C'était au temps où Morlaix riait ... mais ce n'était déjà plus le temps du cinéma muet.
Jean-Jacques Cléach était maire de Morlaix, Marie Jacq députée PS, Marylise Lebranchu conseillère régionale et présidente du SIVOM, Chirac était le premier ministre de cohabitation, et l'on fabriquait encore des cigarettes et des cigares en France dans une entreprise d'Etat, la Seita (Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes), qui employait encore en 1995 quand elle est privatisée plus de 6000 salariés sur six usines en France.
Quai du Léon, la vénérable Manufacture de tabac, datant du XVIIe siècle et des instructions de Colbert, emploie environ 500 salariés entre 1982 et 1987 et n'en comptera plus que 220 en 1993. En 1987, la CGT annonce la volonté de la Seita de supprimer 129 postes et se bat avec flamme et pugnacité contre la casse de l'emploi, de l'outil de travail, qu'elle pressent comme un prélude à une fermeture du site pour délocaliser l'activité en faisant travailler une main d'oeuvre bon marché.
Des militants CGT combatifs comme notre ami et camarade Jean-Luc Le Calvez et son collègue Jean-Claude Le Guidou s'opposent aux transferts des machines à Strasbourg ou à Nîmes. Ils dénoncent les 5 milliards de centimes que la SEITA est prête à engloutir pour supprimer l'emploi en incitant les salariés à quitter l'entreprise plutôt que de chercher à moderniser l'outil de travail. Ils comprennent bien que la Seita préfère produire à l'étranger, notamment en sur-exploitant la main d'oeuvre africaine dans l'usine de Bangui (en Centre-Afrique).
Ce n'est pas encore le temps où l'on condamne les syndicalistes à de la prison ferme.
Mais la Seita envoie tous de même nos deux syndicalistes au tribunal.
Ces quatre articles de Ouest-France et du Télégramme de l'époque relatent les différentes phases de cet épisode des conflits sociaux à la Manufacture de Tabac et à Morlaix.
Pour Jean-Jacques Cléach, "il est anormal que deux syndicalistes soient assignés devant le tribunal. C'est de la provocation". Et de demander à Marie Jacq, la députée, d'intervenir directement auprès du président de la République. Marylise Lebranchu ne comprend pas qu'Heyraud, le PDG de la SEITA, envoie des syndicalistes au tribunal et refusent toute forme de négociation sur son plan de suppression d'emplois. Depuis, on l'a connu moins solidaire quand elle était encore au gouvernement avec les salariés de Goodyear.
Le PCF et la CGT organisent un rassemblement devant le Palais de Justice pour soutenir les camarades injustement poursuivis pour avoir voulu sauver leur usine des logiques financières de rentabilité maximale et de casse de l'emploi.
Le journaliste commente la sortie du tribunal, avant que le verdict soit connu:
"Chaleureusement applaudis à la sortie du tribunal, Jean-Luc Le Calvez et Jean-Claude Guidou n'ont guère à redouter l'ordonnance que rendra aujourd'hui le juge des référés. Même désignés comme responsables du blocage des machines, le solde de l'opération restera pour eux et pour la CGT largement positif. L'initiative de la direction a achevé de mettre en lumière leur action pour le maintien des emplois à la manufacture des tabacs. Réduisant aux seconds rôles leurs supporters présents hier devant le tribunal, CFDT, élus socialistes et communistes".
Lors de la venue de Chirac le premier ministre à Brest en novembre 1987, la CGT appelle à manifester contre les suppressions d'emplois à Thomson et à la Manu.
Finalement, le nombre de salariés à la Manu sera réduit à 50 lors du 3e plan social de 1998-1999 et l'activité prendra totalement fin à Morlaix en 2004.
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