Dominique Cap. Nous avons également sollicité cinq autres élus mentionnés dans les notes de frais contestées. Tous réfutent leur présence aux repas en question. Plusieurs, que la police judiciaire n'a manifestement pas interrogés, ont depuis officiellement signalé les faits aux services locaux de police et de gendarmerie.
La plainte avec constitution de partie civile pourrait déboucher sur l'ouverture d'une information judiciaire. Entre les mains du doyen des juges d'instruction de Brest, cette décision ne devrait pas, selon nos informations, intervenir avant quinze jours.
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