"L'homme est un loup pour l'homme", la maxime que Thomas Hobbes a emprunté aux latins n'est plus à prouver.
Avec Daech, un monstre international (30 000 combattants étrangers, encadrés par beaucoup d'anciens officiers irakiens), mi-armée de croisés fanatiques ayant une vision de la religion complètement stupide et caricaturale, mi-entreprise criminelle et mafieuse (soutenue par des dons privés des Emirats et de l'Arabie Saoudite, Daech se finance aussi par le trafic d'hydrocarbures et le racket), né de la brutalité d'années de dictatures et de guerres en Syrie et en Irak, mais aussi de l'exportation d'une vision de la religion musulmane ultra-sectaire et réactionnaire, on atteint des sommets de complaisance dans la violence, le vice, le sadisme et la cruauté, tout ça sous couvert de religion et avec la bonne conscience de ceux qui prétendent gagner le paradis par le djihad en terrorisant la population syrienne et irakienne, en décapitant des hommes et en réduisant en esclavage ou exterminant les infidèles.
Dont ces Yézidis, victimes aujourd'hui d'une entreprise génocidaire qui rappelle à certains égards celle de l'Etat turc contre les Arméniens il y a cent ans pendant la première guerre mondiale.
La religion yézidie trouverait ses origines dans l'Iran de l'Antiquité où existait le culte de Mithra et le zoroastisme. Remontant à plus de 4000 ans, le yézidisme est une des plus anciennes religions au monde. Les yézidis croient en un dieu unique, Xwede, qui est servi par sept anges, dont le vénéré est Malek Taous, "l'ange paon", considéré à tort par les musulmans comme le Satan de la Bible et du Coran. Dans cette religion qui accorde une grande place à la nature, le soleil est considéré comme un symbole de lumière divine. Les yézidis prient face à l'astre solaire. Présentés parfois comme les "kurdes originels", les yézidis ont souvent été persécutés lors des guerres d'expansion musulmanes. La communauté d'Irak est principalement implantée dans la région du Sindjar, à cheval entre le nord-est de la Syrie et l'Irak, dont la montagne est considérée comme sacrée et protectrice. La communauté compte six cent mille fidèles en Irak. Elle est divisée en castes: les pirs détiennent le savoir religieux, les cheiks gèrent les sanctuaires, les mourids forment le reste de la population.
Le 3 août 2014, trois mois après leur victoire éclair sur la ville de Mossoul, les djihadistes de Daech ont attaqué la région du Sindjar, peuplée d'environ 400 000 yézidis et d'une minorité d'Arabes Sunnites. Appartenant à la province de Ninive, placée sous le contrôle direct de Badgad, le Sindjar est un territoire revendiqué par la région du Kurdistan autonome. Confrontés aux hommes de Daech, les forces kurdes irakiennes ont pris la fuite. 5000 yézidis ont été capturés ou tués, tandis que des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, se sont réfugiés dans le mont Sindjar. Assiégés sous un soleil de plomb, ils ont résisté 5 jours sans eau ni nourriture, jusqu'à ce que des milices kurdes de Syrie ouvrent courageusement un passage sécurisé dans la montagne. En novembre 2015, les combattants kurdes, appuyés par les bombardements de la coalition, sont parvenus à reprendre la région du Sindjar.
La Revue XXI a consacré ce trimestre un article nécessaire mais horrifiant par son contenu à ces "passeurs de vie" qui, à partir de l'Irak, travaillent pour des familles yézidis dont les femmes, les filles, ont été réduites au rang d'esclaves, et souvent d'esclaves sexuelles par les hommes de Daech, et les jeunes enfants servent, après un lavage de cerveau, de chair à canon voire de bourreaux pour les terroristes. Ces passeurs, contre de l'argent souvent, grâce à des réseaux d'informateurs et de résistants à la terreur islamiste à Raqqa, réussissent à récupérer les filles yézidies, qui sont souvent passées par plusieurs propriétaires (elles sont vendues sur la messagerie WhatsApp, de gré à gré entre les hommes de Daesh, syriens, irakiens, ou étrangers: algériens, tunisiens, allemands, français, libanais, tchétchènes ...) se comportant quasiment constamment de manière sadique et inhumaine avec elles. Même des filles de 9 ans sont bourrées d'hormones pour devenir pubères plus tôt et vendues ensuite à des vieux dégoûtants.
Les familles doivent payer entre 5000 et 10 000 dollars pour tenter de récupérer leurs filles et leurs femmes en Syrie, l'argent transitant par la Turquie.
Les hommes qui les ravissent à leurs bourreaux prennent de gros risques; beaucoup sont décapités ou pendus dans cet enfer sur terre et de ce repère de dingues qu'est devenue Raqqa (765-809), la deuxième ville après Bagdad d'Haroun al-Rachid, le calife des Mille et une nuit.
A lire aussi, cet article du Télégramme du 6 février, car il est relativement instructif sur ce qu'est Daech, dans sa dimension internationale, le témoignage de Sophie Kasiki, auteur de "Dans la nuit de Daesh", témoignage d'une repentie, chez Robert Laffont.
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