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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 07:29
Le doux rêve de la Centrale à Gaz de Landivisiau: si pure, si propre, si vertueuse dans les images de synthèse des porteurs de projet.

Le doux rêve de la Centrale à Gaz de Landivisiau: si pure, si propre, si vertueuse dans les images de synthèse des porteurs de projet.

C'était une grande réunion d'éducation populaire, un beau moment de démocratie citoyenne aussi.

120 personnes de la région de Landivisiau, de tous horizons politiques et socio-professionnels, avec beaucoup de nouvelles têtes, qui sont sorties de cette réunion regonflées sur les chances, désormais très grandes, de faire reculer l'Etat et la région sur la construction de cette Centrale à Gaz de Landivisiau virtuellement construite et gérée par Direct Energie qui est un vrai scandale politico-financier que, dans son langage, la Commission Européenne, et plus précisément les services de la Commissaire à la concurrence, Mme Verstager, ont souligné aussi.

Pour rappel, en 2012, le choix avait été fait le 29 février de situer à Landivisiau l'emplacement de la nouvelle Centrale électrique à cycle combiné Gaz de 450 MW que Jean-Yves Le Drian avait intégré au Pacte électrique breton de manière solitaire et unilatérale, sous la pression de considérations qui nous échappent, d'un deal avec le pouvoir Sarkozy-Besson, avant de la soumettre à l'information et au vote de ses élus du Conseil Régional qui ont voté sans moufter, en dehors des élus EELV et d'un élu UDB. Le 28 février au soir, la CRE, la commission de régulation de l'énergie, établissait un classement entre les 3 propositions de prestataires pour la centrale:

- EDF et sa proposition à Brennilis, ses 35 000 salariés, ses 16 centrales conventionnelles et ses 20 centrales nucléaires, et quelques Turbines à Combustion d'appoint dont 5 dans le Finistère (Dirinon, Brennilis...).

- Enel, l'équivalent italien de d'EDF.

- Et Direct Energie, 282 salariés, qui ne gèrent que quelques unités hydro-électriques et qui n'est qu'un groupe financier achetant et revendant de l'électricité nucléaire d'EDF pour faire de la spéculation sur la dérégulation du marché de l'énergie à la faveur de la loi Nome. Direct Energie dont l'actionnaire principal était Stephane Courbit, un homme clef de la bande du Fouquet's, un ami de Sarkozy, au passé et aux amitiés troubles.

Direct énergie n'a jamais construit de centrale à gaz ni aucune centrale tout court, elle n'a fait qu'acheté celle de Pont-sur-Sambre au cours d'une opération financière. Pour prétendre construire celle de Landivisiau, la boîte à fric prospérant sur les privatisations de l'énergie s'est associée au groupe allemand SIEMENS en consortium.

Le 28 février au soir, la CRE donne son avis. Le 29 février, le choix de Landivisiau est fait. De l'ultra-rapide, de l'ultra-efficace.

Une drôle de disposition accompagne la signature de l'accord avec Direct Energie: au titre de la CSPE (Contribution au Service Public de l'Electricité) que paie tout usager sur sa facture d'électricité, les citoyens verseront 40 millions d'euros chaque année pendant 20 ans que la centrale à gaz produise de l'électricité ou pas. Le montant de la CSPE a augmenté de 550% en, 12 ans. A l'origine, il s'agissait à travers cette taxe sur la facture d'électricité d'aider les gens qui ne peuvent pas payer l'électricité, de financer leur accès aux droits, de financer le développement des énergies renouvelables et la solidarité dans l'accès à l'électricité pour les zones éloignées, les îles. Désormais, selon les mots du sénateur Husson, cette CSPE est devenue un véritable "fourre-tout" qui peut désormais financer une subvention exorbitante pour une entreprise privée, qu'elle produise ou non de l'électricité.

Après l'introduction d'un des porte-paroles du collectif "Landivisiau doit dire non à la Centrale", Emile Turlan, élu d'opposition à Landivisiau, Hubert Person et Jean Corbel, ce dernier ancien ingénieur production thermique chez EDF, ont présenté et décrypté le rapport de 27 pages de la Commission Européenne.

Celui-ci est le produit d'un rapport interactif entre la commission européenne et le gouvernement français à partir du 7 janvier 2015, quand l'Etat français a interrogé l'UE sur la légalité de la prime: pour la première fois en Europe, une entreprise aurait pu construire une centrale à l'aide d'une subvention de 40 millions d'euros par an pendant 20 ans.

Normalement, une Centrale Cycle Combiné Gaz CCG fonctionne 8000 heures dans l'année au plus. Dans le projet d'appel d'offre de l'Etat, on parlait d'un fonctionnement possible de 3000 à 4000 heures dans l'année alors que la centrale avait d'abord été "vendue" aux Bretons en disant qu'elle était là pour absorber les périodes de pic de consommation. En réalité, les cycles combinés gaz en France fonctionnent actuellement entre 600 et 700 h par an en moyenne mais la moitié sont en sommeil, et trois sont sous cocon. Cette centrale CCG avec un rendement prévu de 54% ne pourrait prétendre à la CSPE, prévue pour encourager les productions d'électricité alternatives, sobres et vertueuses.

Les critiques de la Commission Européenne:

- Au moment de donner son avis en 2012, la CRE avait émis des réserves sur la date prévue par Direct Energie de mise en service de la structure. A l'origine, la Centrale de Landivisiau devait être inaugurée en 2016. Des pénalités financières étaient prévues en cas de retard. Mais elles n'ont pas été chiffrées proportionnellement à la durée du retard. Un cas tout à fait étrange.

- La commission a des doutes sur la proportionnalité de la mesure 450 MW de la Centrale à Cycle Combiné Gaz pour les besoins de la Bretagne. En effet, les menaces de black-out qui ont été agités pour faire accepter la centrale relèvent du fantasme. Le dernier black-out électrique, c'est à dire un effet domino entraînant une perturbation de tout le réseau national, date de décembre 1978. Les turbines de Brennilis et Dirinon, avec 80 à 100 heures de fonctionnement dans l'année, suffisent et sont en état de marche jusqu'en 2025. Elles remplissent tout à fait leur office pour les passages de consommation de pointe l'hiver. L'axe Lorient-St Brieuc transportant 225 000 volts est une bretelle reliant la partie sud et la partie nord de la Bretagne qui sécurise l'approvisionnement en électricité.

La commission européenne note que "la mesure est en l'espèce discriminatoire à l'égard d'autres technologies que la Centrale Cycle Combiné Gaz" : turbines TAC, méthaniseurs, éolien, éolien offshore.

Par ailleurs, l'accord pour la Centrale à Gaz de Landivisiau ne prend pas en compte le projet européen (une étude de 3 millions d'euros) de connexion par des câbles sous-marins de l'Irlande et de la Bretagne pour alimenter la Bretagne en électricité produite par des éoliennes. Le préfet de région, encore une fois pour dissimuler les alternatives à la Centrale à Gaz sous pression de Le Drian, de la région et du gouvernement, avait dit: on n'en parle plus.

- La Commission considère que la subvention de 40 millions d'euros par an pendant 20 ans à Direct Energie est injustifiée et constitue une distorsion de concurrence. En langage technocratique, cela donne: "La Commission ne peut pas exclure que la compensation qui sera retirée par le lauréat de l'appel d'offre n'excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'accomplissement des obligations de service public".

La Commission a des doutes concernant l'analyse du degré d'utilité publique de la Centrale à Gaz et de la subvention financière par le ministère des affaires étrangères (qui discutait avec la Commission sous l'autorité de Laurent Fabius et qui n'a pas transmis les pièces capables de justifier de l'intérêt social de la Centrale Cycle Combiné Gaz de 450 MW à Landivisiau). La Commission laisse entendre qu'une telle aide financière annuelle à Direct Energie viole l'encadrement des compensations pour les services et constitue une distorsion de concurrence. En effet, d'autres CCG ont été construites sur le territoire français par des entreprises allemandes ou suisses sur leur fond propre, avec peu de rentabilité directe d'ailleurs. Direct-Energie serait la seule entreprise à bénéficier d'une subvention mirobolante pour la Centrale à Gaz de Landivisiau. Or, celle-ci ne correspond pas à une obligation de service public.

En effet, la dernière évaluation chiffrée officielle des besoins en production d'énergie de la Bretagne date de 2006, pour justifier à l'époque la Centrale à Gaz de Ploufragan au départ portée par GDF Suez. EDF et RTE en étaient l'auteur et elle mentionnait un besoin en production d'électricité de 150 MW. Un besoin de 150 MW dans la région de Saint Brieuc, aujourd'hui mois vrai avec l'installation de la THT.

En réalité, conclut Emile Turlan, l'appel d'offre de "l'Etat est pourri", ne repose sur aucune évaluation sérieuse des besoins, "l'Etat le sait", d'où sa difficulté à donner des documents probants dans ses échanges avec la Commission Européenne.

- Comprenons bien le modèle économique potentiel de Direct Energie pour cette centrale: EDF achète, elle a l'obligation de le faire, quels que soient les besoins réels, de l'électricité à Direct Energie à 95% du prix de marché SPOT. Et Direct Energie a le droit depuis la loi Nome d'acheter de l'électricité nucléaire vendue moins chère à EDF, comme cela, au-delà de ses 40 millions d'euros d'aide financière par an pendant 20 ans (800 millions donc au bout du compte), Direct Energie se fait de l'argent sur le dos des investissements de la collectivité. "C'est un vrai scandale financier de l'Etat, tonne avec raison Emile Turlan. Ça suffit! Si l'Etat n'a pas d'argent, comme il le prétend, il n'en a pas non plus pour ça. Sinon, il y a des tas de besoins sociaux qui méritent la priorité".

La Commission Européenne se prononce sur le manque d'utilité d'une centrale proportionnée comme celle portée par Direct Energie à Landivisiau et sur le manque de justification et même le caractère illégal de l'aide financière annuelle attribuée à Direct Energie (contraire aux traités encadrant la concurrence, les compensations aux prestations de service par l'Etat). Elle ne se prononce pas sur les pollutions engendrés par la centrale, la problématique de la lutte contre le réchauffement climatique, du développement de la sobriété énergétique, des économies d'énergie et des modes de production renouvelables.

Néanmoins, la Commission qui a laissé un mois à l'Etat français pour produire ses justifications et apporté des réponses à ces interrogations, ces réserves et ces critiques, a un pouvoir d'attaquer l'Etat et Direct Energie en Cour Européenne de Justice. Il y a un précédent, une Centrale à Gaz allemande flambant neuve dont le fonctionnement a été interrompu sur décision européenne.

Le Tribunal Administratif de Rennes avait renvoyé le collectif "Landivisiau doit dire non à la Centrale" dans les cordes en disant qui n'était pas habilité à se constituer plaignant par rapport au manque de fondement du projet de Centrale à Gaz et à ses dimensions financières interlopes avec un appel d'offre pour le moins bizarre. Désormais, l'affaire est jugée en cour administrative de Nantes suite à un appel du collectif. La Commission Européenne n'a pas eu la même complaisance et indique bien dans son rapport que le projet de Centrale à Gaz de Landivisiau repose bien sur du vide et des mensonges.

Le vent a tourné sur ce projet: bizarrement, personne, ni le gouvernement, ni la région Bretagne, ni la commune de Landivisiau n'a réagi au rapport de la Commission Européenne. Les opposants à la Centrale à Gaz, qu'on voulait faire passer pour des égoïstes (on en veut bien, mais pas au fond de son jardin), des "anti-tout préférant s'éclairer et se chauffer à la bougie", des "rigolos" voient quasiment tous leurs arguments essentiels validés par le rapport de la Commission Européenne.

Désormais, l'Etat, la Région, Direct Energie ont à qui parler et tous les citoyens de la région de Landivisiau qui désespéraient de devoir subir cette centrale ultra-coûteuse qui très certainement, n'aurait eu qu'une activité éphémère et inutile, retrouvent de l'énergie et de l'espoir pour se battre.

Compte rendu de la réunion du vendredi 19 février par Ismaël Dupont,

élu PCF-Front de Gauche à Morlaix et à Morlaix-Communauté

Membre du collectif "Landivisiau doit dire non à la Centrale"

Pour mémoire:

Motion présentée au Conseil Communautaire du lundi 6 octobre 2014 - Morlaix-Communauté

( la même motion a été présentée au Conseil Municipal de Morlaix quelques semaines plus tard)

Par Ismaël Dupont, élu Front de Gauche de Morlaix

Sans débat public contradictoire ni consultation des citoyens, une Centrale à Gaz pourrait s'implanter à Landivisiau, construite et gérée par Direct Energie, à 20 km de Morlaix, et moins de 10 km de certaines communes de Morlaix-Communauté.

L'installation d'une Centrale à Gaz à l'ouest de la Bretagne a été décidée probablement sous la pression de l’état dans le cadre du Pacte Électrique Breton voté par une majorité de conseillers régionaux de Bretagne.

L’État qui avait le choix entre trois projets industriels portés respectivement par EDF à Brennilis, Enel à Briec, et Direct Energie à Landivisiau, a choisi le projet de Direct Energie, un groupe financier qui n'a jamais construit de centrale à Gaz en France et dont l'objectif essentiel est de se positionner comme distributeur d'électricité en vendant plus cher au consommateur l'électricité d'origine nucléaire qu'EDF est obligé de vendre à ses concurrents dans le cadre de la dérégulation européenne et de la libéralisation du marché de l'électricité portée par la loi NOME.

Parmi les actionnaires principaux du groupe Direct Energie, faut-il rappeler qu'il y a Stephane Courbit, un proche de l'ancien président Nicolas Sarkozy. De là à penser qu'il a été récompensé par l'ancien président et son ministre Mr Eric Besson, il y a un pas que les esprits chagrins n'hésiteront pas à franchir...

Cette Centrale à Gaz serait construite à proximité immédiate de la ville de Landivisiau, ayant ainsi un effet sur la dévalorisation de l'environnement, de la valeur des biens immobiliers, et sous doute aussi sur la santé des habitants et la qualité des produits agricoles puisqu'une Centrale à Gaz émet des particules fines.

L'impact global sur l'environnement et le climat est loin d'être positif puisqu'une centrale à gaz consomme de l'énergie fossile qu'on ne trouve pas en France et qui est appelée à s'épuiser et à renchérir à court terme et produit des gaz à effet de serre. Au moment où la France va organiser la conférence sur le Climat en 2015, c'est regrettable que l'on s'engage dans ces projets du passé.

S'il est loin d'être avéré que cette Centrale à Gaz soit par elle-même rentable sur la durée, il est certain en revanche qu'elle coûterait très cher au citoyen puisque Direct Énergie percevrait une prime annuelle de presque 42 millions d'euros pendant une durée de 20 ans renouvelable une fois, prime financée par la Contribution au Service Public de l'électricité (CSPE), et donc payé par l'usager sur sa facture d'électricité.

La construction du gazoduc et de la ligne THT sera aussi en partie financée par le contribuable. Cet argent n'aurait-il pas été mieux employé à développer les énergies renouvelables et l'aide à la rénovation thermique des logements sociaux et anciens ? Cela n'aurait-il pas créé davantage d'emplois ?

Au nom de quel intérêt général construirait-on cette Centrale à Gaz?

La France exporte déjà 13 % de son électricité. La Bretagne n'a jamais connu les « black out » lors des pics de consommation que l'on met en avant pour justifier la construction de cette centrale et, de toute façon, pour être rentable, cette Centrale devrait être beaucoup plus plus qu'une centrale d'appoint et fonctionner quasiment toute l'année. La Bretagne est insérée dans une région bien plus vaste pour ce qui est de la production et de la distribution d'électricité : en quoi devrait-elle être auto-suffisante et indépendante en matière énergétique ?

Au vu de ces différents arguments, les élus du Conseil de Communauté et de Morlaix-Communauté affirment leur opposition à l'installation d'une Centrale à Gaz à Landivisiau et leur volonté que le pacte électrique breton soit réactualisé pour gagner en cohérence sur le plan de la nécessaire transition écologique tout en misant sur le développement des nouvelles filières d'activité qui y sont associés.

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